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Un réseau de blanchiment international démantelé en France et en Italie

Une opération franco-italienne a démantelé un réseau de blanchiment international lié à la "DZ Mafia" de Marseille, saisissant 55 kg d'or et 2,4 millions d'euros.

François Chevalier
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François Chevalier

Journaliste spécialisé dans les affaires criminelles et les questions de sécurité sur la Côte d'Azur. François Chevalier couvre les enquêtes judiciaires et décrypte les dynamiques du grand banditisme local.

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Un réseau de blanchiment international démantelé en France et en Italie

Une opération judiciaire franco-italienne a permis de démanteler un vaste réseau international de blanchiment d'argent. Les enquêteurs ont saisi des millions d'euros en liquide et des dizaines de lingots d'or, révélant les liens entre des organisations criminelles basées au Kosovo, au Moyen-Orient et le groupe marseillais connu sous le nom de "DZ Mafia".

L'enquête, menée conjointement par les autorités des deux pays avec le soutien d'Europol et d'Eurojust, a mis en lumière un circuit financier sophistiqué qui transformait les profits du trafic de drogue en or avant de les expédier hors d'Europe. Marseille servait de plaque tournante pour ces opérations de grande envergure.

Les points clés de l'affaire

  • Démantèlement d'un réseau de blanchiment ayant brassé plus de 30 millions d'euros.
  • Coopération entre les justices française et italienne, appuyée par Europol et Eurojust.
  • Saisie record de 55 kilos d'or et de 2,4 millions d'euros en liquide lors d'une seule opération.
  • Mise en cause de la "DZ Mafia", une organisation criminelle marseillaise, dans ce circuit financier international.
  • Arrestation d'une vingtaine de suspects en France et en Italie.

Le début de l'enquête : un signalement depuis l'Italie

L'affaire a commencé à la fin du mois de décembre 2024. La Guardia di Finanza, la police financière italienne basée à Milan, a détecté des activités suspectes impliquant des flux financiers considérables. Les enquêteurs italiens ont identifié un système complexe où des réseaux originaires du Kosovo et du Moyen-Orient centralisaient de larges sommes d'argent liquide.

Ces fonds, issus principalement du trafic de stupéfiants, étaient ensuite convertis en lingots d'or. L'objectif était de faire sortir cet argent sale du circuit économique européen de manière discrète et sécurisée. L'or était d'abord acheminé vers le Kosovo, puis vers la Turquie, où il devenait plus difficile à tracer.

Rapidement, les investigations ont montré que la France jouait un rôle central dans ce dispositif. Des villes comme Marseille, Lyon et Paris étaient des points de collecte hebdomadaires pour l'argent liquide. Marseille, en particulier, semblait être le principal point d'ancrage du réseau sur le territoire français.

Le rôle de la coopération européenne

La réussite de cette opération repose sur une collaboration judiciaire étroite entre plusieurs entités européennes. Outre les parquets français et italiens, Europol (l'agence européenne de police) et Eurojust (l'unité de coopération judiciaire de l'Union européenne) ont joué un rôle crucial dans la coordination des enquêtes et des arrestations transfrontalières, démontrant l'importance d'une réponse unifiée face au crime organisé international.

Une logistique criminelle sophistiquée

Pour collecter et transporter les millions d'euros en liquide, le réseau s'appuyait sur des équipes spécialisées. Selon les enquêteurs, ces groupes étaient principalement composés d'individus d'origine syrienne et maghrébine. Leur mission consistait à récupérer l'argent dans plusieurs villes françaises et à le convoyer en toute sécurité.

Leur méthode était particulièrement élaborée. Ils utilisaient des véhicules spécialement aménagés, équipés de caches mécaniques très difficiles à détecter. Ces compartiments secrets, souvent actionnés par des systèmes hydrauliques ou électroniques complexes, permettaient de dissimuler des centaines de milliers, voire des millions d'euros, pour passer les frontières sans éveiller les soupçons.

Ce savoir-faire technique témoigne du niveau de professionnalisme de ces réseaux. Les enquêteurs ont souligné que de telles méthodes sont généralement associées aux grands cartels de la drogue sud-américains, ce qui montre la montée en puissance des organisations criminelles opérant en Europe.

Plus de 30 millions d'euros blanchis

Selon les estimations des autorités judiciaires, le réseau aurait blanchi plus de 30 millions d'euros entre octobre 2024 et août 2025. Cette somme colossale illustre l'ampleur des profits générés par le trafic de drogue et la nécessité pour les criminels de trouver des moyens efficaces pour réinjecter cet argent dans l'économie légale.

L'opération du 7 septembre : une saisie spectaculaire

Le 7 septembre dernier, les forces de l'ordre ont porté un coup décisif au réseau. Après des semaines de surveillance, elles ont intercepté un convoi suspect qui se déplaçait entre l'Italie et l'Espagne. Cette première intervention a abouti à l'arrestation de sept personnes.

La fouille des véhicules a permis une découverte impressionnante. Les policiers ont mis la main sur :

  • 55 lingots d'or de 24 carats, pesant chacun un kilo, soit un total de 55 kilos.
  • Plus de 2,4 millions d'euros en espèces.

La valeur totale de cette seule saisie a été estimée à environ huit millions d'euros. Cette prise record a confirmé l'ampleur des activités du réseau et a fourni des preuves matérielles cruciales pour la suite de l'enquête.

Une deuxième vague d'arrestations

Forts de ce succès, les enquêteurs ont lancé une deuxième offensive quelques jours plus tard. Cette opération coordonnée s'est déroulée simultanément en France et en Italie. En France, les perquisitions ont visé Marseille et plusieurs autres communes du département des Bouches-du-Rhône.

Au total, une douzaine de suspects supplémentaires ont été interpellés et placés en garde à vue. Cette action a été le fruit d'une collaboration sans précédent entre le parquet de Marseille, le parquet national anti-mafia de Rome et le parquet de Milan. L'implication d'Europol et d'Eurojust a été essentielle pour synchroniser les actions des différentes forces de police.

Cette coopération judiciaire est la preuve que face à un crime organisé qui ignore les frontières, la réponse des États doit être unie et coordonnée.

L'ombre de la "DZ Mafia"

Au fil de leurs investigations, les enquêteurs ont découvert des liens troublants entre ce réseau de blanchiment et des figures bien connues du grand banditisme marseillais. Des éléments de l'enquête pointent vers la "DZ Mafia", l'une des organisations criminelles les plus puissantes de Marseille, spécialisée dans le trafic de stupéfiants.

Cette connexion est perçue comme un signe inquiétant de l'expansion de ce clan. Non seulement la "DZ Mafia" contrôlerait une grande partie du trafic de drogue dans la cité phocéenne, mais elle aurait également étendu son influence aux circuits financiers internationaux, lui permettant de blanchir ses profits à grande échelle. Cette capacité à opérer au niveau international la place en concurrence directe avec des mafias traditionnelles plus établies.

Face à cette menace grandissante, le parquet de Marseille a affirmé sa détermination. La stratégie ne vise plus seulement à interpeller les petits revendeurs dans les rues, mais à s'attaquer au cœur du système : les finances des organisations criminelles. En ciblant leur portefeuille, la justice espère affaiblir durablement ces réseaux.