Une récente condamnation à Marseille a mis en lumière la persistance des tensions au sein du grand banditisme sur la Côte d'Azur. Deux hommes ont écopé de sept ans de prison pour avoir planifié l'assassinat d'une figure montante du milieu local, rappelant une longue série d'affaires violentes qui ont marqué la région.
Cette décision de justice sert de catalyseur pour revenir sur plus d'une décennie de règlements de comptes, dont beaucoup restent non élucidés. Ces événements dessinent les contours d'une guerre de pouvoir souterraine, où les alliances se font et se défont au gré des intérêts et des vengeances.
Points Clés
- Deux hommes ont été condamnés à sept ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de commettre un crime.
- Cet événement récent s'inscrit dans une longue histoire de violence liée au grand banditisme sur la Côte d'Azur.
- Plusieurs assassinats ciblés de figures du milieu ont eu lieu depuis le début des années 2000.
- La plupart de ces meurtres, souvent exécutés en public, demeurent non résolus, illustrant la complexité des enquêtes.
Une condamnation qui ravive de vieux fantômes
Le tribunal correctionnel de Marseille a récemment condamné un Niçois et son ex-beau-frère à sept ans d'emprisonnement ferme. Les juges ont suivi les réquisitions du procureur, reconnaissant les deux hommes coupables d'association de malfaiteurs en vue de commettre un crime.
Leur cible était une personnalité influente du milieu niçois, considérée comme le bras droit d'un parrain local. Ce projet d'assassinat, déjoué par les enquêteurs, confirme que les luttes d'influence entre les différentes générations et clans du banditisme régional sont toujours actives.
Qu'est-ce qu'un règlement de comptes ?
Dans le jargon policier et judiciaire, un "règlement de comptes" désigne un homicide ou une tentative d'homicide commis dans le cadre d'activités criminelles organisées. Il vise souvent à éliminer un rival, à punir une trahison ou à régler un conflit lié au contrôle d'un territoire ou d'un trafic (stupéfiants, racket, etc.).
Chronologie d'une violence récurrente
La Côte d'Azur a été le théâtre de nombreux assassinats ciblés au cours des deux dernières décennies. Ces affaires, bien que distinctes, sont parfois liées par les profils des victimes et les modes opératoires, dessinant une toile complexe de rivalités.
Février 2017 : L'exécution de Cédric Perrin à Nice
Le 20 février 2017, Cédric Perrin, âgé de 36 ans, est abattu de plusieurs balles dans la tête alors qu'il sort de son domicile sur l'avenue de Pessicart, à Nice. L'assaillant, casqué et circulant sur un scooter de type T-Max, a agi avec un sang-froid remarquable, tirant à plusieurs reprises avant de s'approcher pour vider son chargeur à bout portant.
La victime, non armée, s'est effondrée sur la chaussée. Cédric Perrin était bien connu des services de police, notamment pour trafic de stupéfiants. Il était considéré comme le bras droit de Régis Mijatovic, lui-même assassiné moins de deux ans auparavant.
Juin 2015 : La chute de Régis Mijatovic à Cagnes-sur-Mer
Le 2 juin 2015, Régis Mijatovic, surnommé "Le Blond", dîne à la terrasse du restaurant Charlot 1er au Cros-de-Cagnes. Un homme casqué s'approche et l'abat avant de prendre la fuite avec un complice sur un scooter. Cette exécution en public d'une figure majeure du banditisme local a marqué les esprits.
Le scooter, véhicule de prédilection
L'utilisation d'un scooter puissant, comme le Yamaha T-Max, est une constante dans de nombreux règlements de comptes. Il permet aux tueurs de se faufiler rapidement dans la circulation pour s'approcher de leur cible et de s'échapper efficacement après les faits. Le véhicule est souvent volé et retrouvé incendié pour effacer toute trace.
Février 2012 : Le double meurtre du marché de Nice
Le 10 février 2012, une fusillade éclate au marché d'intérêt national (MIN) de Nice. Deux hommes, Stéphane Tixier, 49 ans, et Amadeo Titeux, 41 ans, sont tués par des rafales d'arme automatique de calibre 5.45. Tous deux travaillaient pour un grossiste en fruits.
Le tireur, agissant seul, s'est enfui à moto. L'engin a été retrouvé incendié plus tard à Saint-Laurent-du-Var. Fait notable, les deux victimes avaient été condamnées des années plus tôt dans une autre affaire de meurtre, celle de Philippe Di Cristo en 2002.
Des affaires plus anciennes toujours non résolues
La vague de violence n'est pas un phénomène récent. Plusieurs autres affaires emblématiques ont jalonné les années 2000, et la plupart des responsables n'ont jamais été identifiés.
- Mai 2010, Nice : Thierry Derlan, 39 ans, ancien braqueur, est abattu de sept balles près de son domicile sur les collines de Nice. Les deux tireurs n'ont jamais été retrouvés.
- Décembre 2006, Villeneuve-Loubet : Hakem Kada et son cousin, Farid Bouzik, cogérants d'un restaurant de plage, sont tués par trois hommes encagoulés armés d'un fusil de chasse et d'un pistolet 11.43. Les tueurs sont toujours recherchés.
- Août 2013, Le Cannet : Joseph Rivituso, 57 ans, patron d'un café, est exécuté à son comptoir devant son fils et plusieurs témoins. L'enquête est toujours en cours.
Le meurtre de 2002 : un rare cas élucidé
L'affaire Philippe Di Cristo, assassiné en janvier 2002 à Cagnes-sur-Mer, est l'une des rares à avoir abouti à des condamnations. Jacques Sordi et Messaoud Hamioud ont été condamnés à 15 ans de réclusion criminelle pour avoir été les tireurs. Dans ce même dossier, Amadeo Titeux et Stéphane Tixier, qui seront abattus dix ans plus tard, avaient écopé de douze ans de prison.
Cette succession d'événements violents met en évidence la nature cyclique des conflits au sein du milieu criminel, où les représailles peuvent survenir des années après les faits initiaux.
Un défi constant pour la justice
La résolution de ces affaires représente un défi majeur pour la police judiciaire. Les enquêtes se heurtent souvent à la loi du silence (omerta) qui prévaut dans le milieu du banditisme. Les témoins sont rares ou peu enclins à coopérer par peur de représailles.
De plus, les auteurs de ces meurtres sont souvent des professionnels aguerris qui prennent de nombreuses précautions pour ne laisser aucune trace. Malgré les efforts des enquêteurs, de nombreux dossiers restent ouverts pendant des années, laissant les familles des victimes sans réponse et perpétuant un climat d'impunité qui alimente de nouvelles vagues de violence.