Pendant près d'une décennie, un square du quartier Riquier à Nice a rendu hommage à un héros de la Résistance qui n'a jamais existé. Une simple erreur de prénom sur des panneaux a effacé la mémoire de François Suarez, combattant mort pour la libération de la ville en 1944, au profit d'un certain « Ferdinand ». La famille du véritable martyr a récemment découvert cette confusion et se bat pour rétablir la vérité historique.
L'essentiel
- Un square niçois a porté le nom erroné de « Ferdinand Suarez » au lieu de François Suarez pendant près de dix ans.
- François Suarez était un résistant tué le 28 août 1944 lors de la libération de Nice.
- L'erreur a été découverte par la famille du résistant au printemps dernier.
- Malgré les commémorations annuelles, la méprise est passée inaperçue pendant des années.
- La mairie a pris des mesures pour corriger les panneaux et les données numériques après avoir été alertée.
Une mémoire falsifiée au cœur de Riquier
Dans le quartier Riquier à Nice, les habitants ont longtemps cru honorer la mémoire d'un certain Ferdinand Suarez. Un jardin public porte son nom, ou du moins, le portait. Car ce Ferdinand n'a jamais existé. Le véritable héros est François Suarez, un résistant des Francs-tireurs et partisans (FTP) tombé sous les balles allemandes le 28 août 1944.
L'erreur, matérialisée par des panneaux de rue, remonterait à 2015. Pendant près de dix ans, le mauvais prénom a été affiché, induisant en erreur les passants, les riverains et même les services administratifs. « Nous avons découvert cela au printemps et nous pensions que c'était récent », explique Julia Graham, une proche de la famille. « Apprendre que ça fait dix ans que ça dure… Une telle confusion, c’est irrespectueux. »
L'ironie de la situation est que chaque année, un hommage est rendu au pied de la plaque commémorative du square. Cette plaque en marbre, elle, a toujours porté le bon prénom : François. Pourtant, personne parmi les officiels ou les participants aux cérémonies n'a semblé remarquer la contradiction flagrante avec les panneaux de signalisation à quelques mètres de là.
Qui était François Suarez ?
Derrière le nom gravé dans la pierre se cache une histoire personnelle et un sacrifice ultime. François Suarez n'était pas seulement un lieutenant FTP ; il était un mari et un père de famille. Machiniste au dépôt des Tramways de Nice et du littoral, il était également syndicaliste.
La libération de Nice
Le 28 août 1944, Nice s'est libérée elle-même grâce à l'insurrection de ses résistants, avant l'arrivée des troupes alliées. Cette journée a été marquée par de violents combats qui ont coûté la vie à 35 résistants et fait plus de 280 blessés. François Suarez est l'un de ces martyrs.
Ce jour-là, il a été tué d'une balle dans la tête près de son lieu de travail. Il a laissé derrière lui une veuve, Nicoletta, qui ne se remariera jamais, et deux enfants. Sa fille, Gisèle, alors âgée de 16 ans, a dû abandonner ses études pour subvenir aux besoins de la famille. Son fils, Raoul, n'avait que six ans.
« C’est certainement une simple erreur d’inattention des services de la Ville. Mais les conséquences sont vraiment malheureuses : toute la mémoire des habitants est faussée maintenant », déplore Hervé Suarez, petit-fils du résistant. Pour lui, cet héritage familial est un souvenir précieux qu'il s'efforce de préserver.
Le combat pour rétablir la vérité
Alertée par la famille, la mairie de Nice a réagi. Les services municipaux ont d'abord recouvert le prénom erroné sur les panneaux avec du ruban adhésif, avant de commander de nouvelles plaques en mai. La municipalité a également affirmé avoir procédé à une mise à jour de ses bases de données numériques.
Cependant, le chemin pour effacer complètement l'erreur est complexe. Le 18 juin encore, une invitation à une réunion publique concernant le réaménagement du square mentionnait toujours le nom de « Ferdinand » Suarez. « Ça a été la goutte de trop », confie Julia Graham. L'erreur s'est propagée sur les cartes en ligne, les documents administratifs et les GPS.
Google a rapidement corrigé le nom sur ses cartes après avoir été notifié, mais l'empreinte de l'erreur persiste dans de nombreux documents officiels et archives numériques, menaçant de « tronquer la mémoire pour des années encore » selon les proches.
La famille a été renvoyée vers le service Allô Mairie pour le suivi des modifications et attend désormais que le nom de François Suarez soit définitivement et universellement rétabli. Ce combat n'est pas seulement une question de correction administrative ; il s'agit de rendre sa juste place à un homme qui a donné sa vie pour la liberté, et de s'assurer que les générations futures se souviennent de son véritable nom.





