Plusieurs conducteurs de la région de Nice ont signalé des incidents de « freinage fantôme », où leur véhicule s'arrête brusquement et sans avertissement, créant des situations dangereuses sur la route. Ce phénomène, lié aux systèmes d'aide à la conduite, soulève des questions sur la fiabilité des technologies automobiles modernes.
Les témoignages se multiplient, décrivant des arrêts soudains sur des voies rapides comme l'autoroute A8. Alors que les experts évoquent des défaillances logicielles, les automobilistes concernés expriment leur inquiétude et leur sentiment d'impuissance face à des véhicules devenus imprévisibles.
Points Clés
- Des automobilistes de la région niçoise ont été victimes de freinages d'urgence automatiques inexpliqués.
- Ces incidents se sont produits sur des autoroutes à grande circulation, provoquant des accidents et des situations à haut risque.
- Plus de 600 témoignages ont été recueillis à l'échelle nationale, touchant des véhicules récents de toutes marques.
- Les experts pointent des défaillances logicielles plutôt qu'un défaut de fabrication, mais aucune solution concrète n'est encore proposée.
Des témoignages inquiétants sur les routes de Nice
Le phénomène des « freinages fantômes » n'est pas une simple anecdote technique ; il représente un danger réel pour les usagers de la route. Éric, propriétaire d'une Golf 8R de 2023, a vécu une expérience traumatisante en juin dernier sur l'autoroute près de Nice-ouest.
Alors qu'il circulait à 80 km/h sur la voie du milieu, son véhicule a freiné brutalement jusqu'à l'arrêt complet. « Je suis passé de 80 km/h à zéro en quelques secondes. Sans aucune raison, ma voiture a stoppé là », raconte-t-il. L'incident s'est produit aux alentours de 19 heures, une heure de forte affluence, à la hauteur de la sortie Promenade des Anglais.
« Le gars derrière a eu aussi la peur de sa vie. Par chance il a eu un bon réflexe et m’a évité. J’ai tout éteint, j’ai rallumé et elle est repartie. J’ai clairement frôlé l’accident. »
Ce n'était pas la première fois pour Éric. Il avait déjà connu un événement similaire en avril, mais cette fois, l'arrêt a été total et particulièrement dangereux. Le concessionnaire, après analyse, n'a détecté aucune anomalie, suggérant qu'un simple reflet du soleil sur un capteur aurait pu déclencher le système de sécurité.
Des conséquences matérielles et corporelles
Tous les conducteurs n'ont pas eu la chance d'éviter une collision. Jean-Marc, au volant de sa Toyota CHR, a vu son freinage fantôme se terminer par un accident. « Sur l’autoroute, aux heures de pointe, ma voiture a pilé », explique-t-il. Le véhicule qui le suivait n'a pas pu l'éviter et l'a percuté par l'arrière.
Dans la voiture qui l'a heurté se trouvaient une femme enceinte et un jeune enfant. Heureusement, personne n'a été gravement blessé. « Je me suis littéralement retrouvé otage de ma voiture qui m’a forcé d’avoir un accident ! Cela est complètement inadmissible ! », s'indigne Jean-Marc, frustré par l'impossibilité d'accélérer pour se dégager.
Un phénomène national
Le problème ne se limite pas à la Côte d'Azur. Au printemps dernier, une victime d'un accident sur l'autoroute A40 a lancé un appel à témoignages. À ce jour, plus de 600 automobilistes ont répondu, signalant des problèmes similaires avec des véhicules récents de diverses marques.
Les conséquences peuvent être encore plus graves. Fin août à Nice, une jeune motarde a été hospitalisée avec une hanche cassée. Elle n'a pas pu éviter une voiture qui, selon des témoins, « a freiné toute seule sans aucune explication ». Le conducteur du véhicule était lui-même sous le choc, selon un secouriste du Samu intervenu sur les lieux.
L'analyse des experts et la réaction des constructeurs
Face à la multiplication des cas, la question d'un nouveau scandale automobile se pose. Christophe Theuil, vice-président de la Fédération de l’Expertise Automobile, apporte un éclairage technique sur la situation. Il distingue ces incidents du scandale des airbags Takata, qui était lié à un défaut de fabrication industrielle.
« Dans le cadre des freinages fantômes nous ne sommes pas face à un déficit de fabrication industrielle », précise-t-il. « Là, nous sommes face à des défaillances logicielles ou un mauvais réglage. »
Le rôle du Freinage d'Urgence Automatique (AEB)
Le système de freinage d'urgence automatique (AEB - Automatic Emergency Braking) est conçu pour détecter les obstacles (autres véhicules, piétons) à l'aide de capteurs, de radars ou de caméras. S'il anticipe une collision imminente, il alerte le conducteur et peut déclencher automatiquement les freins pour éviter ou atténuer l'impact. Les « freinages fantômes » surviennent lorsque le système interprète incorrectement une situation et freine sans raison valable.
Bien que la cause soit logicielle, Christophe Theuil insiste sur la gravité du problème. « Il ne faut pas que les plus de 600 témoignages et un accident mortel connu, restent pour autant lettre morte », avertit-il. Il souligne que ces dysfonctionnements érodent la confiance des utilisateurs dans les technologies embarquées, qui sont pourtant censées améliorer la sécurité.
Le désarroi des automobilistes face à l'inaction
L'absence de solution concrète laisse les conducteurs dans une situation de grande incertitude. Philippe, qui conduit depuis trente ans, a connu plusieurs freinages fantômes avec sa Renault. « Ma voiture a été testée à deux reprises chez le concessionnaire et aucun bug n’a été trouvé », déplore-t-il.
Il exprime un sentiment partagé par beaucoup : celui de ne pas être pris au sérieux. « On voudrait me faire croire que je suis mauvais conducteur et que je maîtrise mal cette technologie. Où va-t-on ? »
Pour l'instant, aucun rappel de véhicule n'a été officiellement lancé par les constructeurs pour ce problème spécifique. Les diagnostics en concession ne révèlent souvent aucune erreur dans les systèmes électroniques, ce qui complique la prise en charge.
Une solution de contournement risquée
Certains conducteurs, comme Marie, propriétaire d'une Seat Ibiza, ont trouvé une parade. Après avoir demandé sans succès à son concessionnaire de désactiver définitivement la fonction, elle a pris l'habitude de la désactiver manuellement à chaque démarrage de son véhicule.
- Le système de freinage d'urgence se réactive automatiquement à chaque fois que la voiture est mise en marche.
- La désactivation manuelle doit donc être répétée à chaque trajet.
- Cette manipulation permet à Marie de conduire plus sereinement, mais la prive d'une fonction de sécurité potentiellement vitale en cas de danger réel.
« Pour quelque chose qui est censé vous protéger et freiner à votre place en cas de danger, c’est un peu limite », conclut-elle. Cette situation met en lumière le paradoxe d'une technologie de sécurité qui, par ses dysfonctionnements, devient elle-même une source de danger.





