Le projet immobilier d'envergure de l'Avant-Scène, dans le quartier du Grand Arénas à Nice, est au point mort. Un affaissement de terrain a stoppé les travaux, plongeant 641 familles et investisseurs dans une attente angoissante, suspendue à une bataille juridique entre le promoteur et son assurance.
Initialement prévue pour fin 2023, la livraison des appartements est désormais repoussée à une date indéterminée, laissant les futurs propriétaires face à un avenir incertain et des économies bloquées.
Les points clés de l'affaire
- Un bâtiment de 36 000 m² s'est affaissé de 16 centimètres sur un sol instable.
- Le promoteur Quartus et son assureur sont en conflit sur le montant de l'indemnisation.
- 641 acquéreurs sont pris en otage par ce litige, sans visibilité sur la livraison de leur bien.
- Les travaux de réparation, estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros, sont suspendus.
- La reprise du chantier ne pourra avoir lieu qu'après la résolution du conflit financier.
Un rêve immobilier qui vire au cauchemar
Pour des centaines de familles, l'achat d'un appartement sur plan dans le complexe de l'Avant-Scène représentait un projet de vie. Situé dans le quartier d'affaires du Grand Arénas, ce programme ambitieux promettait un cadre de vie moderne et connecté. Mais depuis plusieurs mois, l'enthousiasme a laissé place à l'inquiétude et à la frustration.
Le chantier, autrefois bourdonnant d'activité, est aujourd'hui silencieux. La cause : un incident technique majeur. L'aile est de l'imposante structure s'est enfoncée de près de 16 centimètres dans le sol. Les acquéreurs, qui auraient dû emménager fin 2023, ont vu leurs espoirs s'envoler.
« On a l’impression de ne pas voir le bout du tunnel », confie Soizic Roquier, porte-parole d'un collectif regroupant les propriétaires lésés.
Les communications du promoteur, le groupe Quartus, n'ont fait qu'ajouter à l'incertitude. Une reprise des travaux avait été évoquée pour l'automne 2025, mais une récente lettre a douché les derniers espoirs. Le promoteur y conditionne la reprise à un « financement intégral » des travaux de réparation, une condition loin d'être remplie à ce jour.
Un sol instable à l'origine du sinistre
L'affaissement du bâtiment trouve son origine dans la nature même du terrain. Le projet de l'Avant-Scène a été construit sur l'ancien lit du Var, une zone connue pour ses sols alluvionnaires et potentiellement instables. C'est sur ces "sables mouvants" que le "paquebot de béton" de 36 000 m², comme le décrivent certains, a commencé à s'enfoncer.
Le quartier du Grand Arénas
Situé à proximité de l'aéroport de Nice Côte d'Azur, le Grand Arénas est un pôle multimodal et un quartier d'affaires en plein développement. Il est conçu pour accueillir des bureaux, des hôtels, des commerces et des logements, ce qui en fait un emplacement stratégique pour des projets immobiliers d'envergure comme l'Avant-Scène.
Une expertise judiciaire a été diligentée pour comprendre les causes exactes et valider une solution technique. La complexité du problème met en lumière les défis de la construction en milieu urbain dense et sur des terrains aux caractéristiques géologiques particulières. La question d'une éventuelle sous-estimation de la fragilité du sol lors des études préalables est désormais posée.
Une bataille juridique au cœur du blocage
Le véritable obstacle à la reprise du chantier est aujourd'hui d'ordre financier et juridique. Le promoteur Quartus et son assurance "tous risques chantiers" sont engagés dans un bras de fer. Si la prise en charge du sinistre par l'assureur est acquise, le montant de l'indemnisation proposée est jugé insuffisant par Quartus pour couvrir l'intégralité des surcoûts.
Des coûts de réparation colossaux
Le coût des travaux supplémentaires pour stabiliser et réparer la structure pourrait atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros. La solution technique validée par les experts est elle-même impressionnante.
Face à ce désaccord, Quartus a saisi la justice. « Nous avons engagé une procédure en urgence », a confirmé François Hillmayer, directeur général adjoint du groupe. Une audience a eu lieu mi-septembre et une décision est attendue très prochainement. De cette décision dépendra l'avenir du chantier et le sort des 641 acquéreurs.
La recherche de responsabilités
Si la justice ne contraint pas l'assureur à augmenter son indemnisation, le promoteur pourrait se retourner contre d'autres acteurs du projet. Les regards se tourneraient alors vers les prestataires techniques, notamment ceux ayant réalisé l'étude de sol initiale. Leur responsabilité pourrait être engagée si l'expertise judiciaire démontre que les risques ont été mal évalués.
Cette chaîne de responsabilités potentielles complexifie encore le dossier et retarde d'autant plus la résolution du conflit. Chaque partie cherche à protéger ses intérêts, tandis que les propriétaires attendent une solution concrète.
Quelle solution pour sauver l'Avant-Scène ?
Malgré le blocage financier, une solution technique pour consolider le bâtiment a été identifiée et validée. Elle consiste à implanter une centaine de micropieux pour ancrer solidement la structure dans les couches stables du sous-sol.
Ces micropieux sont en réalité des fondations spéciales de grande envergure :
- Matériau : Tiges d'acier robustes.
- Diamètre : Entre 30 et 40 centimètres.
- Longueur : De 25 à 45 mètres de profondeur.
François Hillmayer assure que Quartus « s’attache quotidiennement » à préparer la mise en œuvre de cette solution. Les entreprises seraient prêtes à intervenir rapidement, mais uniquement lorsque le financement sera sécurisé.
Un futur en suspens pour les acquéreurs
Pour les 641 acquéreurs, cette situation est une épreuve. Leurs projets de vie sont suspendus et leurs économies, parfois celles de toute une vie, sont immobilisées dans un chantier à l'avenir incertain. Le collectif de propriétaires exprime un sentiment d'impuissance face à ce qu'ils qualifient de "prise d'otages".
Le promoteur évoque désormais une livraison pour la fin de l'année 2026 au plus tôt, mais ce calendrier reste très hypothétique. Les travaux restants sont estimés à une durée de 18 à 20 mois, une période qui ne pourra commencer qu'une fois le litige financier résolu.
La décision de justice attendue dans les prochains jours est donc un tournant crucial. Elle pourrait débloquer la situation ou, au contraire, l'enliser dans de nouvelles procédures, prolongeant encore le calvaire des centaines de familles qui attendent simplement de pouvoir, un jour, poser leurs valises à l'Avant-Scène.





