La cour d'assises d'appel des Alpes-Maritimes a prononcé une peine de réclusion criminelle à perpétuité à l'encontre d'El Kabir M'Saidie Ali. Il a été reconnu coupable d'avoir séquestré et torturé un adolescent de 16 ans en 2019 à Marseille, dans une affaire liée au trafic de drogue.
Le verdict, assorti d'une période de sûreté de 22 ans, représente la peine maximale et alourdit la condamnation de 25 ans de prison prononcée en première instance. L'accusé, âgé de 20 ans au moment des faits, a maintenu son innocence tout au long des deux procès.
Points Clés
- El Kabir M'Saidie Ali a été condamné à la réclusion à perpétuité en appel à Nice.
- Il était jugé pour des actes de torture et de barbarie sur un adolescent de 16 ans en 2019.
- La victime, attirée par le trafic de drogue à Marseille, a subi des sévices extrêmes.
- L'affaire met en lumière le phénomène des jeunes recrutés par les réseaux de stupéfiants.
Un verdict alourdi en appel
Mardi, la cour d'assises d'appel à Nice a rendu sa décision dans une affaire d'une extrême violence. El Kabir M'Saidie Ali a été condamné à la peine la plus lourde du code pénal français pour son rôle dans la séquestration et la torture d'un jeune dealer.
Cette sentence est plus sévère que celle prononcée il y a deux ans par les assises des Bouches-du-Rhône, où il avait écopé de 25 ans de réclusion. L'avocate générale, Vinciane De Jongh, avait requis une peine de 30 ans de prison, soulignant la gravité des faits et l'absence de remise en question de l'accusé.
Selon les informations de l'AFP, El Kabir M'Saidie Ali est resté impassible à l'annonce du verdict. Tout au long de la semaine d'audience, il a répété n'avoir aucun lien avec cette affaire. "J'ai rien à voir de près ou de loin avec cette histoire", a-t-il déclaré à la cour.
Une défense qui n'a pas convaincu
Pour justifier son innocence, l'accusé a affirmé se trouver dans la région lyonnaise au moment des faits. Cependant, il n'a fourni aucun témoignage crédible ni aucune preuve matérielle pour étayer son alibi.
À l'inverse, plusieurs éléments l'ont mis en cause. Deux témoins ont affirmé le reconnaître, tout comme la victime elle-même, qui a procédé à une identification vocale formelle. Ces éléments ont pesé lourdement dans la décision des jurés.
Son avocate, Me Kim Camus, a tenté de semer le doute en pointant des contradictions dans les témoignages.
"Tout a été grossi pour présenter M. M'Saidie comme un monstre mais répéter dix fois la même chose n'en fait pas une vérité", a-t-elle plaidé.
Le parcours tragique de la victime
L'affaire met en lumière le destin brisé d'un jeune homme vulnérable. Originaire de la République démocratique du Congo, la victime est arrivée en France avec sa famille en tant que réfugiée. Placé en foyer dès l'âge de deux ans, il a connu un parcours chaotique.
À 16 ans, il fugue de son foyer de Chartres pour rejoindre Marseille. Son objectif : "se faire de l'argent facilement". Son avocat, Me Xavier Torré, le décrit comme un adolescent sans repères, fortement influencé par l'imaginaire des clips de rap.
L'engrenage du trafic de drogue
Marseille est connue pour être une plaque tournante du trafic de stupéfiants où les réseaux recrutent activement des jeunes, souvent mineurs et issus de milieux défavorisés, pour servir de guetteurs ou de vendeurs. Ces jeunes, attirés par la promesse de gains rapides, se retrouvent souvent piégés dans une spirale de violence et d'endettement.
Durant l'été 2019, l'adolescent commence à travailler pour un réseau. Il est rapidement arrêté par la police et placé dans un foyer marseillais, d'où il s'échappe à nouveau.
Une décision aux conséquences fatales
Après son évasion, il commet une erreur qui lui sera fatale. Il récupère de la drogue qui n'avait pas été saisie par les forces de l'ordre et décide de la vendre pour son propre compte. Il s'installe dans la cité Felix-Pyat, un territoire contrôlé par un autre réseau.
Un enquêteur a qualifié cette initiative d'"idée suicidaire" lors de son témoignage. Très vite repéré, l'adolescent est violemment passé à tabac par plusieurs individus avant d'être emmené de force dans un ancien local associatif désaffecté.
Une nuit de sévices et une vie détruite
Ce qui a suivi dépasse l'entendement. À la tombée de la nuit, le jeune homme a été attaché nu sur une chaise. Les yeux bandés et la bouche bâillonnée, il a enduré des heures de torture infligées par plusieurs agresseurs.
Des blessures d'une extrême gravité
L'examen médical a révélé l'ampleur des sévices subis par la victime. Les médecins ont recensé :
- Une quarantaine de brûlures de cigarettes sur tout le corps.
- Des brûlures profondes sur les parties génitales, infligées à l'aide d'un chalumeau.
La douleur était si insupportable que l'adolescent a confié aux enquêteurs avoir tenté d'avaler son bâillon pour s'étouffer et mettre fin à son calvaire. Il a finalement été secouru par un ancien du quartier, qui l'a découvert et a alerté les secours.
Des séquelles psychologiques irréversibles
La victime a été hospitalisée pendant un mois dans un service de grands brûlés, sous protection policière permanente. Aujourd'hui âgé de 22 ans, il est considéré comme une personne détruite. "Il n'a plus de moteur. Sa vie s'est arrêtée. C'est un mort-vivant", a déclaré son avocat, Me Torré.
Après avoir erré entre foyers et hôtels sociaux, il est actuellement hospitalisé en psychiatrie et placé sous curatelle renforcée. Lors de son témoignage en visioconférence, il est apparu très affaibli, peinant à répondre aux questions par autre chose que "oui" ou "non". "J'essaie de passer à autre chose", a-t-il simplement réussi à formuler.
La question de la traite humaine
El Kabir M'Saidie Ali est considéré comme l'un des deux principaux tortionnaires, le second n'ayant jamais été formellement identifié. D'autres personnes impliquées dans cette affaire ont déjà été jugées. Entre 2022 et 2023, un mineur de 17 ans et trois jeunes majeurs ont été condamnés à des peines allant de 5 à 10 ans de prison.
L'avocate générale a souligné que le déni constant de l'accusé principal compromettait toute perspective de réinsertion. Cette affaire soulève une fois de plus la problématique des jeunes recrutés via les réseaux sociaux pour travailler sur les points de deal marseillais.
Beaucoup tombent rapidement sous l'emprise des réseaux, devenant victimes de séquestrations, de tortures ou d'autres violences. Certains magistrats n'hésitent plus à qualifier ce phénomène de traite des êtres humains, et les autorités cherchent des solutions pour protéger ces mineurs pris dans un engrenage mortifère.