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Saint-Laurent-du-Var : l'histoire méconnue d'un village azuréen

Découvrez l'histoire méconnue de Saint-Laurent-du-Var, de ses origines agricoles à son rôle de carrefour médiéval avec son église romane et son hospice.

Clara Lefebvre
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Clara Lefebvre

Journaliste spécialisée dans la couverture du patrimoine, de l'histoire locale et des événements culturels sur la Côte d'Azur. Clara Lefebvre met en lumière les initiatives qui valorisent la richesse culturelle de la région.

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Saint-Laurent-du-Var : l'histoire méconnue d'un village azuréen

Derrière son port de plaisance et ses quartiers modernes, Saint-Laurent-du-Var dissimule une histoire riche de près de mille ans, intimement liée au fleuve Var. De ses origines agricoles à son rôle stratégique au Moyen Âge, la ville conserve des trésors patrimoniaux qui racontent un passé souvent méconnu, bien au-delà de son image contemporaine.

Ce voyage dans le temps révèle comment un petit bourg agricole est devenu un carrefour essentiel pour les pèlerins et les voyageurs, et comment son église romane, le plus ancien édifice de la commune, continue d'être le cœur vibrant de la vie locale.

Points Clés

  • Saint-Laurent-du-Var s'est développé grâce à l'agriculture le long des rives fertiles du fleuve Var.
  • Un hospice médiéval du XIe siècle offrait un passage gratuit du fleuve aux pèlerins et aux pauvres.
  • L'église romane, datant du XIe siècle, est le plus ancien monument de la ville et un centre de vie communautaire.
  • La commune a surmonté la peste et les guerres avant de renaître au XVe siècle.
  • Les traditions locales, comme la fête du gueyeur, sont encore célébrées aujourd'hui, maintenant le lien avec ce riche passé.

Aux origines de Saint-Laurent : une terre nourricière

Bien avant l'urbanisation et le développement du littoral, la vie à Saint-Laurent-du-Var était rythmée par le fleuve. Le Var, avec ses crues et ses rives fertiles, a été le véritable moteur du développement de la communauté laurentine. C'est sur ces terres alluviales que les premiers habitants ont bâti leur subsistance.

Laetitia Berthoin, responsable du service des archives et du patrimoine culturel, explique cette géographie primitive. « On cultivait des légumes maraîchers près du fleuve, tandis que les collines, aujourd'hui urbanisées, accueillaient surtout des oliviers », précise-t-elle. Cette double culture, entre les plaines fertiles et les coteaux ensoleillés, a assuré la prospérité du village pendant des siècles.

Le fleuve n'était pas seulement une ressource agricole ; il constituait également une frontière naturelle et un point de passage stratégique. Cette position géographique a joué un rôle déterminant dans l'histoire de la ville, attirant voyageurs, pèlerins et, parfois, des convoitises.

L'église et l'hospice : un carrefour spirituel et solidaire

Au cœur du vieux village, un édifice témoigne de l'importance spirituelle de Saint-Laurent-du-Var dès le XIe siècle : l'église romane. Érigée au centre du bourg, elle est rapidement devenue le point de ralliement de la communauté, un lieu de culte mais aussi de vie sociale.

Juste à côté, une institution essentielle a vu le jour : un hospice destiné à accueillir les pèlerins et les plus démunis. Cet établissement était géré par des chanoines de l'ordre de Saint-Augustin, venus d'Italie, qui avaient une mission bien précise.

Une mission de service public

Selon les archives, les chanoines de l'hospice avaient des obligations strictes. « Ils avaient l'obligation d'entretenir trois chambres, six lits et surtout une barque permettant de traverser gratuitement le Var », détaille Laetitia Berthoin. Ce service de passage gratuit était crucial pour les voyageurs sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle ou de Rome.

Grâce à de nombreux dons, l'hospice a prospéré, accumulant des richesses considérables. Cependant, ce succès a attiré l'attention des évêques de Vence, qui ont revendiqué les bénéfices de l'établissement. Le conflit a pris une telle ampleur qu'il est remonté jusqu'au pape Jean XXII qui, en 1327, a pris une décision radicale : la fermeture de l'hospice.

