Plus de 80 ans après les faits, Mathilde, Étienne et Émile Toche, originaires de Nice, ont reçu à titre posthume la médaille des Justes parmi les Nations. Cette distinction salue leur courage exceptionnel pendant la Seconde Guerre mondiale, où ils ont risqué leur vie pour protéger deux familles juives de la persécution nazie.
La cérémonie, empreinte d'émotion, s'est déroulée en présence de l'ambassadeur d'Israël en France, Joshua Zarka, et des descendants des familles sauvées. Cet hommage met en lumière un chapitre héroïque de l'histoire niçoise, rappelant l'importance des actes de résistance individuelle face à la barbarie.
Points Clés
- Mathilde, Étienne et Émile Toche ont été décorés à titre posthume de la médaille des Justes parmi les Nations.
- Ils ont sauvé les familles Benaroya et Bauchman pendant la Seconde Guerre mondiale.
- L'aide a commencé par une amitié lycéenne et s'est étendue à des actes de protection vitale.
- Émile Toche est décédé accidentellement en accompagnant la famille Benaroya.
- La famille Toche a fourni de faux papiers et un refuge à Entraunes.
Un acte de bravoure reconnu des décennies plus tard
Le vendredi 19 octobre 2025, la mairie de Nice a été le théâtre d'une cérémonie solennelle. Joshua Zarka, l'ambassadeur d'Israël en France, a remis la médaille des Justes parmi les Nations aux descendants de Mathilde, Étienne et Émile Toche. Cette distinction reconnaît leur rôle crucial dans le sauvetage de vies juives durant l'occupation.
« Nos grands-parents étaient des gens modestes. Je ne sais pas s’ils auraient apprécié une telle mise en lumière », a confié Olivier Toche, venu avec son frère Vincent pour représenter leurs aïeux. Leur témoignage souligne l'humilité de ces héros ordinaires.
« Mathilde, Étienne et Émile nous ont laissés vivre. Ils nous ont donné le droit de vivre », a déclaré Brigitte Wajsbrot, née Bauchman, dont la famille a été sauvée par les Toche.
Le saviez-vous ?
La médaille des Justes parmi les Nations est décernée par l'Institut Yad Vashem de Jérusalem. Elle honore les non-Juifs qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant l'Holocauste.
Une amitié lycéenne à l'origine de l'héroïsme
L'histoire de ces sauvetages débute à Nice, dans les années 1920. Mathilde Celeschi et Étienne Toche se marient en 1924. Ils s'installent rue Auguste Gal, dans le quartier ouvrier de Riquier. De leur union naissent cinq enfants : Émile, Yvonne, Jean, Suzanne et Jacqueline.
En 1942, Émile Toche, alors lycéen au lycée Masséna, se lie d'amitié avec Élie Benaroya, un jeune réfugié juif. Vincent Toche raconte : « Comprenant les difficultés qu’il rencontrait en tant que juif, il a très vite accompli des démarches à sa place. Comme prendre les cours pour Élie quand il lui était trop compliqué d’aller au lycée. »
Cette amitié, apparemment simple, marque le début d'une chaîne d'actes de solidarité. Émile, à seulement 17 ans, sollicite l'aide de son père, Étienne, qui travaille au bureau des enquêtes de la Ville de Nice. Étienne fournit un duplicata de leur livret de famille. Ce document permet aux Benaroya de se faire passer pour des membres de la famille Toche.
Contexte historique
En 1942, la situation des Juifs en France sous le régime de Vichy était de plus en plus précaire. Les lois antijuives se multipliaient, et les rafles devenaient courantes, notamment après l'occupation de la zone sud par les Allemands en novembre 1942.
La fuite vers Annecy et le sacrifice d'Émile
En 1944, l'arrivée des Allemands à Nice intensifie la répression. La famille Benaroya doit fuir. Ils choisissent Annecy. Émile Toche, fidèle à son ami, les accompagne. Ce voyage, malheureusement, lui est fatal.
Lors d'une excursion en aviron sur le lac d'Annecy, Émile Toche se noie accidentellement. Son corps n'a jamais été retrouvé. Malgré cette tragédie, les sept membres de la famille Benaroya survivent à la guerre, un témoignage du sacrifice du jeune Émile.
Cet événement met en lumière le danger constant auquel étaient exposés ceux qui aidaient les Juifs. Émile Toche a donné sa vie pour ses amis, un acte de bravoure ultime.
Le refuge à Entraunes pour la famille Bauchman
L'aide de la famille Toche ne s'est pas limitée aux Benaroya. Anne et Monique Bauchman, ainsi que leur père Maurice, ont également bénéficié de leur soutien. Originaire de Metz, la famille Bauchman s'était installée à Riquier, le quartier des Toche.
Dès 1942, leurs entreprises sont placées sous administration provisoire en raison de la politique de spoliation des Juifs menée par le régime de Vichy. La situation devient critique en septembre 1943, après le retrait des Italiens. Le capitaine SS Aloïs Brunner organise de vastes rafles à Nice.
Face à ce danger imminent, les Bauchman se tournent vers les Toche, ayant appris leur engagement. Étienne, originaire de Guillaumes, leur conseille de se réfugier à Entraunes, un village de montagne.
Statistique
Environ 26 000 personnes ont été reconnues Justes parmi les Nations dans le monde. La France compte le deuxième plus grand nombre de Justes, avec plus de 4 200 personnes honorées.
Un voyage périlleux vers la sécurité
Pour assurer la sécurité des Bauchman, Mathilde Toche et ses deux filles les accompagnent jusqu'à Entraunes. Elles les guident à travers un voyage périlleux. Une fois arrivés, tous logent à l'hôtel local. Mathilde se fait embaucher comme cuisinière pour justifier leur présence. Les Allemands n'ont jamais atteint cette altitude, offrant un havre de paix relatif aux familles.
Malheureusement, Maurice Bauchman, le père, décède dans un bombardement allié en mai 1944. Cependant, Anne et Monique survivent grâce à l'aide des Toche. Leur histoire est un exemple poignant de solidarité et de résilience.
Ces actes de courage, souvent accomplis dans l'ombre et sans attente de reconnaissance, rappellent l'importance de l'humanité en temps de guerre. L'hommage rendu aux Toche est un rappel que la mémoire de ces héros doit perdurer.


