La réalisatrice Valérie Donzelli a présenté son nouveau film, « À pied d’œuvre », en avant-première au festival Cinéroman à Nice. Porté par l'acteur Bastien Bouillon, le long-métrage est une adaptation du livre autobiographique de Franck Courtès, qui y raconte sa propre expérience de la précarité en tant qu'écrivain.
Le film, également sélectionné à la Mostra de Venise, met en lumière les difficultés économiques rencontrées par de nombreux artistes et interroge les dérives d'une société où le travail est de plus en plus précaire.
Points Clés
- Le film « À pied d’œuvre » est réalisé par Valérie Donzelli et interprété par Bastien Bouillon et Virginie Ledoyen.
- Il s'agit de l'adaptation du livre autobiographique de Franck Courtès sur la précarité du métier d'écrivain.
- Présenté en avant-première au festival Cinéroman à Nice, sa sortie nationale est prévue pour le 4 février 2026.
- Le film critique subtilement l'ubérisation du travail et la difficulté de vivre de sa passion artistique.
Une adaptation fidèle d'un récit personnel
Le film retrace le parcours de Paul Marquet, un photographe qui décide de se consacrer entièrement à l'écriture. Malgré la reconnaissance de son éditrice, interprétée par Virginie Ledoyen, et un certain succès critique, ses livres ne se vendent pas. Cette situation le pousse progressivement vers une grande précarité financière.
Pour survivre, le personnage principal est contraint d'accepter des petits boulots via une plateforme en ligne fictive. Il devient tour à tour jardinier, plombier, déménageur ou encore chauffeur. Cette intrigue met en évidence le phénomène de l'ubérisation de la société, où des travailleurs indépendants sont exploités sans bénéficier de la protection du salariat traditionnel.
L'histoire est directement inspirée de la vie de Franck Courtès, qui a publié son témoignage en 2023. Son livre, « À pied d’œuvre », a profondément touché Valérie Donzelli, connue pour des films comme « La guerre est déclarée » ou plus récemment « L'Amour et les Forêts ».
Le choix évident de Bastien Bouillon
Pour incarner ce personnage complexe, Valérie Donzelli a fait appel à un acteur qu'elle connaît bien : Bastien Bouillon. L'acteur, qui a joué dans la plupart de ses films, s'est imposé comme une évidence pour la réalisatrice.
« Bastien, je le connais depuis longtemps, il a joué dans la plupart de mes films et ça faisait un moment que j’avais envie de lui offrir un vrai grand rôle, parce que je sais qu’il en avait l’étoffe et le talent », a expliqué Valérie Donzelli.
La seule hésitation de la cinéaste concernait l'âge de l'acteur, 42 ans, plus jeune que le protagoniste du livre. Cependant, elle a finalement estimé que ce choix renforçait le propos du film. « Cela le mettait à un endroit encore plus radical et politique de sa part, de faire ce choix-là à l'âge qu'il a, c'est-à-dire vraiment dans la force de l'âge », a-t-elle ajouté.
Une carrière en pleine ascension
Bastien Bouillon est un acteur très demandé dans le cinéma français. Rien qu'en 2025, il est à l'affiche de « Connemara », « Partir un jour » et « Aux jours qui viennent ». Son agenda pour 2026 est déjà bien rempli, avec trois autres films annoncés dès le 1er janvier.
L'auteur du livre, Franck Courtès, a salué la performance de l'acteur. Selon lui, Bastien Bouillon a su incarner le personnage avec une grande justesse et une certaine retenue. « Je trouve qu’il a complètement saisi le principe de se tenir un tout petit peu en retrait, c’est-à-dire de traverser cette histoire avec une grande retenue », a-t-il analysé.
Un miroir de la société
Pour Franck Courtès, le personnage n'est pas animé par une colère sociale directe, mais il agit comme un miroir tendu à la société. « D’une façon faussement neutre mais neutre quand même, il montre à la société à un moment T ce qu’elle est en train de fabriquer, c’est-à-dire la dérive d’un libéralisme », a-t-il précisé.
La réalité économique des écrivains en France
Au-delà de l'histoire personnelle, le film soulève une question plus large sur la condition des écrivains en France. Le pays est souvent perçu comme une nation littéraire, mais la réalité économique de nombreux auteurs est bien différente.
Le paradoxe de la littérature française
La France jouit d'un grand prestige littéraire à l'international. Pourtant, de nombreux auteurs peinent à vivre de leur plume. Selon les statistiques du secteur, une part infime des écrivains parvient à obtenir des revenus suffisants pour se consacrer exclusivement à l'écriture.
Franck Courtès a pointé du doigt ce qu'il qualifie d'« anomalie économique ». Il a souligné le décalage entre le rayonnement culturel de la France et la situation financière précaire de ses créateurs.
« On rayonne dans la francophonie et les écrivains meurent de faim. Quand il vous faut 2-3 ans pour écrire un livre et qu’on dispose de 5 000 € pour le faire, ça devient problématique », a-t-il conclu.
Cette situation contraint la plupart des auteurs à exercer une autre activité professionnelle pour subvenir à leurs besoins. L'écriture devient alors, pour beaucoup, un deuxième métier, souvent exercé sur le temps libre, au détriment du temps de création.
Le film « À pied d’œuvre » s'annonce donc comme une œuvre importante, qui, à travers un destin individuel, dresse le portrait d'un système et invite à une réflexion collective. Sa sortie dans les salles de cinéma est attendue pour le 4 février 2026.