L'Opéra de Nice a marqué le début de la saison lyrique en France en présentant "Satyagraha", une œuvre majeure du compositeur américain Philip Glass. Cette production, mise en scène par Lucinda Childs, a été accueillie avec un immense succès avant sa présentation à Paris au printemps prochain. L'opéra retrace le combat non-violent de Gandhi en Afrique du Sud.
Le spectacle se distingue par une approche immersive, utilisant des projections vidéo à 360 degrés pour plonger le public dans une expérience visuelle et musicale unique. La direction musicale de Léo Warynski et les performances des solistes, du chœur et du ballet de l'Opéra de Nice ont été unanimement saluées.
Points Clés
- L'Opéra de Nice a présenté la première française de la production de "Satyagraha" de Philip Glass.
- L'œuvre est basée sur les années de Gandhi en Afrique du Sud et son développement de la résistance non-violente.
- La mise en scène de Lucinda Childs utilise des projections vidéo immersives conçues par Etienne Guiol.
- La direction musicale a été assurée par Léo Warynski, un spécialiste reconnu de la musique de Glass.
- Le ténor Sahy Ratia a interprété le rôle de Gandhi, aux côtés d'une distribution de solistes de premier plan.
Un opéra sur la naissance d'un combat historique
"Satyagraha" n'est pas un opéra traditionnel. Il se concentre sur une période charnière de la vie de Mohandas K. Gandhi, lorsqu'il vivait en Afrique du Sud de 1893 à 1914. C'est durant ces années qu'il a développé sa philosophie de la résistance non-violente, qu'il a nommée "Satyagraha", un terme sanskrit signifiant "la force de la vérité".
Le compositeur Philip Glass a été profondément marqué par cet épisode historique. Il a souhaité créer une œuvre qui ne se contente pas de raconter une histoire, mais qui transmet l'esprit de cette lutte pour la dignité et les droits civiques. L'opéra a été créé pour la première fois à Rotterdam en 1980, avant d'être joué sur les plus grandes scènes internationales comme New York et Londres.
Le livret en sanskrit : un choix symbolique
Le livret de l'opéra, écrit par Constance DeJong, est entièrement en sanskrit. Les textes sont extraits de la Bhagavad-Gita, un écrit fondamental de l'hindouisme. Ce choix n'est pas anodin : il ancre l'œuvre dans une dimension spirituelle et universelle, dépassant le simple récit biographique pour toucher à des thèmes comme la vérité, le devoir et l'harmonie.
L'opéra est structuré en trois actes, chacun représentant une figure tutélaire qui a inspiré Gandhi : Léon Tolstoï, Rabindranath Tagore et Martin Luther King Jr. Cette structure symbolique renforce le message universel de l'œuvre sur la puissance de la résistance pacifique.
Une production immersive et poétique à Nice
Pour cette première française, Bertrand Rossi, le directeur de l'Opéra de Nice, a fait appel à une équipe artistique de renom. La mise en scène et la chorégraphie ont été confiées à Lucinda Childs, une collaboratrice de longue date de Philip Glass. Sa connaissance intime de l'univers musical du compositeur, caractérisé par ses structures répétitives et minimalistes, a permis de créer un spectacle d'une grande cohérence.
L'élément le plus marquant de cette production est sans doute son aspect visuel. Le vidéaste Etienne Guiol a conçu un environnement immersif à 360 degrés. Des projections oniriques et évocatrices enveloppent la scène et le public, créant une atmosphère unique qui transporte les spectateurs au cœur de l'action et de la philosophie de l'œuvre.
Les mouvements chorégraphiques, interprétés par les danseurs du Ballet de l'Opéra de Nice, sont empreints d'une grande sérénité. Chaque geste est mesuré et harmonieux, reflétant la discipline et la paix intérieure prônées par le concept de Satyagraha. Loin de la violence souvent associée aux récits de lutte sociale, la mise en scène privilégie une esthétique de la quiétude et de la contemplation.
Quatre ans après "Akhnaten"
Le succès de "Satyagraha" s'inscrit dans la continuité d'un autre événement marquant pour l'Opéra de Nice. Il y a quatre ans, l'institution avait déjà présenté "Akhnaten", un autre chef-d'œuvre de Philip Glass, qui avait également reçu un accueil critique et public très favorable. Ce choix confirme la volonté de la maison lyrique niçoise de programmer des œuvres contemporaines ambitieuses.
La direction musicale : une maîtrise de l'univers de Glass
La partition de "Satyagraha" est exigeante. Comme souvent chez Philip Glass, la musique est construite sur de longues séquences répétitives, avec des changements subtils qui créent une tension progressive. Maintenir la cohésion et l'énergie tout au long des trois actes, chacun d'une durée d'environ 40 minutes sans pause, représente un véritable défi.
Ce défi a été relevé avec brio par le directeur musical Léo Warynski. Spécialiste de la musique de Glass, qu'il a déjà dirigée et enregistrée, il a su guider l'Orchestre Philharmonique de Nice avec une précision et une sensibilité remarquables. Sa direction a permis de révéler toute la richesse et la profondeur hypnotique de la partition.
L'engagement des musiciens de l'orchestre, ainsi que celui du Chœur de l'Opéra de Nice, a été total. Ils ont su naviguer avec aisance dans les complexités rythmiques et harmoniques de l'œuvre, contribuant de manière essentielle à l'atmosphère envoûtante du spectacle. Le résultat est une performance musicale qui soutient et amplifie la dimension visuelle et dramatique de la production.
Une distribution vocale d'exception
Pour porter cette œuvre exigeante, l'Opéra de Nice a réuni une distribution de solistes d'une grande homogénéité. Dans le rôle central de Gandhi, le jeune ténor malgache Sahy Ratia a livré une performance habitée. Sa présence scénique, empreinte d'une sérénité absolue, et ses qualités vocales ont parfaitement incarné la figure du leader pacifiste.
À ses côtés, les autres solistes ont également brillé :
- Le trio féminin, composé de Melody Louledjian (soprano), Karen Vourc’h (soprano) et Julia Robard-Gendre (mezzo-soprano), a fait preuve d'une grande précision et d'une belle complémentarité vocale.
- Les voix masculines de Jean-Luc Ballestra, Frédéric Diquero et Angel Odena ont apporté leur talent et leur clarté à l'édifice sonore, complétant avec justesse la distribution.
Chaque artiste a contribué à la réussite collective de cette production. L'accueil triomphal réservé par le public niçois témoigne de la qualité d'un spectacle qui restera comme l'un des temps forts de la saison lyrique française. C'est une expérience à la fois fascinante et apaisante, qui invite à la réflexion dans une période souvent marquée par le chaos.