La famille d'une adolescente agressée sexuellement dans un bus à Nice en 2019 a engagé une action en justice contre la régie des transports Lignes d’Azur. Elle accuse le chauffeur de ne pas être intervenu pour protéger la jeune fille, alors âgée de 14 ans. Une audience civile décisive se tiendra ce jeudi 16 octobre 2025 pour examiner la responsabilité de l'opérateur.
Ce procès met en lumière le combat d'une famille pour obtenir justice, six ans après des faits qui ont profondément traumatisé leur fille. Le dossier oppose la version de la famille, qui affirme que le conducteur était conscient de la situation, à celle de l'entreprise, qui soutient que son employé n'a rien vu.
Points Clés de l'Affaire
- Une audience civile est prévue le 16 octobre 2025 pour déterminer la responsabilité de Lignes d’Azur.
- Les faits remontent au 15 janvier 2019, lorsqu'une collégienne de 14 ans a été agressée sexuellement dans un bus.
- La famille reproche au chauffeur une inaction totale, affirmant qu'il a refusé d'ouvrir les portes ou d'alerter la police.
- Lignes d’Azur et son président, Gaël Nofri, soutiennent que le chauffeur n'a été informé de l'incident qu'une fois arrivé au dépôt.
- L'agresseur a été identifié mais déclaré pénalement irresponsable et interné en psychiatrie.
Rappel des faits du 15 janvier 2019
Le 15 janvier 2019, Lætitia*, une collégienne de 14 ans, a pris le bus de la ligne 20 à 11 h 54 à l'arrêt Saint-Sylvestre, à Nice, pour rentrer chez elle. Son trajet a basculé lorsqu'un homme est monté à l'arrêt Commandant-Gérôme.
Selon le témoignage de la jeune fille, cet individu a commencé par des clins d'œil avant de passer à des attouchements sexuels et des bruits suggestifs. Prise de panique, l'adolescente a tenté de s'échapper du véhicule. L'homme l'en aurait empêchée en la frappant au bras et au poignet.
La mère de la victime, Valérie*, décrit une scène traumatisante. "Elle était en pleurs", raconte-t-elle. Selon sa version, la situation était visible par les autres passagers et par le conducteur. "Des témoins lui ont demandé d’ouvrir les portes, il n’a pas ouvert", affirme la mère de famille.
L'inaction reprochée au conducteur
Le cœur du litige repose sur le comportement du chauffeur du bus. La famille soutient qu'il a failli à son devoir de protection. "Il a un bouton d’alerte, il ne l’a pas actionné", insiste Valérie. Elle ajoute que si le conducteur avait simplement appelé la police, la procédure judiciaire aurait été différente.
"Si le chauffeur avait actionné l’appel de détresse, nous n’aurions jamais déposé plainte contre la régie", précise la maman, soulignant que leur démarche vise à faire reconnaître une faute de l'entreprise.
Grâce à l'intervention d'un autre passager, Lætitia a finalement pu être mise en sécurité jusqu'à l'arrivée de sa mère. Cependant, l'agresseur a réussi à quitter les lieux sans être interpellé sur le moment.
Identification et suites judiciaires pour l'agresseur
L'agresseur n'a pas été arrêté immédiatement après les faits. C'est la victime elle-même qui l'a reconnu plus tard et a alerté les autorités. Après son interpellation et une garde à vue de quatre heures, il a été déclaré irresponsable pénalement. Les experts ont conclu à son internement à l'hôpital psychiatrique Sainte-Marie.
Un long combat judiciaire pour la famille
Depuis 2019, la famille de Lætitia mène un combat incessant pour que la lumière soit faite sur les circonstances de l'agression. Face à ce qu'ils considèrent comme un manque de réaction de la part de Lignes d’Azur, ils ont décidé de mener leur propre enquête.
Valérie a cherché à obtenir les enregistrements des caméras de surveillance du bus. "On voit clairement un homme parler au chauffeur pour lui demander d’arrêter son bus, il savait donc ce qui se passait", déclare-t-elle, convaincue que le conducteur était au courant de la détresse de sa fille.
La famille a également retrouvé des témoins, dont une femme qui aurait assisté à toute la scène. Cette dernière aurait échangé des messages avec le chauffeur après l'incident, des conversations qui ont été versées au dossier, selon la mère de Lætitia. Pour Valérie, la raison de cette inaction est simple : "Il était fatigué, il voulait rentrer au dépôt".
Les étapes de la procédure
- Plainte initiale : Une première plainte a été déposée contre le chauffeur et la régie Ligne d’Azur (RLA). Elle a été classée sans suite par le parquet.
- Plainte avec constitution de partie civile : En 2021, la famille s'est tournée vers un juge d'instruction. Cette procédure a également été classée.
- Action au civil : Face à ces classements, la famille a décidé d'engager une action au civil pour faire reconnaître la responsabilité de l'entreprise. C'est cette procédure qui aboutit à l'audience du 16 octobre 2025.
Valérie déplore un manque de soutien de la part des institutions. Elle explique avoir écrit au maire pour l'informer de la situation. "Le 25 janvier 2020, à une réunion de quartier, il avait promis de nous recevoir. On n’a jamais eu de nouvelles", regrette-t-elle, déterminée à aller jusqu'au bout pour sa fille qui reste, selon ses dires, "toujours traumatisée par ce qu’elle a vécu".
La défense de Lignes d'Azur
Contacté, Gaël Nofri, adjoint au maire de Nice et président de la régie Ligne d’Azur, confirme la tenue de l'audience. Il reconnaît que "la famille veut engager la responsabilité de la régie", mais réfute fermement les accusations portées contre le chauffeur et l'entreprise.
Selon lui, la version des faits de la famille est contredite par les éléments de l'enquête interne et judiciaire. "L’enquête a démontré que le chauffeur n’avait rien vu", affirme M. Nofri. Il précise que le conducteur "a appris les faits alors qu’il était arrivé au dépôt et ne pouvait donc pas agir".
Le président de Lignes d'Azur insiste sur le fait que le visionnage des bandes vidéo a permis de disculper totalement l'employé. "Aucun élément ne met en cause le chauffeur qui a été complètement dédouané, ni RLA", martèle-t-il.
"Si le chauffeur avait eu le moindre manquement à ses obligations de vigilance ou d’assistance, je n’aurai eu aucun état d’âme à le sanctionner", conclut Gaël Nofri.
L'audience de ce jeudi sera donc cruciale. Elle devra trancher entre deux récits radicalement opposés : celui d'une famille convaincue d'une négligence grave et celui d'une entreprise de transport public qui défend l'intégrité de son salarié et de ses procédures de sécurité.
*Les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat de la victime et de sa famille.