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Le traité sur la haute mer entrera en vigueur après sa ratification

Le traité international pour la protection de la haute mer va entrer en vigueur après avoir été ratifié par 60 pays, une étape clé pour la sauvegarde des océans.

Thomas Lefebvre
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Thomas Lefebvre

Journaliste spécialisé dans les politiques publiques locales et les questions environnementales sur la Côte d'Azur. Thomas Lefebvre couvre les projets d'aménagement du territoire, les initiatives de développement durable et les actions des collectivités locales.

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Le traité sur la haute mer entrera en vigueur après sa ratification

Un accord international majeur pour la protection de la haute mer va officiellement entrer en vigueur après avoir atteint le seuil requis de 60 ratifications. Cette étape, saluée comme historique par les Nations Unies, ouvre la voie à la création de vastes sanctuaires marins dans les eaux internationales, qui étaient jusqu'à présent largement non réglementées.

Avec les ratifications du Maroc et de la Sierra Leone, le compte à rebours de 120 jours avant l'application du traité est désormais lancé. Il devrait donc être effectif fin janvier, offrant un nouvel outil juridique pour préserver des écosystèmes vitaux pour la planète.

Points Clés

  • Le traité sur la haute mer entrera en vigueur 120 jours après que 60 pays l'ont ratifié.
  • L'objectif principal est de créer des aires marines protégées dans les eaux internationales.
  • Cet accord est essentiel pour atteindre l'objectif de protéger 30 % des océans d'ici 2030.
  • Des défis subsistent, notamment l'absence de ratification par des puissances maritimes comme la Russie et les États-Unis.

Une avancée majeure pour la gouvernance des océans

Après des années de négociations complexes, le traité sur la biodiversité marine au-delà de la juridiction nationale (BBNJ) a été formellement adopté par les Nations Unies en juin 2023. Son activation représente une victoire significative pour le multilatéralisme et la protection de l'environnement.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a qualifié cette ratification de "réussite historique pour l'océan". Il a souligné l'importance de l'accord dans un contexte de crises multiples affectant la planète.

"Alors que nous faisons face à une triple crise planétaire – changement climatique, perte de biodiversité et pollution – cet accord est une ligne de vie pour l'océan et l'humanité", a déclaré M. Guterres dans un communiqué officiel.

L'enthousiasme est partagé par de nombreuses organisations non gouvernementales qui ont milité pour cet accord pendant plus d'une décennie. Elles y voient un instrument indispensable pour mettre fin à une exploitation non durable des ressources marines.

La haute mer, un espace vital mais vulnérable

La haute mer désigne les zones océaniques situées au-delà des zones économiques exclusives (ZEE) des États, qui s'étendent jusqu'à 200 milles nautiques (environ 370 km) des côtes. Cet immense espace échappe à la juridiction des pays.

La haute mer représente plus de 60 % de la surface des océans et près de la moitié de la surface totale de la Terre. Malgré son immensité, elle a longtemps été négligée dans les efforts de conservation mondiaux.

Ces écosystèmes marins jouent un rôle fondamental pour l'équilibre de la planète. Selon les scientifiques, ils produisent environ la moitié de l'oxygène que nous respirons et absorbent une part importante du dioxyde de carbone (CO2) émis par les activités humaines, agissant comme un régulateur climatique essentiel.

Cependant, ces zones sont de plus en plus menacées par la surpêche, la pollution plastique, le réchauffement climatique et l'intérêt croissant pour l'exploitation minière des fonds marins.

Création d'aires marines protégées

L'un des principaux mécanismes introduits par le traité est la possibilité de créer des aires marines protégées (AMP) en haute mer. Ces sanctuaires permettront de limiter ou d'interdire certaines activités destructrices afin de préserver la biodiversité et de permettre aux écosystèmes de se régénérer.

Actuellement, seul 1 % environ de la haute mer bénéficie d'une forme de protection. L'entrée en vigueur de ce traité est donc considérée comme une étape indispensable pour atteindre l'objectif fixé lors de la COP15 sur la biodiversité en 2022 : protéger 30 % des terres et des océans de la planète d'ici 2030.

L'objectif "30x30"

L'accord mondial sur la biodiversité, connu sous le nom de Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, engage les pays à conserver et gérer efficacement au moins 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures, des zones côtières et des océans d'ici la fin de la décennie. Sans un cadre juridique pour la haute mer, cet objectif était jugé inatteignable.

La mise en œuvre de ces zones protégées nécessitera une coordination avec les organismes internationaux existants, tels que les organisations régionales de gestion des pêches ou l'Autorité internationale des fonds marins, qui réglemente l'exploration minière.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les experts estiment que la désignation des premières aires protégées pourrait prendre plusieurs années. Lisa Speer, de l'organisation Natural Resources Defense Council (NRDC), prévoit que les premières zones pourraient être officiellement adoptées "peut-être fin 2028, ou 2029".

Un projet concret, porté par le Chili, vise à créer une vaste zone protégée autour des dorsales sous-marines de Nazca et de Salas y Gomez, une région reconnue pour sa biodiversité unique.

Les défis de l'universalité

Bien que 143 pays aient signé le traité, l'enjeu est désormais d'obtenir un maximum de ratifications pour garantir son efficacité et sa légitimité à l'échelle mondiale. Rebecca Hubbard, de la coalition d'ONG High Seas Alliance, a insisté sur ce point.

"Il est vraiment important d'aller vers une ratification mondiale, universelle pour que le traité soit aussi efficace que possible", a-t-elle affirmé, encourageant même les pays sans littoral à se joindre à l'effort.

Cependant, l'absence de certaines grandes puissances maritimes constitue un obstacle majeur. La Russie a exprimé des réserves sur certaines dispositions du texte dès son adoption. De leur côté, les États-Unis ont signé le traité sous l'administration de Joe Biden, mais sa ratification par le Sénat américain semble très improbable, en particulier dans le contexte politique actuel.

Mads Christensen, directeur de Greenpeace, a exhorté les États à agir rapidement. "L'ère de l'exploitation et de la destruction doit prendre fin", a-t-il déclaré, qualifiant le traité d'outil indispensable pour concrétiser cette ambition. Le succès de cette initiative dépendra de la volonté politique collective de transformer cet accord historique en actions concrètes pour la sauvegarde des océans.