Le groupe de presse Nice-Matin traverse une crise majeure. L'annonce du départ de Denis Carreaux, directeur des rédactions depuis 15 ans, et son remplacement par Baptiste Bize ont provoqué une grève immédiate des journalistes, qui s'inquiètent pour l'indépendance éditoriale des titres du groupe.
Ce mouvement social intervient dans un climat déjà tendu, marqué par une réorganisation structurelle et une dégradation des conditions de travail au sein des quotidiens Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin.
Les points essentiels
- Denis Carreaux, directeur des rédactions de Nice-Matin depuis 2009, quitte ses fonctions.
- Baptiste Bize, de la Nouvelle République, est nommé pour lui succéder.
- La rédaction a voté une grève immédiate, dénonçant la méthode et craignant pour son indépendance.
- Ce départ s'inscrit dans un contexte social difficile, avec un projet de réorganisation et des départs non remplacés.
Un changement de direction qui enflamme la rédaction
La direction du groupe Nice-Matin a officialisé jeudi le départ de Denis Carreaux, qui dirigeait les rédactions des trois quotidiens du groupe depuis 2009. Son successeur, Baptiste Bize, arrive de la Nouvelle République où il occupait le poste de directeur départemental dans les Deux-Sèvres.
Cette annonce, bien que des rumeurs circulaient en l'absence de M. Carreaux, officiellement en arrêt maladie, a provoqué une onde de choc au sein des équipes. La réaction a été immédiate et sans équivoque.
Vote d'une grève immédiate
Réunis en visioconférence en milieu de journée, les journalistes ont voté en faveur d'une grève immédiate. Dans un communiqué, le Syndicat National des Journalistes (SNJ) a expliqué que ce mouvement visait à dénoncer « la méthode et le signal envoyé dans le contexte de la réorganisation ».
Le syndicat a également fait part de la profonde « inquiétude pour l’indépendance éditoriale » des trois journaux : Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin. Une rencontre entre les représentants de la rédaction et la direction était prévue dans l'après-midi pour discuter de la situation.
Un contexte social particulièrement tendu
Ce changement à la tête de la rédaction ne survient pas dans un ciel serein. Le climat social au sein du groupe est dégradé depuis plusieurs mois, alimenté par plusieurs facteurs de tension.
Une figure historique du journal
Denis Carreaux était une personnalité centrale de Nice-Matin. Ancien rédacteur en chef du Parisien, il avait pris ses fonctions en 2009. Il a maintenu son poste à travers des périodes de grands changements pour le groupe, notamment la reprise en coopérative par les salariés en 2014, puis le rachat par NJJ, la holding de Xavier Niel, en 2019.
Le personnel fait face à une détérioration notable de ses conditions de travail. De nombreux départs parmi les 160 journalistes du groupe n'ont pas été remplacés, augmentant la charge de travail pour ceux qui restent.
Le projet d'impression controversé
Un autre point de friction majeur est le projet d'un centre d'impression commun avec le journal La Provence, situé à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône. Ce projet de mutualisation suscite des inquiétudes quant à l'avenir de l'emploi et à l'autonomie logistique du groupe.
La tension accumulée a déjà conduit à des actions de grève par le passé. Les quotidiens du groupe ont été absents des kiosques à deux reprises en mars, puis de nouveau en septembre. Ironiquement, l'une de ces journées de grève a coïncidé avec la sortie de l'édition spéciale célébrant les 80 ans de Nice-Matin.
La mission du nouveau directeur et les réactions politiques
Face à cette situation de crise, la direction a défini une feuille de route claire pour le nouveau directeur des rédactions. Selon le communiqué officiel, Baptiste Bize « aura pour mission de poursuivre le développement éditorial et numérique » des trois journaux.
Cette mission s'inscrit « en cohérence avec la stratégie de transformation engagée par le groupe pour renforcer son ancrage régional et son rayonnement digital ». L'accent est donc mis sur la transition numérique, un enjeu crucial pour la presse régionale.
Le groupe Nice-Matin en chiffres
- 3 quotidiens : Nice-Matin, Var-Matin, Monaco-Matin.
- 160 journalistes composent la rédaction.
- 15 ans : la durée du mandat de Denis Carreaux à la tête des rédactions.
- 3 grèves ayant entraîné la non-parution des journaux en 2024 (avant celle-ci).
Le départ de Denis Carreaux a également suscité des réactions dans la sphère politique locale. Le maire de Nice, Christian Estrosi (Horizons), a salué en lui « un interlocuteur respectueux du pluralisme et un soutien de l’activité économique locale ».
« Je remercie Denis Carreaux pour ces années consacrées à informer les Niçois et les Maralpins avec passion et rigueur. »
Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes
De son côté, le député Eric Ciotti (UDR) a également remercié le directeur sortant. L'article original de l'AFP note cependant que ces réactions de circonstance ne reflètent pas nécessairement la complexité des relations entre la presse et les responsables politiques.
La situation reste donc volatile au sein du groupe Nice-Matin. La grève des journalistes met en lumière des préoccupations profondes qui vont au-delà d'un simple changement de direction, touchant au cœur même de l'identité et de l'avenir du principal groupe de presse de la Côte d'Azur.