Épreuves et renaissance d'un village résilient

La fin du Moyen Âge a été une période sombre pour Saint-Laurent-du-Var. Comme de nombreuses communautés en Europe, le village a été frappé par des fléaux dévastateurs. La peste noire et les guerres successives ont décimé la population, ruiné l'économie locale et vidé l'hospice de ses derniers occupants.

Pourtant, la communauté laurentine a fait preuve d'une incroyable résilience. En 1468, un événement majeur a marqué un tournant : la signature d'un « acte d'habitation ». Ce document juridique a permis de relancer la vie locale en attirant de nouvelles familles pour repeupler la cité. Lentement mais sûrement, le village s'est reconstruit autour de son église, qui avait survécu aux épreuves.

Des sépultures sous l'église

L'église n'était pas seulement un lieu de culte, mais aussi le dernier lieu de repos pour les notables de la communauté. Pendant des siècles, les familles les plus influentes ont été inhumées sous le dallage même de l'édifice. Des travaux de restauration menés en 1991 ont mis au jour ces sépultures, révélant des ossements qui témoignent de cette ancienne pratique.

Cette renaissance a permis à Saint-Laurent-du-Var de traverser les siècles, en conservant une forte identité villageoise malgré les transformations futures.

Les trésors cachés de l'église Saint-Laurent

L'église Saint-Laurent, bien que maintes fois remaniée au fil des siècles, conserve des traces précieuses de son passé médiéval. C'est un véritable livre d'histoire à ciel ouvert pour qui sait observer ses détails architecturaux.

Un vestige du XIe siècle

Le bâtiment a été construit avec de la pierre calcaire extraite des carrières de Gattières, une commune voisine. Son élément le plus remarquable est sans conteste un mur roman datant du XIe siècle, orné d'une frise dentelée. Selon les historiens, il s'agit du plus ancien vestige architectural de toute la commune, un témoin silencieux de près de mille ans d'histoire.

Un clocher plus récent

Le clocher que l'on admire aujourd'hui est beaucoup plus récent. Il a été érigé en 1925 et se distingue par son campanile en fer forgé, typique de l'architecture provençale. Il a remplacé des structures plus anciennes, probablement détruites ou endommagées par le temps.

Reliques et vitraux

À l'intérieur de l'église, plusieurs objets d'art et de dévotion attirent l'attention :

  • Un reliquaire doré qui, selon la tradition, contiendrait un fragment du tibia de Saint-Benoît.
  • Un vitrail éclatant représentant Saint-Laurent, le patron de la ville, tenant le gril de son martyre.

Ces éléments, ajoutés au fil des siècles, ont enrichi le patrimoine de l'église et continuent de fasciner les visiteurs et les fidèles.

Un patrimoine vivant au cœur de la cité

Aujourd'hui, l'héritage historique de Saint-Laurent-du-Var ne se limite pas aux vieilles pierres. Il est célébré et maintenu en vie par les habitants à travers des traditions festives qui animent le vieux village tout au long de l'année. L'église et la place Castillon, qui lui fait face, redeviennent alors le centre névralgique de la commune.

« C’est à la fois le plus ancien monument du village et un lieu toujours très vivant. »

Laetitia Berthoin, responsable du service des archives et du patrimoine culturel

Des événements populaires comme la soupe au pistou, le concours de pan bagnat ou encore la fête du gueyeur (en hommage aux anciens passeurs du Var) rassemblent les générations. Ces festivités sont l'occasion pour les Laurentins de se réapproprier leur histoire et de la partager avec les visiteurs.

Ces traditions montrent que Saint-Laurent-du-Var, malgré son développement moderne avec son port et son centre commercial Cap 3000, a su préserver son âme de village. C'est cette dualité qui fait aujourd'hui la richesse et le charme de cette ville de la Côte d'Azur, fière de ses racines et résolument tournée vers l'avenir.