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Attentat de Nice : enquête sur des arrêtés municipaux

La justice enquête sur l'authenticité d'arrêtés municipaux liés aux festivités du 14 juillet 2016 à Nice, après une erreur de date et des accusations d'antidatation. La Ville de Nice nie ces allégatio

Antoine Perrault
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Antoine Perrault

Journaliste spécialisé dans les affaires judiciaires et la criminalité financière. Antoine Perrault couvre les grands procès et les enquêtes complexes, décryptant les rouages de la justice pour le grand public.

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Attentat de Nice : enquête sur des arrêtés municipaux

La justice française enquête sur l'authenticité d'arrêtés municipaux liés à l'organisation des festivités du 14 juillet 2016 à Nice. Une erreur de date dans l'un de ces documents a soulevé des questions sur une éventuelle antidatation après l'attentat. La Ville de Nice rejette ces accusations, les qualifiant de « grotesques ».

Points Clés

  • Une erreur de date dans un arrêté municipal de Nice de 2016 a déclenché une enquête judiciaire.
  • La justice examine des faits présumés de « faux en écriture publique » et « usage ».
  • L'ancien adjoint à la sécurité, Benoît Kandel, a affirmé que des arrêtés ont été « antidatés ».
  • La Ville de Nice dément fermement ces allégations, évoquant une « manipulation politique ».
  • L'instruction vise à vérifier la conformité de l'organisation des festivités et du dispositif de sécurité.

Origine de l'enquête judiciaire

L'affaire a débuté par la découverte d'une anomalie dans un arrêté municipal daté du 13 juillet 2016. Ce document, qui régule les festivités du 14 juillet, mentionne en préambule « à l’occasion du défilé du 14 juillet... 2015 » au lieu de 2016. Cette discordance a alimenté des rumeurs persistantes concernant l'antidatation de ces arrêtés.

Ces rumeurs suggèrent que les documents auraient été rédigés ou modifiés à la hâte après l'attentat du 14 juillet 2016. La justice a pris au sérieux ces allégations. Le 16 mars dernier, une magistrate de la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS) de Marseille a ouvert un supplément d'information. Cette nouvelle phase de l'enquête porte sur des faits présumés de « faux en écriture publique », de « faux authentique » et d'« usage ».

Fait important

L'attentat de Nice, survenu le 14 juillet 2016, a causé la mort de 86 personnes et blessé plus de 450. L'enquête sur l'organisation des festivités est un aspect crucial de la procédure judiciaire.

Déclarations de Benoît Kandel

L'ouverture de ce supplément d'information fait suite à la transmission d'un enregistrement audio. Une magistrate niçoise a informé sa collègue marseillaise d'une conversation évoquant des infractions pénales potentielles. Cette conversation impliquait Benoît Kandel, ancien premier adjoint à la sécurité de Nice.

Dans cet enregistrement, datant du 4 décembre 2018, Benoît Kandel s'entretient avec un ancien procureur niçois. Au cours de l'échange, il aborde l'attentat de Nice et déclare :

« 86 morts, 450 blessés. Y a pas une faute qui est commise ? Je sais qu’ils ont triché sur les arrêtés. Les arrêtés n’ont pas été signés. Ils ont été antidatés. Signés a posteriori et antidatés. Je suis au courant de tout... Je sais... Les gens nous le disent. »

Ces propos, tenus par un ancien élu qui a depuis rejoint le Rassemblement National, ont été considérés comme suffisamment pertinents pour justifier une investigation approfondie. Benoît Kandel, blanchi dans une autre affaire politico-financière en 2013, estime avoir été « piégé » par son ancien mentor politique.

Contexte de l'attentat

Le 14 juillet 2016, un terroriste a foncé avec un camion sur la Promenade des Anglais, tuant des dizaines de personnes. Cet événement a soulevé des questions sur la sécurité des grands rassemblements publics et les responsabilités des autorités locales et étatiques.

La position de la Ville de Nice

La Ville de Nice, par la voix de son avocat, Maître Archibald Celeyron, a réagi publiquement pour la première fois à ces accusations. La municipalité qualifie ces allégations d'« accusation grotesque » et de « manipulation politique ».

