Le 18 décembre 2025 marquera le 60e anniversaire de la disparition de Jean Médecin, une figure politique qui a profondément modelé la ville de Nice. Pendant 34 ans, son mandat de maire, le plus long de l'histoire de la ville, a laissé une empreinte architecturale, culturelle et politique encore visible aujourd'hui.
Surnommé « le Roi Jean » ou « Jan de Nissa », son nom est associé à bien plus qu'une simple avenue. Il incarne une ère de transformations majeures qui ont fait entrer Nice dans la modernité, de l'élargissement de la Promenade des Anglais à l'essor de son aéroport international.
Points Clés
- Jean Médecin a été maire de Nice durant 34 ans, un record de longévité.
- Il est à l'origine de projets structurants comme l'élargissement de la Promenade des Anglais, la couverture du Paillon et l'expansion de l'aéroport.
- Il a mis en place un système politique de proximité, s'appuyant fortement sur le tissu associatif local.
- Sa carrière a été marquée par une période d'inéligibilité après la Libération, avant un retour triomphal en 1947.
Un règne inégalé à la tête de la ville
L'histoire politique de Nice au XXe siècle est indissociable du nom de Médecin. Jean Médecin a dirigé la municipalité de 1928 à 1944, puis de 1947 jusqu'à sa mort en 1965. Cette longévité de 34 ans reste à ce jour inégalée, dépassant même celle de son fils, Jacques, qui occupera le fauteuil de maire pendant 24 ans.
Son parcours commence en 1925, lorsqu'il est élu conseiller municipal. Il gravit rapidement les échelons et devient maire en 1928 à la tête de sa propre liste. Cet engagement pour sa ville deviendra la pierre angulaire de toute sa carrière politique, qui le mènera également à des fonctions nationales.
Une carrière nationale
Au-delà de son rôle de maire, Jean Médecin a été député de 1932 à 1962, sénateur, président du conseil général des Alpes-Maritimes de 1951 à 1961, et même secrétaire d'État en 1955. En 1953, il fut candidat à l'élection présidentielle, un scrutin qui verra finalement l'élection de René Coty après treize tours.
Le grand bâtisseur du Nice moderne
L'héritage le plus tangible de Jean Médecin est sans doute le visage actuel de Nice. Sous ses mandats, la ville a connu des transformations urbaines spectaculaires. Il ne s'agissait pas de simples aménagements, mais de projets visionnaires qui ont préparé la ville à son développement futur.
La célèbre Promenade des Anglais, telle que nous la connaissons avec ses multiples voies, est le fruit de l'élargissement qu'il a piloté dans les années 1930. Ce projet emblématique a renforcé l'image de Nice comme capitale de la Riviera.
Des infrastructures pour l'avenir
Les réalisations de Jean Médecin ont touché tous les aspects de la vie urbaine. Il a supervisé des projets d'envergure qui continuent de structurer la ville :
- La couverture du Paillon : Cette opération a permis la construction du Palais des Expositions en 1955, créant un nouvel espace majeur pour les événements et les foires.
- L'aéroport de Nice : Dès 1951, il a compris l'importance stratégique du transport aérien et a engagé l'agrandissement de l'aéroport, posant les bases de ce qui allait devenir le deuxième aéroport de France.
- Le développement routier : Il est à l'origine de la création de 130 hectares de nouvelles voies, incluant le premier tronçon de la voie rapide en 1962.
- Le logement social : Il a créé l'office public d'HLM, aujourd'hui Côte d'Azur Habitat, pour répondre aux besoins de logement de la population.
Un pionnier du clientélisme politique
Au-delà des chantiers, Jean Médecin a innové dans sa manière de faire de la politique. Selon l'historien Ralph Schor, il fut le premier maire de Nice à développer un système politique basé sur une relation de proximité directe avec les électeurs. Cette méthode, parfois qualifiée de clientélisme, reposait sur un réseau dense et efficace.
« Il a mis au point un système politique de proximité avec les électeurs en leur rendant service, en plaçant des hommes de confiance à tous les échelons de l'administration », analyse Ralph Schor.
L'une de ses grandes innovations fut de s'appuyer sur le tissu associatif local. Plutôt que de privilégier uniquement les groupes socioprofessionnels comme ses prédécesseurs, il a su tisser des liens étroits avec les associations culturelles, sportives et de quartier, qui devenaient des relais efficaces de sa parole et de son influence.
Le Rassemblement Républicain
Pour asseoir son pouvoir local, Jean Médecin crée son propre parti en 1945, le Rassemblement Républicain. Décrit par l'historien Jean-Louis Panicacci comme un « petit parti de pouvoir local », il lui a servi de tremplin pour les élections cantonales et a consolidé son emprise sur la vie politique niçoise, en défendant une ligne modérée centrée sur les intérêts de la ville.
Une carrière traversée par l'Histoire
Le long règne de Jean Médecin n'a pas été un fleuve tranquille. La Seconde Guerre mondiale marque une rupture brutale. Accusé de collaboration avec le régime de Vichy, il est déporté à Belfort à la Libération et déclaré inéligible.
Cette mise à l'écart est cependant de courte durée. Rapidement réhabilité par un jury d'honneur, il prépare son retour. Aux élections de 1945, bien que non candidat, son nom est écrit par 15 000 électeurs sur leurs bulletins de vote, un signe de sa popularité persistante. En 1947, il est largement réélu et entame la seconde partie de son mandat, qui durera jusqu'à sa mort.
Sa fin de carrière est également marquée par une opposition farouche au général de Gaulle. Lors de l'élection présidentielle de 1965, il donne pour consigne de voter pour Jean Lecanuet au premier tour, puis pour François Mitterrand au second. Pour lui, il était essentiel d'empêcher l'implantation du gaullisme à Nice, qu'il considérait comme un rival direct sur son propre terrain politique.
Soixante ans après sa mort, une cérémonie commémorative se tiendra devant son buste, à l'angle de l'avenue de Verdun. Un moment pour se souvenir d'un homme complexe dont l'amour et l'ambition pour Nice ont laissé une marque indélébile sur la ville.





