La sculpture monumentale de Richard Orlinski, baptisée « Roaring Lion Spirit », sera retirée de la place Garibaldi à Nice courant novembre 2025. Cette décision, bien que prévue contractuellement, met un terme à la présence d'une œuvre qui a suscité autant d'admiration que de vives critiques, tout en s'inscrivant au cœur d'une affaire politico-judiciaire complexe.
Installée en juin 2023, la statue est devenue un symbole des tensions politiques locales et fait l'objet d'une attention particulière dans le cadre d'une enquête pour favoritisme et corruption menée par le Parquet national financier.
Les points clés
- La sculpture du lion de Richard Orlinski sera démontée de la place Garibaldi avant le 30 novembre 2025.
- Ce retrait coïncide avec la fin d'un contrat de prêt signé entre l'artiste et la Ville de Nice.
- L'installation des œuvres d'Orlinski fait l'objet d'une enquête judiciaire pour corruption et favoritisme.
- Le départ de la statue a déclenché une passe d'armes politique entre le maire Christian Estrosi et son opposant Éric Ciotti.
Le départ programmé d'une œuvre controversée
Le lion géométrique qui trônait sur la place Garibaldi depuis près de deux ans s'apprête à quitter la scène niçoise. La Ville a confirmé que l'œuvre de l'artiste Richard Orlinski sera enlevée avant la fin du mois de novembre 2025, date à laquelle le contrat de prêt à titre gracieux arrive à son terme.
Cette sculpture faisait partie d'une exposition à ciel ouvert plus large, inaugurée en juin 2023, comprenant dix œuvres de l'artiste disséminées dans la ville. Initialement prévue pour une durée de trois mois, l'exposition avait été prolongée, mais le lion de Garibaldi était la dernière pièce encore visible par le public.
Un bestiaire à ciel ouvert
L'exposition initiale, lancée à l'été 2023, visait à transformer Nice en un musée à ciel ouvert. Dix sculptures d'animaux, caractéristiques du style de Richard Orlinski, avaient été installées dans des lieux emblématiques. Le coût du contrat initial entre la municipalité et l'artiste s'élevait à environ 90 000 euros. Par la suite, deux ours géants ont été déplacés vers les stations de ski d'Auron et Isola, gérées par la Métropole, pour un coût additionnel de 33 540 euros.
Dès son installation, le lion a divisé les habitants et les visiteurs. Si certains appréciaient sa modernité et son audace, d'autres critiquaient son esthétique et son intégration sur une place historique comme Garibaldi. L'œuvre a même été la cible de vandalisme, témoignant des passions qu'elle a déchaînées.
Une affaire judiciaire en toile de fond
Au-delà du débat esthétique, l'exposition Orlinski à Nice a pris une tournure judiciaire. En mars 2025, une série de perquisitions a été menée par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Les enquêteurs ont visité l'hôtel de ville de Nice, les résidences du maire Christian Estrosi et de son épouse, ainsi que les bureaux de Richard Orlinski.
Ces actions s'inscrivent dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte par le Parquet national financier (PNF) pour des chefs de corruption et de favoritisme. La justice cherche à éclaircir la nature des relations entre l'artiste, réputé proche du couple Estrosi, et la municipalité.
L'affaire a été déclenchée par un signalement de l'élu d'opposition écologiste Jean-Christophe Picard, qui a ensuite déposé plainte suite à un article de Mediapart. L'enquête, toujours en cours, examine notamment des soupçons de « cadeaux » que l'artiste aurait offerts au maire, dont les œuvres ont ensuite été exposées aux frais de la collectivité.
La sculpture au cœur d'une bataille politique
Le retrait du lion est rapidement devenu un enjeu de communication politique. Le 31 août 2025, Éric Ciotti, député et candidat déclaré à la mairie de Nice, avait pris position de manière véhémente lors de sa rentrée politique :
« Moi, maire de Nice, je retirerai ce lion hideux de la place Garibaldi. »
Lorsque l'annonce du départ de la statue a été officialisée fin octobre, ce dernier n'a pas manqué de s'en attribuer le mérite sur les réseaux sociaux. « Bonne nouvelle : le lion hideux d’Orlinski va enfin être retiré de la place Garibaldi. Une mesure de bon sens que je réclame depuis des mois ! », a-t-il publié.
La réaction du camp municipal ne s'est pas fait attendre. Des proches du maire Christian Estrosi ont rappelé que le retrait de l'œuvre était prévu depuis longtemps, conformément au contrat initial. Gael Nofri, adjoint au maire, a ironisé sur la situation :
« Le lion d’Orlinski part parce qu’il devait partir. Mais, comme le roi du Petit Prince, Éric Ciotti ordonne au soleil de se coucher à l’heure du coucher de soleil… L’important pour lui restant de croire en sa posture et de nous faire croire en son imposture ! »
Cette joute verbale illustre la forte politisation du débat autour de l'art dans l'espace public niçois, à l'approche des prochaines échéances électorales municipales.
L'art qui divise l'opinion publique niçoise
La controverse autour du lion d'Orlinski dépasse la simple rivalité politique. Elle révèle une fracture dans la perception de l'art contemporain et de son rôle dans une ville au patrimoine riche comme Nice. Hervé Caël, élu municipal et soutien de Christian Estrosi, a défendu la présence de l'œuvre en soulignant le statut de l'artiste.
Richard Orlinski est présenté comme l'artiste contemporain français le plus vendu au monde. Ses œuvres, souvent des animaux aux facettes polygonales et aux couleurs vives, sont exposées dans des galeries et des lieux publics internationaux.
« On peut aimer ou pas Orlinski [...], mais exiger qu’on retire une œuvre parce qu’elle ne correspond pas à votre goût ? », a-t-il questionné, dénonçant une forme de « police du beau ». Il a ajouté que « la dictature de la culture commence toujours par décider ce qui a le droit d’exister ! »
À l'inverse, de nombreux Niçois ont exprimé leur soulagement de voir la place Garibaldi retrouver son aspect originel, considérant la sculpture comme une intrusion visuelle. Le débat n'est d'ailleurs pas cantonné à un seul bord politique. En 2023, Philippe Vardon, élu proche de Marion Maréchal, avait publiquement exprimé son appréciation pour l'œuvre, montrant que les lignes de fracture sur ce sujet sont complexes.
Avec le départ du lion, une page se tourne pour la place Garibaldi, mais le débat sur la place de l'art contemporain dans la ville et sur les conditions de son financement par les deniers publics reste, lui, grand ouvert.