Maître Celeyron a souligné que les arrêtés municipaux suivent une procédure stricte. Ils sont soumis à un circuit administratif précis, passent par un contrôle de légalité et sont ensuite publiés officiellement. Cette publication se fait via un registre numérique avec une numérotation sécurisée, ce qui leur confère une date certaine. « On ne peut pas laisser n’importe qui dire n’importe quoi sur un sujet aussi grave », a-t-il affirmé.

La Ville de Nice prépare une plainte pour « dénonciation calomnieuse » et « tentative d’escroquerie au jugement » en réponse à ces accusations. Elle rappelle que les arrêtés ne définissent pas directement le dispositif de sécurité, mais délimitent les périmètres des festivités, dont les contours géographiques sont souvent similaires d'une année à l'autre.

Statut de la Ville et de l'État dans l'enquête

À ce stade de la procédure, aucune charge concrète n'a été retenue contre la Ville de Nice. Il y a six ans, la municipalité a été placée sous le statut de témoin assisté, au même titre que la préfecture et d'autres acteurs impliqués. Ce statut indique qu'il n'existe pas d'éléments suffisants pour une mise en examen directe, mais que des vérifications sont nécessaires.

L'objectif de la justice est de s'assurer que les festivités du 14 juillet 2016 ont été organisées dans le respect des conditions réglementaires de sécurité. L'adéquation du dispositif avec le niveau de la menace terroriste de l'époque est également examinée. Il est important de noter que l'instruction se poursuit et qu'aucune mise en examen n'a été prononcée jusqu'à présent.

  • La Ville de Nice est témoin assisté depuis six ans.
  • Le préfet et d'autres intervenants ont le même statut.
  • Aucune charge concrète n'a été établie contre eux.

Dispositif de sécurité et requalification des faits

En 2016, la menace terroriste était élevée. Le président de l'époque, François Hollande, avait annoncé la levée de l'état d'urgence le matin même du 14 juillet. Les services de renseignements n'avaient détecté aucune menace spécifique ou signal faible à Nice. Le mode opératoire du camion-bélier était jugé imprévisible et inédit à l'époque par les autorités.

Un rapport de l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) a déclaré le dispositif policier et de sécurité de l'époque « cohérent et adapté » après des investigations détaillées. C'est sur la base de ce rapport que le procureur de Nice avait initialement classé l'affaire en 2017. Cependant, certaines victimes ont ensuite saisi un juge d'instruction.

Les associations de victimes réclament une requalification des faits en « homicide involontaire ». L'avocat de la Ville, Maître Celeyron, estime que cette demande n'est pas fondée juridiquement. Selon lui, les faits ont été analysés dès le début sous l'angle de la mise en danger et de l'homicide involontaire, sans qu'aucune responsabilité n'ait été établie pour ces qualifications.

Précisions sur le mode opératoire

Selon les parties civiles, le mode opératoire d'un véhicule bélier était prévisible car préconisé dans la propagande islamiste et avait déjà été employé dans d'autres contextes.

Prochaines étapes judiciaires

Lors d'une audience prévue prochainement, un des avocats des victimes devrait demander de nouvelles investigations. Il souhaite la réaudition de tous les policiers impliqués, la réalisation de nouvelles expertises et la réexploitation des images de vidéosurveillance.

La Ville de Nice ne s'oppose pas, sur le principe, à des investigations supplémentaires pour les victimes et leurs proches. Cependant, elle met en avant plusieurs arguments :

  1. Le nombre important d'investigations déjà effectuées, qui ont écarté toute responsabilité.
  2. La durée « déraisonnable » de la procédure judiciaire.
  3. La « récupération politique » de l'affaire, notamment par l'extrême droite, en vue des élections municipales de 2026.

La mairie considère cette récupération comme « indigne ». L'instruction de cette affaire complexe se poursuit, avec pour objectif de faire la lumière sur toutes les zones d'ombre entourant l'organisation des événements du 14 juillet 2016 à Nice.