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Un SDF relaxé après des accusations de menaces antisémites à Nice

Un homme sans domicile fixe de 44 ans, accusé de menaces antisémites envers un rabbin à Nice, a été relaxé par le tribunal faute de preuves suffisantes.

François Chevalier
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François Chevalier

Journaliste spécialisé dans les affaires criminelles et les questions de sécurité sur la Côte d'Azur. François Chevalier couvre les enquêtes judiciaires et décrypte les dynamiques du grand banditisme local.

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Un SDF relaxé après des accusations de menaces antisémites à Nice

Le tribunal correctionnel de Nice a relaxé un homme sans domicile fixe de 44 ans, accusé d'avoir proféré des menaces de mort à caractère antisémite contre un rabbin près de la gare Thiers. La décision a été rendue au bénéfice du doute, faute de preuves suffisantes pour étayer les accusations.

L'affaire reposait uniquement sur le témoignage de la victime présumée, qui avait formellement identifié le prévenu. Celui-ci a constamment nié les faits qui lui étaient reprochés.

Les points essentiels

  • Un homme de 44 ans, sans domicile fixe, a été jugé pour menaces de mort à caractère antisémite.
  • Les faits se seraient déroulés devant la gare de Nice, où un rabbin affirme avoir été agressé verbalement.
  • Le tribunal a prononcé la relaxe en raison de l'absence de preuves matérielles ou de témoins.
  • Le parquet avait requis une peine de deux ans de prison ferme, soulignant le casier judiciaire du prévenu.

Contexte de l'incident à la gare Thiers

Les faits remontent à vendredi dernier, sur le parvis de la gare Thiers, un lieu très fréquenté de Nice. Un rabbin du mouvement Loubavitch, accompagné de son fils de 16 ans, venait récupérer ce dernier. C'est à ce moment qu'il aurait été la cible d'une agression verbale.

Selon le plaignant, un homme aurait crié avec véhémence des slogans tels que "Free Palestine !", avant d'enchaîner avec des insultes et des menaces directes : "Juif ! Juif ! Juif ! Mort aux Juifs !". Le rabbin a immédiatement alerté les forces de l'ordre, qui ont procédé à l'interpellation du suspect sur les lieux.

Le témoignage du plaignant

Lors de l'audience qui s'est tenue lundi, le rabbin a livré un témoignage détaillé et ému. Il a décrit une agression d'une grande violence verbale. "Il n'a pas simplement crié ; il a hurlé", a-t-il déclaré à la barre du tribunal, insistant sur l'impact de la scène sur lui et son fils adolescent.

"J'étais avec mon fils de 16 ans. Il est mature, mais je ne veux pas qu'il entende des choses pareilles... On ne crie pas 'Mort aux Juifs !'"

Le père de famille a précisé qu'il ne souhaitait pas s'exprimer sur le contexte géopolitique, mais qu'il tenait à dénoncer la nature purement antisémite des propos tenus. Son avocat, Maître David Rebibou, représentant également le Crif Sud-Est, a demandé un euro symbolique à titre de réparation.

Une accusation contre une défense

L'affaire a mis en lumière la difficulté de juger des faits où la parole de l'un s'oppose à celle de l'autre, sans élément matériel pour corroborer l'une ou l'autre version. La totalité de l'accusation reposait sur l'identification formelle du prévenu par le rabbin.

Le principe du bénéfice du doute

En droit pénal français, le principe "in dubio pro reo" (le doute profite à l'accusé) est fondamental. Il signifie que si le tribunal n'est pas convaincu de la culpabilité d'un prévenu au-delà de tout doute raisonnable, il doit prononcer la relaxe ou l'acquittement. Cette règle vise à protéger les individus contre les erreurs judiciaires.

La version du prévenu

Dans le box des accusés, le prévenu, un homme d'origine roumaine vivant à Nice depuis une vingtaine d'années, a fermement nié les accusations. Il a admis avoir entendu un de ses compagnons d'infortune crier "Free Palestine !", mais a soutenu n'avoir lui-même proféré aucune menace.

"Je ne sais pas pourquoi il a dit ça. Moi, je n’ai rien fait", a-t-il maintenu tout au long de l'audience. Sa défense était simple : il était au mauvais endroit, au mauvais moment, et a été confondu avec quelqu'un d'autre.

Un casier judiciaire chargé

L'un des éléments mis en avant par l'accusation était le passé judiciaire du prévenu. Son casier comporte treize condamnations antérieures, notamment pour des faits d'injures à caractère racial, ce qui a pesé lourd dans les réquisitions du ministère public.

La décision du tribunal

Le procès a été marqué par des positions très tranchées entre l'accusation et la défense. La procureure de la République, Sylvie Maillard, a souligné la gravité des faits reprochés et le casier du prévenu pour requérir une peine sévère de deux ans de prison ferme.

Les parties civiles, représentées par Maître Louis Bensa pour la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) et Maître Rebibou, ont soutenu la version du plaignant, insistant sur la nécessité de condamner fermement de tels actes.

La plaidoirie de la défense

L'avocat de la défense, Maître Dylan Champeau, a axé sa plaidoirie sur l'absence de preuves matérielles. Il a rappelé au tribunal qu'aucun autre témoin n'avait corroboré la version du rabbin et que les images de vidéosurveillance de la gare n'avaient rien révélé.

"Nous avons à juger un dossier, pas un contexte...", a-t-il plaidé, demandant au tribunal de s'en tenir aux faits prouvés. Il a insisté sur le fait que la seule parole d'une victime, aussi sincère soit-elle, ne pouvait suffire à emporter une condamnation pénale en l'absence d'autres éléments.

Le verdict final

Après délibération, le tribunal, présidé par Isabelle Demarbaix-Joando, a suivi l'argumentaire de la défense. Reconnaissant l'insuffisance des charges, la cour a prononcé la relaxe au bénéfice du doute.

En rendant sa décision, la présidente a toutefois adressé un avertissement au prévenu, qui a été remis en liberté à l'issue de l'audience : "Le tribunal espère ne pas vous revoir...". Cette affaire illustre la complexité pour la justice de statuer lorsque les preuves manquent, même face à des accusations d'une extrême gravité.