Face à une inflation galopante, les restaurateurs de la Côte d'Azur se retrouvent pris entre l'augmentation drastique de leurs coûts et la perception de prix excessifs par les consommateurs. Tandis que des exemples de tarifs exorbitants à Saint-Tropez enflamment les réseaux sociaux, de nombreux professionnels du secteur affirment absorber une grande partie des hausses pour préserver leur clientèle.
Cette situation met en lumière les stratégies adoptées par les établissements pour maintenir un équilibre financier fragile, entre la flambée des prix des matières premières et des factures d'énergie, et la nécessité de proposer des offres accessibles.
Points Clés
- Les coûts de l'énergie pour les restaurateurs ont été multipliés par trois ou quatre entre 2021 et 2022.
- Certaines matières premières alimentaires ont connu des augmentations de 50 % à 60 %.
- De nombreux restaurateurs n'ont pas répercuté l'intégralité de ces hausses sur leurs cartes.
- Des stratégies comme les circuits courts et les formules à prix fixe sont mises en place pour attirer les clients.
Le débat public alimenté par des cas extrêmes
L'été dernier, le débat sur le coût des restaurants a été particulièrement vif, notamment sur les réseaux sociaux. Un message publié sur la plateforme X (anciennement Twitter) a particulièrement marqué les esprits. Il détaillait les prix d'un restaurant de plage réputé de Saint-Tropez : 23 euros pour des carottes râpées, 32 euros pour une salade niçoise et 39 euros pour un plat de poulet.
Vue plus d'un million de fois, cette publication a déclenché une vague de commentaires indignés sur ce que beaucoup considèrent comme des prix déraisonnables. Bien que cet exemple concerne un établissement de luxe fréquenté par une clientèle fortunée, il a contribué à forger une opinion générale sur une supposée envolée des tarifs dans l'ensemble du secteur.
La perception face à la réalité du terrain
Cette perception est cependant nuancée par les professionnels du secteur. Ils reconnaissent une augmentation des prix, mais la justifient comme une conséquence inévitable de la crise économique qui a touché l'ensemble de l'économie française et européenne. La discussion s'est ainsi cristallisée autour d'une question centrale : les restaurants sont-ils devenus un luxe inaccessible pour le consommateur moyen ?
La réponse des professionnels face aux critiques
Face à ces critiques, les restaurateurs montent au créneau pour défendre leur profession. Eric Abihssira, un professionnel expérimenté de l'hôtellerie-restauration sur la Côte d'Azur, conteste l'idée d'abus généralisés. Il insiste sur la responsabilité des gérants d'établissements.
« Les restaurateurs sont des gens responsables et s’ils avaient dû répercuter sur les dernières années les augmentations du coût de l’énergie et des matières premières, on aurait aujourd'hui des prix à la carte qui ne seraient pas accessibles pour la clientèle française ni pour la clientèle étrangère. »
Selon lui, les professionnels ont fait le choix de rogner sur leurs marges pour ne pas perdre leur clientèle. Il rappelle l'ampleur des défis économiques auxquels ils ont dû faire face ces dernières années.
Des hausses de coûts sans précédent
Eric Abihssira souligne des chiffres concrets : « On a vu des factures d'énergie qui ont été multipliées par trois et par quatre sur les années 2021 et 2022 et sur les coûts matières premières, on a certaines denrées qui ont été augmentées de 50 à 60 %. »
Il admet que cette situation a eu un impact inévitable sur les tarifs affichés, mais il précise que les hausses appliquées aux menus sont loin d'être proportionnelles aux augmentations subies par les établissements. Au contraire, il observe que de nombreux restaurateurs, notamment à Nice, ont cherché des solutions pour alléger la facture des consommateurs en créant des formules et des menus plus avantageux.
Les stratégies pour maîtriser les prix
Pour survivre dans ce contexte économique tendu, de nombreux restaurateurs ont dû faire preuve d'ingéniosité. L'exemple de la brasserie niçoise Le Garibaldi illustre bien les efforts déployés pour contenir les prix sans sacrifier la qualité.
Stefano, le responsable des achats de l'établissement avec vingt ans d'expérience en cuisine, confirme que les restaurateurs subissent l'inflation au même titre que les ménages français. « Mais on ne répercute pas toutes les hausses », affirme-t-il.
L'exemple concret de la brasserie Le Garibaldi
La brasserie a fait le choix de ne pas augmenter ses prix cette année. Pour rester attractive, elle a mis en place une formule du jour à 16,90 euros, comprenant une entrée et un plat, ou un plat et un dessert. Cette stratégie s'appuie sur une gestion rigoureuse des approvisionnements.
La flambée du prix de la viande
Stefano donne des exemples précis de l'augmentation des coûts qu'il doit gérer. Le prix du cœur de rumsteck est passé de 9 à 15 euros le kilo durant l'été, tandis que celui de la bavette a grimpé de 11 à 19 euros le kilo. Ces hausses de plus de 65 % sur certains produits pèsent lourdement sur les finances des restaurants.
Pour maîtriser ses dépenses, Stefano a développé plusieurs techniques :
- Privilégier les circuits courts : En travaillant directement avec les producteurs locaux, il réduit les intermédiaires et les coûts associés.
- La négociation quotidienne : « C’est du boulot, mais en allant tous les matins voir les fournisseurs habituels ici à Nice, et en faisant jouer la concurrence, j’obtiens de bons prix », explique-t-il.
- Les achats en volume : En tant qu'établissement important, Le Garibaldi peut commander en grande quantité, ce qui lui donne un pouvoir de négociation plus important pour obtenir de meilleurs tarifs.
- Partenariats locaux : L'approvisionnement en pain se fait chez le boulanger du quartier, permettant d'obtenir un prix attractif sur la baguette.
Cette approche proactive semble porter ses fruits. « Le résultat, c’est quand on fait du frais avec des prix accessibles, qui correspondent au portefeuille des Français, on se maintient très bien. On a très très bien travaillé cet été », conclut Stefano. Son expérience montre qu'il est encore possible de concilier qualité, accessibilité et rentabilité, même dans un contexte inflationniste difficile.