Le tribunal administratif de Nice a annulé un permis de construire qui autorisait l'édification de huit logements sur une oliveraie à Spéracèdes, dans les Alpes-Maritimes. La décision, rendue fin mai, vise à préserver un corridor écologique et à lutter contre l'étalement urbain en zone de montagne.
Ce jugement s'appuie sur le principe de non-discontinuité de l'urbanisme et marque une victoire pour les associations locales de défense de l'environnement qui dénoncent une artificialisation excessive des sols.
Les points essentiels
- Le tribunal administratif de Nice a annulé un permis de construire pour 8 logements à Spéracèdes.
- Le projet était prévu sur une oliveraie située dans un corridor écologique.
- La décision se fonde sur le principe de non-discontinuité de l'urbanisme en zone de montagne.
- L'association ASPIC salue une victoire contre l'artificialisation des sols.
- Le maire de la commune évoque une contradiction de la part des services de l'État.
Un projet immobilier stoppé net par la justice
Le projet immobilier prévoyait la construction de deux bâtiments comprenant un total de huit logements. Il incluait également la création de 24 places de stationnement sur un terrain situé chemin de Saint-Antoine, à Spéracèdes.
Le terrain concerné est une oliveraie qui jouxte un espace boisé classé. Plus important encore, il se trouve sur le tracé d'un corridor écologique, une zone essentielle pour le déplacement de la faune et la préservation de la biodiversité locale.
C'est cette localisation stratégique qui a motivé l'action en justice menée par un collectif de riverains, soutenu par l'Association spéracédoise pour l'information des citoyens (Aspic).
Le fondement juridique de l'annulation
Pour annuler le permis de construire, le tribunal administratif de Nice s'est appuyé sur un argument juridique précis : le principe de non-discontinuité de l'urbanisme en zone de montagne. Ce principe vise à empêcher l'étalement urbain dispersé, aussi appelé "mitage", dans les zones rurales et naturelles.
Qu'est-ce que le "mitage" ?
Le mitage désigne la construction de bâtiments de manière dispersée dans des zones agricoles ou naturelles, en dehors des zones déjà urbanisées. Ce phénomène contribue à la fragmentation des paysages, à la perte de terres agricoles et à la dégradation des écosystèmes.
Le tribunal a estimé que le projet, bien que proche du village, constituait une extension non justifiée de l'urbanisation dans un secteur qui devait être préservé. Selon Florence Pintus, présidente de l'Aspic, cet argument a été "l'argument massue" qui a conduit à une "annulation totale et sans appel possible".
Une victoire pour les défenseurs de l'environnement
Pour l'association Aspic, cette décision est une consécration de son travail de veille et d'alerte. "Ce jugement consacre le travail préventif de l’association", a déclaré Florence Pintus, se réjouissant que le projet ait pu être annulé avant le début des travaux.
Ce n'est pas la première fois que l'association obtient gain de cause. En 2020, un argumentaire similaire avait permis l'annulation du permis de construire du projet "Clos des Rouvres", qui prévoyait 22 logements dans un bois de chênes.
"Il faut stopper cet urbanisme non réfléchi. C’est coûteux pour la commune et irréversible pour l’environnement, alors que ça aurait pu être évité en amont."
L'association s'inquiète du rythme de l'artificialisation des sols sur la commune. Selon Mme Pintus, les chiffres sont alarmants.
Artificialisation des sols : un rythme préoccupant
Florence Pintus affirme que depuis 2021, près de 2 hectares d'espaces naturels et forestiers ont été consommés à Spéracèdes. Ce chiffre correspondrait, selon elle, à la totalité de l'enveloppe autorisée pour la période allant de 2021 à 2030 dans le cadre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols.
L'Aspic espère que ce jugement fera jurisprudence et incitera la municipalité à renforcer la protection des espaces naturels dans la future révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU).
La Mairie face à des injonctions contradictoires
Interrogé sur cette décision, le maire de Spéracèdes, Jean-Marc Macario, exprime un certain désarroi. Il estime que "l’État se contredit".
Il explique la situation :
- Le Plan Local d'Urbanisme (PLU) en vigueur autorisait la construction sur cette parcelle.
- Le permis a été instruit par les services de l'agglomération du Pays de Grasse, qui l'ont jugé conforme.
- Malgré ces validations en amont, le tribunal administratif a finalement désavoué le projet.
"Ce qui est fabuleux sur ces 8 logements, c’est que, sur le PLU en place, on pouvait construire", a commenté le maire. Il précise également que la mairie n'a pas présenté de mémoire en défense dans cette affaire, laissant le promoteur se défendre seul, sans succès.
La commune a par ailleurs été condamnée à verser 1 500 euros aux requérants au titre des frais de justice.
Quelles perspectives pour l'urbanisme local ?
Cette décision de justice intervient à un moment charnière pour l'urbanisme de la commune. Une enquête publique concernant une modification du PLU, visant justement à mieux protéger le patrimoine naturel, s'est tenue entre mai et juin. Une révision plus globale de ce document de planification doit suivre.
Les associations environnementales espèrent que ce jugement influencera durablement les futures décisions d'aménagement. Elles demandent que les secteurs similaires, identifiés comme des continuités écologiques, ne soient plus ouverts à la construction.
Cependant, la vigilance reste de mise. Un autre permis, accordé pour trois villas sur la route des Orangers, dans le même vallon, est également contesté par l'Aspic car il empiète en partie sur un espace boisé classé. Le débat entre développement urbain et préservation de l'environnement est donc loin d'être clos sur la Côte d'Azur.