La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, a publié un avis officiel alertant sur l'état de délabrement avancé d'une grande partie des prisons en France. Le rapport met en lumière des conditions de détention jugées indignes, qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes incarcérées, et critique l'insuffisance des mesures prises par les pouvoirs publics.
Ce constat, rendu public au Journal officiel, souligne que la vétusté des infrastructures, aggravée par une surpopulation carcérale chronique, crée une situation critique pour la sécurité et la dignité des détenus ainsi que pour le personnel pénitentiaire.
Les points essentiels
- De nombreux établissements pénitentiaires datent du XIXe siècle et souffrent d'un manque d'entretien chronique.
- La surpopulation carcérale, avec une densité de près de 135 %, aggrave la dégradation des locaux.
- Des défaillances structurelles touchent aussi des prisons récentes, souvent dues à des malfaçons.
- La CGLPL juge la réponse de l'État insuffisante et inadaptée face à l'ampleur du problème.
Un parc pénitentiaire vieillissant et dégradé
Dans son avis daté du 12 mai, Dominique Simonnot dresse un tableau sombre de la situation. De nombreuses maisons d’arrêt sont encore installées dans des bâtiments du XIXe siècle, conçus à une époque où les standards de détention étaient radicalement différents.
Le rapport explique que "le fonctionnement continu de ces structures depuis des décennies, associé à de graves insuffisances dans leur maintenance, a inévitablement entraîné leur extrême dégradation". Cette situation n'est pas sans conséquences concrètes et dangereuses.
Un exemple frappant est celui de la maison d’arrêt de Rouen où, en 2023, une partie des coursives s'est effondrée. Selon les expertises, cet incident est la conséquence directe des infiltrations d'eau et d'un manque d'entretien prolongé, illustrant les risques physiques encourus par les personnes vivant et travaillant dans ces lieux.
Des problèmes structurels au-delà de la vétusté historique
Le problème ne se limite pas aux bâtiments anciens. La Contrôleure générale déplore que certains sites construits plus récemment présentent également de graves défaillances, "souvent en raison de malfaçons dans le projet de construction".
Le cas du centre de détention de Fleury-Mérogis, dans l'Essonne, est emblématique. Inauguré en septembre 2023, il a dû fermer ses portes seulement un an plus tard. La raison : des "fuites d’eau importantes, d’humidité et de moisissures" qui rendaient les lieux insalubres et potentiellement dangereux pour la santé.
Des conditions de vie indignes
Au-delà des bâtiments, les conditions de vie quotidienne sont directement affectées. Le rapport de la CGLPL mentionne des installations électriques défaillantes, comme à la prison de Nice, et la prolifération de nuisibles. Cafards, rats et punaises de lit sont un problème récurrent dans de nombreux établissements, portant atteinte à l'hygiène et à la santé des détenus.
Ces conditions matérielles dégradées ont un impact direct sur les droits fondamentaux des personnes détenues, notamment le droit à la sécurité, à l'intimité et à des conditions de vie décentes.
La surpopulation carcérale, un facteur aggravant
La vétusté des prisons est exacerbée par une surpopulation endémique. Selon les chiffres du ministère de la Justice, la densité carcérale moyenne atteignait près de 135 % au 1er septembre. Ce taux signifie que les prisons accueillent beaucoup plus de détenus que leur capacité théorique ne le permet.
Un cercle vicieux
La surpopulation crée un cercle vicieux. Lorsqu'une cellule ou une aile doit être fermée pour des travaux de rénovation urgents, les détenus doivent être transférés dans d'autres espaces déjà surpeuplés. Cette promiscuité accrue accélère l'usure des infrastructures et des équipements restants, tout en rendant les conditions de vie encore plus difficiles.
Cette pression constante sur les infrastructures rend les programmes de maintenance et de rénovation complexes à mettre en œuvre et souvent insuffisants pour endiguer la dégradation générale.
Une réponse des pouvoirs publics jugée insuffisante
Malgré les "multiples alertes" lancées par la CGLPL et d'autres organisations au fil des ans, l'action des pouvoirs publics est jugée "insuffisante". Le rapport qualifie les réponses apportées par l'État d'"inadaptées" et "en deçà des enjeux".
La CGLPL recommande la réalisation d'un diagnostic complet pour chaque établissement vétuste afin de déterminer rapidement et précisément les mesures à engager, qu'il s'agisse de rénovations profondes ou de reconstructions.
En réponse à cet avis, le ministère de la Justice, dans des observations transmises fin août, a affirmé que des diagnostics avaient bien été effectués pour les établissements les plus dégradés. L'objectif serait d'"identifier les travaux nécessaires et d’élaborer des propositions de phasage des opérations".
Le ministre Gérald Darmanin a également rappelé le lancement de deux appels d’offres visant à créer 3 000 places de prison modulaires dans un délai de 18 mois, une mesure pensée pour soulager la surpopulation à court terme. Cependant, pour les critiques, ces solutions ne règlent pas le problème de fond de la dégradation du parc existant.