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Charles-Ange Ginésy relaxé dans une affaire de favoritisme

Le président du département des Alpes-Maritimes, Charles-Ange Ginésy, a été relaxé par le tribunal de Marseille dans une affaire de favoritisme présumé.

Charles Mercier
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Charles Mercier

Journaliste spécialisé dans l'analyse des affaires politico-judiciaires et de leurs répercussions sur la gouvernance locale. Charles Mercier décrypte les interactions entre le pouvoir politique et le système judiciaire en France.

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Charles-Ange Ginésy relaxé dans une affaire de favoritisme

Le tribunal correctionnel de Marseille a prononcé lundi la relaxe de Charles-Ange Ginésy, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, ainsi que de cinq autres prévenus. Ils étaient jugés pour des accusations de favoritisme et de prise illégale d'intérêts concernant un marché public lié au syndicat intercommunal SICTIAM.

Cette décision met un terme à une procédure judiciaire initiée suite à un signalement des services de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le tribunal a estimé que les faits reprochés ne relevaient pas du droit de la commande publique.

Points Clés de l'Affaire

  • Charles-Ange Ginésy et cinq autres prévenus ont été totalement blanchis des accusations de favoritisme.
  • Le tribunal a jugé que le contrat en question était un bail locatif et non un marché public déguisé.
  • La décision de justice contredit l'analyse initiale des services d'inspection de la Région qui avait déclenché l'enquête.
  • Le parquet avait requis une peine de 18 mois de prison avec sursis et trois ans d'inéligibilité contre M. Ginésy.

Le verdict du tribunal de Marseille

Le tribunal correctionnel de Marseille a rendu sa décision ce lundi, mettant fin aux poursuites engagées contre Charles-Ange Ginésy. L'élu des Républicains, âgé de 69 ans, était jugé aux côtés de cinq autres personnes, dont deux entreprises, dans une affaire complexe de marché public.

Tous les prévenus ont été acquittés. Le jugement a conclu à l'absence d'infractions pénales, notamment le favoritisme et la prise illégale d'intérêts. Cette relaxe générale met un point final à plusieurs années d'incertitude judiciaire pour le président du département des Alpes-Maritimes.

Le parquet avait pourtant présenté des réquisitions sévères lors du procès en juin. Contre M. Ginésy, le ministère public avait demandé 18 mois de prison avec sursis, une amende de 35 000 euros et une peine de trois ans d'inéligibilité, bien que sans exécution provisoire.

L'origine des accusations

L'affaire portait sur les conditions d'attribution d'un marché pour le nouveau siège du Syndicat mixte d'Ingénierie pour les Collectivités et Territoires Innovants des Alpes et de la Méditerranée (SICTIAM), situé à Valbonne. M. Ginésy présidait cet organisme public qui accompagne les collectivités dans leur transformation numérique.

Le cœur du dossier était un bail signé le 17 mai 2017 avec un promoteur immobilier. Ce contrat incluait un devis pour des travaux d'aménagement d'un montant supérieur à 508 000 euros. L'accusation soutenait qu'une partie significative de ces travaux, comme le cloisonnement, l'électricité ou la peinture, aurait dû faire l'objet d'une procédure de mise en concurrence distincte, conformément aux règles des marchés publics.

Le rôle du SICTIAM

Le SICTIAM est une structure essentielle pour de nombreuses communes des Alpes-Maritimes et au-delà. Il mutualise des services informatiques et d'ingénierie numérique pour aider les petites et moyennes collectivités à se moderniser. Son bon fonctionnement et sa gouvernance sont donc des enjeux importants pour le territoire.

Une interprétation juridique divergente

La défense de M. Ginésy et des autres prévenus reposait sur une interprétation différente de la nature du contrat. Ils soutenaient qu'il s'agissait d'un bail locatif global, incluant des prestations d'aménagement, et non d'un marché de travaux publics déguisé.

Le tribunal a finalement suivi cette argumentation. Dans sa décision, il a qualifié le contrat de "mixte", incluant des "simples aménagements intérieurs (...) communs à toute société du secteur tertiaire". Par conséquent, les juges ont estimé que l'opération relevait d'un bail locatif classique et n'était pas soumise aux contraintes strictes de la commande publique.

"Je n'étais pas à la manœuvre dans l'opérationnel. Je n'avais pas besoin d'être au courant du moindre boulon", avait déclaré Charles-Ange Ginésy durant son procès pour expliquer son rôle de président non exécutif.

Les autres prévenus également relaxés

La relaxe a aussi été prononcée pour deux anciens directeurs du SICTIAM. Le président du tribunal, Pascal Gand, a précisé dans son jugement qu'aucun des deux n'avait eu "la volonté de violer les règles de la commande publique".

Le tribunal a également estimé qu'ils n'avaient pas violé leur devoir "d'impartialité, leur indépendance et leur objectivité". Cette décision souligne l'absence d'intention frauduleuse de la part des responsables opérationnels du syndicat.

Un dossier initié par un signalement politique

L'enquête a débuté suite à un signalement au procureur de la République effectué par Renaud Muselier, président (Renaissance) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ce signalement était basé sur un rapport de l'inspection générale des services de la Région et s'inscrivait dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale, qui oblige toute autorité à signaler des faits délictueux dont elle a connaissance.

Le tribunal a pris soin de marquer sa distance avec les conclusions de ce rapport administratif. Il a affirmé à plusieurs reprises avoir développé une analyse "contraire à celle des inspecteurs de la région". Une ancienne directrice du SICTIAM avait d'ailleurs évoqué lors des audiences se sentir "victime d'une affaire politique au plus haut niveau régional".

Réactions politiques et contexte

L'entourage de Charles-Ange Ginésy a fait savoir qu'il se "réjouissait de cette décision". Cette relaxe lui permet de clore un chapitre judiciaire qui pesait sur son mandat.

De son côté, Éric Ciotti, ancien président du département et proche de M. Ginésy, a réagi en déclarant qu'il n'y avait "aucun doute concernant ce dossier". Selon lui, il s'agissait "plus d'un dossier administratif que d'un dossier pénal", une analyse que le jugement du tribunal semble corroborer.

Il est à noter qu'en 2022, l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), qui cofinance le SICTIAM, avait mené sa propre enquête. L'organisme européen avait conclu n'avoir constaté aucune irrégularité portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, apportant un premier élément en faveur de la défense.