La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et l’Association pour la démocratie à Nice (ADN) ont annoncé leur intention de déposer une plainte contre le député Éric Ciotti. Cette action judiciaire concerne des soupçons de fichage illégal de plusieurs centaines de personnes à Nice, une affaire qui fait déjà l'objet d'une enquête policière depuis le printemps dernier.
Les associations dénoncent la possible conservation de données personnelles sensibles sans le consentement des individus concernés, ce qui pourrait constituer une atteinte grave aux libertés fondamentales.
Les points clés de l'affaire
- Une plainte va être déposée par la Ligue des Droits de l’Homme et l’Association pour la démocratie à Nice contre Éric Ciotti.
- L'affaire porte sur un fichier informatique contenant des informations sur des centaines de personnalités niçoises.
- Des données sensibles comme la confession religieuse ou un handicap y figureraient.
- Une enquête préliminaire est déjà ouverte depuis mai 2024, suite au signalement d'un lanceur d'alerte.
- L'entourage d'Éric Ciotti affirme qu'il s'agit d'un simple fichier protocolaire pour l'envoi d'invitations.
Une nouvelle action en justice initiée par des associations
La controverse autour du fichier géré par l'équipe du député Éric Ciotti prend une nouvelle tournure judiciaire. La Ligue des Droits de l’Homme et l’Association pour la démocratie à Nice ont officialisé leur démarche par le biais d'un communiqué de presse commun.
Dans ce document, les deux organisations estiment que les faits révélés pourraient représenter « une atteinte extrêmement grave aux libertés publiques et aux droits fondamentaux ». Elles soulignent que le fichage basé sur des critères comme l'origine, la religion ou la santé est incompatible avec les principes d'une démocratie.
« Pour l’AdN comme pour la LDH, ces faits pourraient constituer une atteinte extrêmement grave aux libertés publiques et aux droits fondamentaux. Ils rappellent que le fichage illégal fondé sur les origines, la religion, la santé ou les opinions politiques n’a pas sa place dans une démocratie. » - Extrait du communiqué de presse commun.
Une démarche complémentaire à l'enquête en cours
Cette plainte s'ajoute à une procédure déjà existante. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), l'autorité française de protection des données, avait déjà confirmé avoir reçu une plainte sur ce même sujet. L'initiative de la LDH et de l'ADN vient donc renforcer la pression judiciaire dans ce dossier sensible.
Retour sur l'origine de l'enquête
L'affaire a éclaté au grand jour suite aux révélations du journal Libération durant l'été, mais ses racines sont plus anciennes. Au printemps, un « lanceur d’alerte anonyme » a signalé l'existence de ce fichier aux autorités, déclenchant une série d'actions de la part de la justice.
Le parquet de Nice a confirmé avoir ouvert une enquête préliminaire dès le mois de mai. Le chef d'accusation retenu est « enregistrement ou conservation de données à caractère personnel sensibles », une infraction encadrée par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et le droit français.
Chronologie des événements
- Printemps 2024 : Un lanceur d'alerte anonyme signale l'existence du fichier.
- Mai 2024 : Le parquet de Nice ouvre une enquête préliminaire.
- Été 2024 : Le journal Libération révèle l'affaire au public.
- Août 2024 : Des perquisitions sont menées à Nice dans le cadre de l'enquête.
- Octobre 2024 : La LDH et l'ADN annoncent leur intention de déposer plainte.
Dans le cadre de cette enquête, des perquisitions ont été menées au mois d'août dans plusieurs lieux à Nice afin de rassembler des preuves et de vérifier la nature exacte des informations contenues dans le document informatique.
Le contenu du fichier au cœur des accusations
Les informations qui auraient été collectées sont au centre de la polémique. Selon les éléments divulgués par la presse, le fichier contiendrait les noms de plusieurs centaines de Niçois jugés « influents ».
Cette liste inclurait diverses catégories de personnes, comme des responsables associatifs, des commerçants ou des représentants de cultes. Le problème principal réside dans les annotations qui accompagneraient certains noms.
Des données jugées sensibles
Plusieurs types de mentions potentiellement illégales ont été évoqués :
- La confession religieuse : Des mentions comme « confession juive » ou « confession chrétienne » auraient été ajoutées pour certains individus.
- L'état de santé : Des informations relatives à un handicap, telles que « sourd » ou « non voyant », figureraient également dans le fichier.
- Le statut patrimonial : La mention « propriétaire foncier » aurait aussi été utilisée.
La collecte et le stockage de telles données sont strictement réglementés en France et ne peuvent se faire sans le consentement explicite des personnes concernées, sauf dans des cas très spécifiques qui ne semblent pas s'appliquer ici.
Que dit la loi sur les données sensibles ?
En France, le RGPD et la loi Informatique et Libertés interdisent par principe de collecter et de traiter des données personnelles qui révèlent l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l'appartenance syndicale, ainsi que les données génétiques, biométriques, les données concernant la santé ou la vie sexuelle. Le traitement de ces données n'est autorisé que dans des cas très limités et strictement encadrés.
La défense de l'équipe d'Éric Ciotti
Face à ces accusations, l'entourage du député a rapidement réagi. La défense s'articule autour de la nature et de l'usage du fichier. Il ne s'agirait pas d'un « fichier électoral » destiné à des fins de campagne, mais de « ressources protocolaires ».
Selon cette version, le document servirait uniquement à gérer l'envoi d'invitations pour des événements publics, comme des cérémonies officielles. L'objectif serait de s'assurer que les personnalités pertinentes de la vie locale soient conviées.
L'équipe d'Éric Ciotti a également apporté des précisions sur certaines données. Elle a fermement démenti la présence de toute mention relative à l'orientation sexuelle des personnes. Concernant les confessions religieuses, il a été assuré qu'elles n'étaient indiquées que pour les représentants des différents cultes, dans un but purement protocolaire.
Ces explications n'ont cependant pas convaincu les associations, qui maintiennent leur action en justice. L'enquête préliminaire menée par le parquet de Nice devra désormais déterminer la nature exacte du fichier, son utilisation réelle et si des infractions à la loi sur la protection des données personnelles ont été commises.