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Attentat de Nice : Benoît Kandel se défend de manipulation

Une enquête examine des soupçons de falsification des arrêtés de sécurité du 14 juillet 2016 à Nice. Benoît Kandel, ancien adjoint, rejette les accusations de manipulation politique.

Charles Mercier
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Charles Mercier

Journaliste spécialisé dans l'analyse des affaires politico-judiciaires et de leurs répercussions sur la gouvernance locale. Charles Mercier décrypte les interactions entre le pouvoir politique et le système judiciaire en France.

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Attentat de Nice : Benoît Kandel se défend de manipulation

Une nouvelle enquête judiciaire examine l'authenticité des arrêtés municipaux liés à la sécurité de la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016. Benoît Kandel, ancien premier adjoint au maire de Nice et aujourd'hui opposant politique, est au cœur de cette affaire après la transmission à la justice d'un enregistrement qu'il a réalisé. Il rejette fermement les accusations de manœuvre politique portées par la mairie.

Cette investigation, ouverte en mars dernier, vise à déterminer si des documents officiels ont été antidatés. Cette question ravive les tensions autour des responsabilités dans le drame qui a coûté la vie à 86 personnes et en a blessé plus de 450.

Points Clés

  • Une enquête judiciaire a été ouverte pour vérifier des soupçons de "faux en écriture publique" sur les arrêtés municipaux du 14 juillet 2016 à Nice.
  • L'affaire repose sur un enregistrement audio fourni à la justice par Benoît Kandel, ancien adjoint de Christian Estrosi.
  • Benoît Kandel affirme que des rumeurs sur des documents antidatés circulaient dès octobre 2016, quelques mois après l'attentat.
  • La mairie de Nice qualifie ces accusations de "grotesques" et dénonce une "manipulation politique".
  • M. Kandel se défend, expliquant que la transmission de l'enregistrement à la justice s'est faite sans son intervention directe.

Origine de la controverse : un enregistrement de 2018

L'affaire actuelle trouve son origine dans un contexte judiciaire complexe et ancien. En 2018, Benoît Kandel, alors en procédure dans une autre affaire nommée "Semiacs", a secrètement enregistré une conversation avec un magistrat, le substitut du procureur Dornier.

Ce magistrat était celui qui l'avait mis en examen en 2014 dans le dossier Semiacs, une affaire pour laquelle M. Kandel a finalement été relaxé de toutes les charges en 2019 par la cour d'appel. C'est durant cet échange enregistré que Benoît Kandel affirme avoir appris que les arrêtés municipaux de 2016 auraient été "antidatés et post-signés".

Transmission du document à la justice

Cet enregistrement n'a pas été immédiatement rendu public. Benoît Kandel l'a utilisé comme pièce à conviction dans le cadre d'une plainte qu'il a déposée contre le magistrat Dornier pour "faux témoignage" dans l'affaire Semiacs.

Selon M. Kandel, c'est la magistrate en charge de l'instruction de sa plainte qui a jugé les informations pertinentes pour l'enquête sur l'attentat de Nice. Elle a alors transmis l'enregistrement aux juges d'instruction de Marseille qui supervisent le dossier sur la sécurisation du 14 juillet 2016.

"Personnellement, je me suis contenté de remettre à la justice l’enregistrement et la transcription [...]. La magistrate qui instruit ma plainte [...] a dû considérer que les propos [...] pouvaient avoir un intérêt dans l’enquête ouverte par ailleurs sur l’attentat de Nice", a déclaré Benoît Kandel.

Cette transmission a conduit à l'ouverture, en mars 2025, d'un "supplément d'information" pour "faux authentiques", "faux en écriture publique" et "usages". L'objectif est de vérifier si les documents administratifs ont été manipulés.

Accusations croisées de manipulation politique

La mairie de Nice a réagi vivement à ces développements, qualifiant l'accusation de "grotesque". Les services de la ville dénoncent une "manipulation politique" orchestrée par Benoît Kandel, devenu un opposant politique de Christian Estrosi sous la bannière du Rassemblement National.

De son côté, Benoît Kandel réfute totalement cette version des faits. Il soutient n'avoir joué aucun rôle actif dans la transmission de l'enregistrement aux juges marseillais. "Je suis totalement étranger à la transmission de l’enregistrement à la magistrate de Marseille qui instruit le dossier", insiste-t-il.

Rappel des faits du 14 juillet 2016

Le soir de la Fête nationale, un terroriste a foncé dans la foule réunie sur la Promenade des Anglais au volant d'un camion de 19 tonnes. L'attentat a causé la mort de 86 personnes et a fait plus de 450 blessés. L'enquête sur les éventuelles failles dans le dispositif de sécurité est ouverte depuis 2017.

Pour appuyer sa défense, M. Kandel rappelle avoir déjà soulevé cette question publiquement bien avant l'enregistrement. Il affirme avoir interpellé le maire de l'époque, Philippe Pradal, et son adjoint à la sécurité, Christian Estrosi, lors du conseil municipal du 13 octobre 2016.

Des questions posées dès 2016

"Dès le 13 octobre 2016, quelques mois après l’attentat, j’interviens en séance publique du conseil municipal pour poser la question", explique-t-il. Il précise avoir agi sur la base de "rumeurs" provenant d'employés municipaux qui "s'étonnent de la façon dont ces arrêtés ont été signés".

Selon lui, ses questions sont restées sans réponse à l'époque. "Ni le maire Monsieur Pradal, ni son adjoint Monsieur Estrosi ne répondent à la question", soutient-il. Il utilise cet antécédent pour démontrer que ses préoccupations ne datent pas d'aujourd'hui et ne sont pas liées à une stratégie politique récente.

Le parcours de Benoît Kandel

Ancien premier adjoint de Christian Estrosi, Benoît Kandel a été une figure majeure de la politique niçoise. Il a été privé de ses délégations par le maire en 2013 suite au début de l'affaire Semiacs. Après sa relaxe totale, il a rejoint le Rassemblement National, devenant un des principaux opposants à la majorité municipale actuelle.

La recherche de la vérité pour les victimes

Au-delà de la bataille politique, Benoît Kandel insiste sur l'importance de cette enquête pour les victimes de l'attentat et leurs familles. "On parle ici d’une affaire extrêmement grave. 86 morts, 450 blessés, beaucoup d’associations de victimes. Les gens veulent savoir", souligne-t-il.

Il estime que la défense de la mairie, qui consiste à l'attaquer personnellement, est une manière d'esquiver les questions de fond. "Le système de défense de la mairie qui, pour ne pas répondre aux questions qu’on leur pose, consiste à dire que c’est M. Kandel qui fait de la politique, c’est une honte. C’est se moquer des victimes", déclare-t-il.

Pour lui, la seule question qui compte est de savoir si des fautes ont été commises par les autorités publiques, qu'il s'agisse de l'État, de la préfecture ou de la ville de Nice, dans l'organisation de la sécurité ce soir-là.

  • L'enjeu : La validité des documents administratifs encadrant la sécurité.
  • La méthode : Une instruction judiciaire pour vérifier les signatures et les dates.
  • L'objectif : Établir les responsabilités dans la préparation de l'événement.

L'instruction se poursuit donc à Marseille pour faire la lumière sur ces nouveaux éléments. La justice devra déterminer si les arrêtés municipaux ont été rédigés et signés dans le respect des procédures, ou si des irrégularités ont eu lieu. Cette étape est cruciale pour les parties civiles qui attendent des réponses précises sur les circonstances ayant permis le drame, près de dix ans après les faits.