La préfecture des Alpes-Maritimes a dévoilé, ce vendredi 10 octobre 2025, un ensemble de mesures destinées à réguler l'activité des navires de croisière sur le littoral. Ces nouvelles règles, qui seront formalisées par un arrêté préfectoral, visent à limiter le nombre de passagers, la fréquence des escales et les émissions polluantes, répondant ainsi à des mois de débats entre les élus locaux, les acteurs économiques et les associations environnementales.
Annoncées conjointement par Laurent Hottiaux, préfet des Alpes-Maritimes, et Christophe Lucas, préfet maritime de la Méditerranée, ces décisions interviennent après la formation d'un groupe de travail en août dernier. L'objectif est de trouver un équilibre entre le développement économique lié au tourisme et la préservation du cadre de vie et de l'environnement de la Côte d'Azur.
Les points clés des nouvelles mesures
- Limitation du nombre de passagers débarqués à 3 000 par jour et par port, avec une moyenne annuelle de 2 000.
- Réduction du nombre d'escales, notamment en haute saison (juillet et août) avec un maximum de 15 navires par mois.
- Restrictions renforcées en cas de pic de pollution, pouvant aller jusqu'à l'annulation de l'escale.
- Obligation de signaler toute fumée suspecte et priorité accordée aux navires les plus respectueux de l'environnement.
Un contexte de tensions locales
La décision de la préfecture vient clore un chapitre de plusieurs mois de discussions animées. Le débat a été largement initié en janvier 2025 par Christian Estrosi, le maire de Nice, qui avait exprimé son intention d'interdire l'accès aux navires transportant plus de 2 500 passagers.
Cette proposition avait suscité de vives réactions, opposant les défenseurs de l'environnement et les résidents préoccupés par les nuisances aux acteurs économiques, notamment les commerçants, qui dépendent des retombées financières du tourisme de croisière.
Retour sur un arrêté municipal invalidé
En juillet 2025, la mairie de Nice avait tenté de concrétiser sa position en prenant un arrêté municipal pour limiter la taille des navires. Cependant, cette mesure a été jugée illégale par le tribunal administratif, qui a rappelé que seule l'autorité de l'État, représentée par la préfecture, était compétente pour réglementer la navigation et le mouillage dans les eaux territoriales.
Face à cette impasse juridique et à la demande pressante des collectivités locales, de Nice à Cannes en passant par Villefranche-sur-Mer, la préfecture a repris le dossier en main. Un groupe de travail a été mis sur pied dès le mois d'août pour élaborer une charte départementale consensuelle.
Détail des nouvelles réglementations
Les mesures présentées le 10 octobre sont décrites comme "concrètes et harmonisées" pour l'ensemble du littoral des Alpes-Maritimes. Elles s'appliqueront à travers un arrêté préfectoral et concernent plusieurs aspects clés de l'activité des croisières.
Limitation du nombre de passagers
Le flux de touristes débarquant des navires sera désormais strictement encadré. La nouvelle réglementation impose deux seuils pour chaque port du département :
- Une limite maximale de 3 000 passagers pouvant être débarqués par escale.
- Une moyenne annuelle fixée à 2 000 passagers débarqués par escale et par port, afin de lisser l'impact sur l'année.
Cette mesure vise à désengorger les villes côtières durant les escales et à mieux gérer les infrastructures d'accueil.
Un nombre d'escales réduit
La fréquence des visites de paquebots, notamment ceux qui restent au mouillage sans accoster à quai, est également revue à la baisse. Il est désormais prévu une limitation à une seule escale par jour pour les navires de plus de 1 300 passagers.
Protection renforcée en été
Pendant la haute saison touristique, en juillet et en août, les restrictions seront encore plus fortes. Le nombre total de navires autorisés à faire escale au mouillage sera plafonné à 15 par mois pour chaque port, une mesure destinée à préserver la tranquillité du littoral pendant les mois les plus fréquentés.
Des mesures environnementales plus strictes
La protection de la qualité de l'air est un axe majeur du nouveau dispositif. Des protocoles clairs sont établis pour réagir en cas de dégradation de la qualité de l'air, signalée par les autorités compétentes.
Gestion des pics de pollution
En cas d'alerte à la pollution atmosphérique déclarée par la préfecture, un plan d'action en deux niveaux sera déclenché :
- Niveau 1 : Les navires devront obligatoirement réduire leurs émissions polluantes dès qu'ils se trouvent à moins de 3 milles nautiques (environ 5,5 km) des côtes.
- Niveau 2 : Si le pic de pollution s'aggrave, l'escale du navire concerné sera tout simplement supprimée.
Cette gradation permet une réponse adaptée à la situation tout en ayant un fort pouvoir de dissuasion.
Surveillance et signalement accrus
Une nouvelle obligation de vigilance est instaurée. Le capitaine de tout navire devra signaler immédiatement à la capitainerie du port tout dégagement de fumée jugé inhabituel. La capitainerie aura alors pour mission d'exiger que le navire applique les mesures de réduction des émissions prévues par la charte "Croisière durable".
De plus, une priorité sera accordée aux compagnies de croisière qui adhèrent à la version 2025 de la charte "Croisière durable en Méditerranée". Ces navires, considérés comme plus vertueux, auront un accès facilité aux autorisations d'escale.
Vers un tourisme plus durable
Ces nouvelles règles marquent un tournant dans la gestion du tourisme de croisière sur la Côte d'Azur. Elles tentent de concilier des intérêts longtemps perçus comme contradictoires : l'attractivité économique et la protection d'un environnement fragile.
"Nous remercions tous les maires et acteurs économiques pour l'esprit de responsabilité dont ils ont fait preuve dans l'intérêt collectif de tous. Nous partageons avec eux le souci de concilier la qualité de vie et un développement économique respectueux des enjeux d'adaptation aux changements climatiques."
L'application de cet arrêté préfectoral sera suivie de près dans les prochains mois. Il devra prouver son efficacité pour apaiser les tensions locales tout en permettant au secteur de la croisière de poursuivre son activité dans un cadre plus durable et mieux accepté par les populations locales.