Face à une crise du logement qui paralyse le recrutement et une pression fiscale jugée excessive, les entreprises de la Côte d'Azur expriment de vives inquiétudes. Franck Cannata, nouveau président de l'Union pour l'Entreprise des Alpes-Maritimes (UPE 06), dresse un tableau sans concession des défis qui menacent l'économie locale et appelle à des mesures urgentes.
Points Clés
- La crise du logement empêche les salariés de se loger, créant une pénurie de main-d'œuvre critique pour les entreprises.
- La saison touristique est contrastée : l'hôtellerie de luxe performe, mais la restauration de milieu de gamme souffre de la baisse du pouvoir d'achat.
- Les chefs d'entreprise dénoncent une pression fiscale locale et nationale qui freine l'investissement et la compétitivité.
- Des solutions concrètes sont proposées, comme lier le contrat de travail au logement ou développer des filières locales de valorisation des déchets.
Un bilan touristique estival en demi-teinte
La saison estivale sur la Côte d'Azur a révélé une économie à deux vitesses. Si le secteur de l'hôtellerie haut de gamme, notamment les établissements 4 et 5 étoiles, a enregistré des taux de fréquentation records, la situation est bien plus complexe pour d'autres acteurs du tourisme.
La restauration de milieu de gamme, en particulier, a connu des difficultés. Selon Franck Cannata, la cause principale est la contraction du pouvoir d'achat, qui a touché aussi bien les touristes que les résidents locaux. De nombreuses familles ont dû faire des arbitrages dans leur budget vacances, délaissant les sorties au restaurant.
Si les prix ont augmenté, le président de l'UPE 06 rappelle que cela s'explique par une flambée des charges pour les professionnels. La réorganisation du travail post-Covid, avec une moindre acceptation des horaires en coupure, a notamment entraîné une hausse de la masse salariale, répercutée sur les prix de vente.
Le débat sur le "permis de restauration"
Face aux critiques sur la qualité de certains établissements, l'idée d'un "permis de restauration" pour exercer le métier refait surface. Franck Cannata ne s'y oppose pas, à condition que le dispositif soit sérieusement encadré. Il souligne qu'un manque de professionnalisme peut exister, comme dans de nombreux métiers, et qu'une régulation mieux organisée pourrait être bénéfique.
La crise du logement : principal frein au développement
Le défi le plus critique pour l'économie des Alpes-Maritimes reste sans conteste le logement des actifs. Les entreprises peinent à recruter, non pas par manque de candidats, mais parce que ces derniers ne parviennent pas à trouver un logement décent à un prix abordable.
"Celui qui se lève tous les matins et fait tourner l’économie est devenu le parent pauvre du logement", déplore Franck Cannata.
Le problème est particulièrement aigu pour les salariés aux revenus moyens. Avec un salaire de 1800 euros par mois, un employé n'est souvent pas éligible au logement social, mais ne dispose pas non plus des ressources suffisantes pour accéder au parc locatif privé, dont les prix sont prohibitifs. Se loger est devenu une "mission impossible" pour une part croissante de la population active.
Des solutions innovantes proposées par les entreprises
Face à ce blocage, l'UPE 06 avance des propositions concrètes. L'une des pistes majeures est de lier le contrat de travail au logement. L'idée serait de permettre aux entreprises d'acquérir ou de construire des logements pour leurs collaborateurs.
- L'entreprise conserverait la nue-propriété du bien.
- L'usufruit serait confié à un gestionnaire spécialisé.
- L'entreprise bénéficierait d'un droit de réservation pour y loger ses salariés.
Cette approche vise à créer un parc de logements dédié aux actifs, tout en optimisant le parc immobilier existant. Pour Franck Cannata, il est impératif de construire de nouveaux programmes, mais de manière plus intelligente et ciblée.
De plus en plus de chefs d'entreprise, découragés par l'instabilité économique et les difficultés structurelles, envisageraient de cesser leur activité ou de délocaliser à l'étranger, un signal alarmant pour l'attractivité du territoire.
Une pression fiscale jugée insoutenable
Au-delà du logement, la fiscalité est l'autre grand sujet de préoccupation. Les entreprises azuréennes se sentent prises en étau entre les impôts nationaux et les taxes locales. "La France est le pays le plus taxé au monde", rappelle Franck Cannata, qui regrette que le gouvernement cherche à ajouter de nouvelles taxes plutôt qu'à maîtriser la dépense publique.
Localement, certaines décisions sont qualifiées de "folies". La hausse du versement mobilité, bien qu'annulée pour janvier prochain, est citée en exemple. De même, la gestion des déchets pose question. Les entreprises paient une taxe dont le coût augmente, sans pour autant bénéficier de solutions de valorisation locales efficaces.
Le président de l'UPE 06 pointe une aberration écologique et économique : une partie des combustibles solides de récupération (CSR) produits localement est exportée en Finlande pour y être valorisée énergétiquement, faute de filière adéquate sur la Côte d'Azur. Il appelle à investir pour créer une chaîne de valorisation sur place.
Mobilité et avenir : le métro, un projet indispensable
Enfin, la question de la mobilité reste centrale pour désenclaver le territoire et soutenir son développement. Si les efforts de verdissement et les pistes cyclables en centre-ville sont reconnus, ils ne répondent pas aux besoins de déplacements à plus grande échelle.
Pour Franck Cannata, le projet d'un métro souterrain reliant Nice à Monaco, et potentiellement Vintimille, n'est pas une utopie mais une nécessité. Il permettrait de créer un axe de transport structurant Est-Ouest, de réduire l'impact environnemental en surface et d'offrir une alternative crédible à la voiture individuelle.
"C’est indispensable, pour les citoyens et potentiellement les marchandises. [...] On a bien creusé sous la Manche, alors je pense que l’on peut passer sous le Paillon !"
Face à ces multiples défis, le message des entrepreneurs est clair : sans actions fortes sur le logement, la fiscalité et la mobilité, l'attractivité et la vitalité économique de la Côte d'Azur sont menacées à moyen terme.





