Adrien Guihal, le djihadiste français qui avait revendiqué au nom de l'État islamique l'attentat de Nice en 2016, a été transféré en Irak où il sera jugé. Selon une source irakienne proche du dossier, il fait partie d'un groupe de 47 ressortissants français récemment déplacés depuis la Syrie pour répondre de crimes terroristes.
Ce transfert marque une étape significative dans la gestion des combattants étrangers de l'EI, alors que l'Irak a déjà jugé et condamné des centaines d'individus pour leur appartenance à l'organisation terroriste.
Points Clés
- Adrien Guihal, connu pour être la voix de revendication de l'attentat de Nice, sera jugé en Irak.
- Il a été transféré de Syrie avec 46 autres ressortissants français.
- Les autorités irakiennes mènent actuellement des interrogatoires pour des crimes commis sur leur territoire.
- La France maintient une politique de rapatriement limitée, créant un débat complexe sur le sort de ses ressortissants.
Transfert et procédure judiciaire en Irak
Une source irakienne a confirmé que les procédures judiciaires concernant Adrien Guihal et 46 autres citoyens français sont en cours. « Adrien Guihal, alias Abou Oussama al-Faransi, fait toujours l’objet d’une enquête », a précisé cette source sous couvert d'anonymat. Le transfert du groupe depuis la Syrie a eu lieu il y a environ deux mois.
Les services de renseignement irakiens ont annoncé la semaine dernière que ces 47 individus étaient activement recherchés par la justice du pays. Ils sont soupçonnés d'être impliqués dans des « crimes terroristes commis en Irak ».
Selon la source irakienne, « les interrogatoires des 47 ressortissants français se poursuivent » et leur appartenance au groupe État islamique « a été prouvée ». Cette étape prépare le terrain pour des procès qui s'annoncent complexes.
Le contexte judiciaire irakien
L'Irak a adopté une ligne dure face aux membres de l'EI, qu'ils soient locaux ou étrangers. Les tribunaux du pays ont prononcé des centaines de condamnations, incluant des peines de mort et des emprisonnements à perpétuité pour des faits de terrorisme.
Précédents judiciaires
En 2019, 11 ressortissants français capturés en Syrie et transférés en Irak ont été condamnés à la peine capitale. Leurs peines ont par la suite été commuées en prison à perpétuité en appel, selon une source judiciaire locale.
Des organisations de défense des droits humains ont exprimé des préoccupations concernant la rapidité de ces procès et le respect des droits de la défense. Néanmoins, l'Irak poursuit sa mission de juger les responsables des atrocités commises sur son sol.
Le profil d'Adrien Guihal, une figure clé de l'EI
Adrien Guihal, aujourd'hui âgé d'une quarantaine d'années, est considéré comme l'un des membres français les plus importants et dangereux de l'organisation État islamique. Sa voix est tristement célèbre en France pour avoir été utilisée dans les messages audio de revendication de plusieurs attentats majeurs.
Il a notamment prêté sa voix pour la revendication de :
- L'attentat de Nice, qui a causé la mort de 86 personnes le 14 juillet 2016.
- L'assassinat d'un couple de policiers à Magnanville en juin 2016.
Son parcours illustre une radicalisation progressive. Originaire de Seine-Saint-Denis, il se convertit à l'islam en 2002. En 2008, il est arrêté dans le cadre d'un projet d'attentat visant les renseignements généraux à Paris. Après sa sortie de prison en 2012, il rejoint la Syrie en 2015 pour intégrer les rangs de l'EI.
Adrien Guihal a été arrêté en mai 2018 à Raqa, en Syrie, l'ancienne capitale autoproclamée du « califat » de l'EI. Il a ensuite été détenu pendant plusieurs années dans des prisons gérées par les forces kurdes.
La question sensible du rapatriement en France
Le sort des djihadistes français et de leurs familles détenus à l'étranger reste un sujet extrêmement sensible pour le gouvernement français. La politique officielle privilégie un traitement au cas par cas, principalement axé sur le rapatriement des enfants.
La doctrine française
Jusqu'à présent, la France a rapatrié 179 enfants et 60 femmes, la plupart provenant de camps en Syrie. Les adultes, hommes et femmes, ayant rejoint des groupes terroristes doivent, selon la doctrine française, être jugés là où ils ont commis leurs crimes.
La famille d'Adrien Guihal avait tenté d'obtenir son retour en France. En décembre 2022, sa mère a déposé une demande de rapatriement auprès du ministère des Affaires étrangères. Cette demande a été implicitement refusée, une décision ensuite confirmée par la justice administrative qui s'est déclarée incompétente pour statuer sur le sujet.
Ce refus illustre la position ferme de Paris, qui s'oppose au retour de combattants considérés comme particulièrement dangereux, préférant qu'ils soient jugés par les juridictions locales, même si cela implique des systèmes judiciaires et des peines, comme la peine de mort, qui n'existent pas en France.
Les efforts de l'Irak pour documenter les crimes de l'EI
Face à l'ampleur des crimes commis par l'État islamique, l'Irak s'efforce de structurer sa réponse judiciaire et mémorielle. Le pays est encore marqué par la découverte de nombreuses fosses communes et la collecte de témoignages des victimes se poursuit.
En 2024, après la fin de la mission d'enquête des Nations unies, l'Irak a mis en place un Centre national pour la coopération judiciaire internationale. Cet organisme a pour mission de documenter de manière exhaustive les crimes de l'EI et d'assurer la coordination avec les pays dont les ressortissants sont impliqués.
Le procès d'Adrien Guihal et des autres Français s'inscrit donc dans ce contexte plus large où l'Irak cherche à rendre justice pour les exactions subies par sa population, tout en traitant le cas complexe des milliers de combattants étrangers qui avaient rejoint l'organisation terroriste sur son territoire.