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Nice : 126 000 euros en liquide découverts à la mosquée En-Nour

Une enquête interne à la mosquée En-Nour de Nice révèle la découverte de plus de 126 000 euros en liquide, déclenchant une crise et des accusations de détournement.

François Chevalier
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François Chevalier

Journaliste spécialisé dans les affaires criminelles et les questions de sécurité sur la Côte d'Azur. François Chevalier couvre les enquêtes judiciaires et décrypte les dynamiques du grand banditisme local.

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Nice : 126 000 euros en liquide découverts à la mosquée En-Nour

Des tensions internes à l'institut En-Nour de Nice ont conduit à la découverte de plus de 126 000 euros en espèces dans le bureau de l'imam. Le nouveau président de l'association gestionnaire dénonce des irrégularités comptables et des détournements de fonds présumés, tandis que l'imam et son conseil nient toute malversation.

L'affaire, qui a débuté par des conflits internes et des déclarations controversées, met en lumière une crise de gouvernance au sein de l'un des principaux lieux de culte musulman de la ville, soulevant des questions sur la gestion des dons des fidèles.

Points Clés

  • Plus de 126 000 euros en espèces ont été découverts et saisis par huissier dans les locaux de la mosquée En-Nour à Nice.
  • Le nouveau président de l'association, Adil Echaoui, accuse l'imam Mahmoud Benzamia de mauvaise gestion et de possibles détournements de fonds.
  • L'imam et son avocat réfutent les accusations, affirmant que la présence d'argent liquide est normale pour les dons et accusent en retour le nouveau président de vouloir prendre le contrôle de l'association.
  • La crise a été déclenchée par une grève des bénévoles et des propos polémiques de l'imam qualifiant Nice de "ville haineuse et raciste".

Crise de confiance à l'institut En-Nour

Une grave crise de confiance secoue l'institut En-Nour, situé dans la plaine du Var à Nice. Le conflit oppose le nouveau président de l'association gestionnaire, Adil Echaoui, à l'imam Mahmoud Benzamia. Au cœur des tensions : la gestion financière de la mosquée et la découverte d'une importante somme d'argent liquide.

La situation s'est envenimée au cours des derniers mois, sur fond de mécontentement grandissant. Un mouvement de grève des bénévoles, un événement très rare, avait déjà eu lieu pour protester contre ce qu'ils qualifiaient de gestion autoritaire de la part du responsable religieux.

Des déclarations qui mettent le feu aux poudres

Le point de rupture a été atteint lorsque l'imam Mahmoud Benzamia, lors d'une interview pour une chaîne de télévision publique algérienne, a qualifié Nice de "ville haineuse et raciste", présentant son institut comme un "centre islamique algérien". Ces propos ont provoqué un tollé, tant au sein de la communauté musulmane locale qu'auprès des autorités municipales.

C'est dans ce contexte de crise que M. Echaoui, alors trésorier, a été nommé président de l'association socio-culturelle et cultuelle de Nice-La Plaine avec pour mission de calmer la situation.

Contexte de la nomination

Adil Echaoui, membre de longue date de l'association, a été désigné pour trouver une issue à la crise après les controverses successives. Sa connaissance des rouages internes en tant que trésorier l'a positionné comme une figure de transition, avant qu'il ne découvre lui-même des anomalies.

Des anomalies comptables présumées

En prenant ses nouvelles fonctions, Adil Echaoui a examiné les comptes de l'association. Il rapporte avoir rapidement identifié des irrégularités importantes. "J'ai découvert des anomalies comptables, et notamment l'absence totale de versements d'espèces sur le compte de l'association de fin 2022 à mai 2025", a-t-il déclaré.

Le nouveau président affirme s'être heurté à un mur d'opacité lorsqu'il a tenté d'obtenir des éclaircissements. Il dénonce un manque d'accès aux documents comptables, la non-restitution des chéquiers de l'association par l'imam et l'émission de chèques sans son autorisation de président.

"Entre les dons de la prière du vendredi, ceux de l’Aïd et les revenus de l’école, il manque des centaines de milliers d’euros sur dix ans."

Face à cette situation, M. Echaoui a convoqué une réunion du conseil d'administration. Selon ses dires, la réponse a été une invitation à démissionner. Le 18 juillet, son avocate, Me Marielle Walicki, a envoyé une mise en demeure formelle à l'imam et au conseil pour exiger la remise de toutes les pièces comptables.

La découverte de 126 485 euros en liquide

Les tensions ont atteint leur paroxysme le 19 août. Au cours d'une réunion de crise particulièrement tendue, l'imam Mahmoud Benzamia aurait fini par ouvrir le coffre-fort de son bureau et en sortir un sac rempli de billets de banque.

Des témoins décrivent une scène surréaliste. Un commerçant présent dans l'assistance est allé chercher une machine à compter les billets dans son véhicule pour procéder au décompte. Un huissier de justice a été appelé en urgence pour constater officiellement le montant.

Un constat d'huissier officiel

Le montant total comptabilisé et consigné dans le constat d'huissier s'élève précisément à 126 485 euros, entièrement en espèces. Cette somme représente l'élément matériel central du conflit actuel.

Pour Adil Echaoui et les fidèles qui le soutiennent, cette découverte est la preuve d'une gestion opaque. "On ne veut pas être complices de ça. On est fatigués d’être téléguidés par des gens qui ne nous représentent pas et qui salissent la mosquée", a déclaré un proche du nouveau président.

Défense de l'imam et contre-accusations

De leur côté, l'imam Mahmoud Benzamia et son avocat, Me Ouassini Mebarek, réfutent fermement toute accusation de détournement de fonds. Ils affirment que la gestion des dons est transparente et que la présence d'argent liquide n'a rien d'anormal.

"Les dons se font en liquide, comme dans toutes les mosquées", explique la défense. Selon eux, le constat d'huissier ne prouve aucune infraction. "Tout ce que prouve ce constat d’huissier, c’est qu’il y a des fonds. Cela ne prouve ni la provenance de ces fonds, ni leur destination. Aucun argent n’a disparu et personne n’a volé quoi que ce soit."

Une bataille pour le contrôle de l'association ?

L'imam et son conseil ont lancé une contre-offensive, accusant Adil Echaoui de vouloir prendre le pouvoir de manière illégitime. Ils le décrivent comme un "autocrate qui ne respecte pas les statuts du conseil d’administration" et qui "manipule les bénévoles".

Ils soulignent également que M. Echaoui était le trésorier de l'association pendant de nombreuses années. "Il a accès à tout et était trésorier de longue date : les comptes, c’est lui", argumentent-ils, laissant entendre qu'il porte une part de responsabilité dans la situation comptable qu'il dénonce aujourd'hui. L'affaire révèle une profonde fracture au sein de l'association et la suite devrait se jouer sur le terrain judiciaire.