Un ancien commissaire de police de Monaco a été condamné à une peine de trois ans de prison ferme pour son rôle dans un vaste système de corruption visant à délivrer des titres de séjour monégasques. Un agent immobilier, jugé complice, a également écopé d'une peine de prison ferme dans cette affaire qui met en lumière les failles dans l'attribution du précieux statut de résident.
Le tribunal a également prononcé des amendes importantes contre les principaux accusés, sanctionnant un réseau qui a permis à un riche industriel belge et à ses proches de bénéficier indûment des avantages fiscaux de la principauté.
Les points clés de l'affaire
- Un commissaire de police à la retraite a été condamné à trois ans de prison ferme et 100 000 euros d'amende.
- Un agent immobilier a reçu une peine de 18 mois de prison ferme et une amende identique.
- Le système a permis à un industriel belge et à une quinzaine de ses proches d'obtenir des titres de séjour frauduleux.
- L'enquête a été déclenchée en 2016 par la dénonciation de l'ex-épouse du commissaire.
Des peines sévères pour les principaux acteurs
La décision de justice, rendue publique mardi, a frappé durement les organisateurs du réseau. L'ancien commissaire, aujourd'hui âgé de 73 ans, a été reconnu coupable de multiples chefs d'accusation, notamment complicité de délivrance indue de documents administratifs, corruption passive et active, trafic d'influence et blanchiment.
Le responsable d'une agence immobilière, considéré comme un maillon essentiel du dispositif, a été condamné à 18 mois de prison ferme et 100 000 euros d'amende pour sa complicité. D'autres personnes impliquées ont reçu des peines variées, reflétant leur degré d'implication dans le système.
Détail des condamnations
- Commissaire retraité : 3 ans de prison ferme, 100 000 € d'amende.
- Agent immobilier : 18 mois de prison ferme, 100 000 € d'amende.
- Successeur du commissaire : 18 mois de prison avec sursis, 20 000 € d'amende.
- Ex-épouse du commissaire : 12 mois avec sursis, 20 000 € d'amende.
Un autre policier, subalterne, a quant à lui été relaxé. Du côté de l'agence immobilière, trois employés ont été acquittés, tandis que deux autres ont été condamnés à six mois de sursis et 5 000 euros d'amende. Un dernier salarié a été dispensé de peine.
Le fonctionnement du réseau de corruption
L'enquête a mis au jour un système bien rodé permettant de contourner les règles strictes d'attribution de la résidence monégasque. Ce statut est particulièrement recherché par les ressortissants étrangers (hors France et États-Unis) car il leur permet d'échapper à l'impôt sur le revenu dans leur pays d'origine.
Un traitement préférentiel pour un magnat du textile
Le principal bénéficiaire de ce réseau était l'industriel belge du textile Pierre Salik, décédé en janvier dernier. Lui et une quinzaine de membres de sa famille ont obtenu le titre de résident grâce à des manœuvres frauduleuses orchestrées par le commissaire et ses complices.
Pour simuler une présence effective sur le territoire monégasque, une condition indispensable à l'obtention et au maintien du titre de séjour, le groupe louait des appartements et achetait des abonnements au stade Louis-II. Cependant, les logements étaient en réalité sous-loués, prouvant que leur présence n'était qu'une façade.
L'importance du titre de séjour à Monaco
Obtenir une carte de résident à Monaco est un processus très contrôlé. Les candidats doivent prouver qu'ils disposent de ressources financières suffisantes, d'un logement sur le territoire et qu'ils sont de bonne moralité. Pour de nombreux étrangers fortunés, ce titre représente une optimisation fiscale majeure.
L'origine de l'enquête et les réactions
L'affaire a éclaté en 2016 suite à la dénonciation de l'ex-épouse du commissaire, en pleine procédure de divorce. Ses révélations ont permis aux enquêteurs de remonter la filière et de comprendre l'ampleur du système.
Devant les enquêteurs, elle a détaillé les contreparties reçues par son ancien mari. Elle a notamment affirmé que Pierre Salik avait offert des dizaines de milliers d'euros en espèces ainsi que deux véhicules. Pour justifier des dépôts d'argent liquide sur son compte bancaire, elle avait même déclaré à sa banque qu'elle exerçait une activité de prostitution, une pratique légale dans la principauté.
Les avocats du principal accusé ont qualifié la condamnation d'"inutilement humiliante et sévère", sans toutefois confirmer s'ils feraient appel de la décision.
En revanche, la défense de l'agent immobilier a déjà pris sa décision. Son avocat, Me Thomas Giaccardi, a confirmé que son client allait faire appel du jugement. Cette affaire met en lumière la pression et les enjeux financiers qui entourent l'obtention d'une résidence dans l'un des territoires les plus exclusifs au monde.





