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Republica de Nissa : un gouvernement symbolique pour l'identité niçoise

L'association Republica de Nissa a nommé un "gouvernement" symbolique et une Première ministre pour défendre l'identité et la mémoire du Comté de Nice.

Édouard Lefebvre
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Édouard Lefebvre

Journaliste spécialisé dans l'histoire, le patrimoine et les dynamiques culturelles de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Édouard Lefebvre explore les mouvements identitaires et les initiatives qui façonnent la mémoire collective locale.

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Republica de Nissa : un gouvernement symbolique pour l'identité niçoise

À Nice, l'association Republica de Nissa a organisé une cérémonie pour marquer le 637e anniversaire de la Dédition de Nice à la Savoie. Lors de cet événement, son président, Cristòu Daurore, a présenté un nouveau "gouvernement" symbolique, incluant la nomination d'une Première ministre, et a réaffirmé la volonté de l'association de préserver la mémoire et l'identité culturelle niçoise.

Cette initiative, qui comprend des projets comme l'émission de cartes d'identité locales, s'inscrit dans un mouvement mémoriel qui questionne le rattachement de la ville à la France en 1860 et promeut une identité distincte, ancrée dans l'histoire du Comté de Nice.

Points Clés

  • L'association Republica de Nissa a nommé un "gouvernement" symbolique dirigé par une nouvelle Première ministre, Patricia Andrea.
  • L'événement commémorait le 637e anniversaire de la Dédition de Nice à la Savoie, un acte fondateur de l'identité du Comté de Nice.
  • Le président Cristòu Daurore a annoncé la prochaine émission de cartes d'identité niçoises, soutenues par l'artiste Ben avant son décès.
  • Une plaque éphémère a été installée pour renommer symboliquement la place Île-de-Beauté en "plaça Catarina Segurana", en l'honneur de l'héroïne niçoise.

Une cérémonie pour la fête nationale niçoise

Ce dimanche 28 septembre, une cérémonie s'est déroulée sur la place Saint-Augustin à Nice pour célébrer ce que les organisateurs appellent la fête nationale niçoise. L'événement marquait les 637 ans de la Dédition de Nice à la Savoie, un tournant historique qui a façonné l'identité du Comté de Nice pendant plusieurs siècles.

Organisée par l'association Republica de Nissa, la manifestation a été l'occasion pour son président, Cristòu Daurore, de présenter un nouveau "gouvernement" symbolique. Ce dernier a pour mission de poursuivre les actions de l'association en faveur de la culture et de l'histoire locales.

Nomination d'une Première ministre

Au cœur de cette réorganisation se trouve la nomination de Patricia Andrea au poste de Première ministre. Ancienne responsable de la reprise des études à l'Université Côte d'Azur, elle aura la charge de coordonner l'action des "ministres" fraîchement désignés.

Cette structure gouvernementale, bien que dépourvue de toute reconnaissance officielle, vise à donner un cadre formel aux activités de l'association. Cristòu Daurore, qui achève un mandat de dix ans à la tête du mouvement, prépare ainsi sa succession et la pérennisation de son projet.

Le contexte de la Dédition de 1388

La Dédition de Nice à la Savoie, signée en 1388, est un événement majeur de l'histoire niçoise. Face aux troubles politiques en Provence, les autorités niçoises ont choisi de se placer volontairement sous la protection du comte Amédée VII de Savoie. Cet acte a séparé Nice de la Provence pour près de 500 ans, jusqu'à l'annexion par la France en 1860, et a profondément marqué son développement culturel, linguistique et politique.

Un projet mémoriel et identitaire

L'association Republica de Nissa a été fondée par Cristòu Daurore en 2010, à l'occasion du 150e anniversaire de l'annexion de Nice à la France. Son objectif principal est de maintenir vivante la mémoire de l'histoire du Comté de Nice et de questionner les conditions du vote de 1860 qui a scellé son rattachement.

Selon M. Daurore, le plébiscite de 1860 était vicié. Il soutient que le choix des Niçois a été contraint, citant l'absence de bulletins "non", la surveillance du vote par l'armée française et le manque d'isoloirs. "Pour voter 'non', il fallait le faire par écrit et s'exposer à des représailles", a-t-il affirmé.

Des initiatives concrètes

Pour matérialiser cette identité, l'association a déjà lancé plusieurs projets. Le plus connu est la création du "nissart", une monnaie locale destinée à promouvoir l'économie de proximité et à renforcer le sentiment d'appartenance.

Une nouvelle étape est prévue pour le mois de janvier avec le lancement de cartes d'identité niçoises. Ce projet symbolique vise à offrir aux habitants un document d'appartenance culturelle. Il a reçu le soutien de l'artiste Ben Vautier, qui a dessiné le logo "Republica de Nissa" pour les futurs documents.

"C'est une association qui veut perpétuer un devoir de mémoire. La dédition est l'événement à l'origine de ce comté et de ce que nous sommes aujourd'hui."

L'évocation de l'artiste Ben, décédé récemment, a été un moment de forte émotion pour Cristòu Daurore, qui a dû interrompre son discours, visiblement très touché par la perte de cet ami et soutien du mouvement.

Des actes symboliques forts

La journée s'est poursuivie par un autre acte symbolique. Le groupe s'est déplacé vers le port, sur la place Île-de-Beauté, pour une cérémonie de renommage temporaire. À l'aide d'un manche télescopique, Cristòu Daurore a installé une plaque éphémère portant l'inscription "plaça Catarina Segurana".

Qui est Catarina Segurana ?

Catarina Segurana est une figure héroïque du folklore niçois. Selon la tradition, cette lavandière (bugadiera) aurait joué un rôle décisif lors du siège de Nice en 1543 par les troupes franco-ottomanes. Elle aurait galvanisé la population en s'emparant d'un étendard ennemi et en exposant son postérieur aux assaillants, un geste d'humiliation qui aurait contribué à repousser l'attaque.

Ce geste vise à honorer la mémoire de celle qui est considérée comme la libératrice de la ville. La présence discrète de quatre policiers municipaux a été notée, mais ces derniers n'ont pas interrompu la cérémonie, qui s'est déroulée dans le calme.

Une vision pour l'avenir

Au-delà des commémorations, Cristòu Daurore a partagé sa vision à long terme. Son rêve, ou "pantai" en niçois, est que "la République de Nice pourrait devenir une des petites républiques fédérales occitanes". Cette ambition témoigne d'une volonté d'inscrire l'identité niçoise dans un ensemble culturel plus large, celui de l'Occitanie.

En conclusion de la cérémonie, un geste d'ouverture a été posé. Hassan, un membre de l'association d'origine turque, a été nommé "ambassadeur en Occitanie". Ce choix est apparu comme un symbole de réconciliation et d'humour historique, compte tenu du rôle des troupes ottomanes lors du siège de 1543.

L'ensemble de ces actions, bien que symboliques, illustre la vitalité d'un mouvement qui cherche à préserver et à promouvoir une identité niçoise distincte, enracinée dans une histoire complexe et souvent méconnue.