Le tribunal correctionnel de Nice a rendu sa décision dans l'affaire opposant l'administration à Alexandre Gallet, créateur de la boisson spiritueuse « Tue-Diable ». L'ancien caviste a été condamné à une amende de 3 000 euros avec sursis pour avoir utilisé l'appellation « rhum niçois » sur ses étiquettes, alors que le produit ne respectait pas le cahier des charges légal.
Ce verdict, qualifié de symbolique par la défense, met un terme à une procédure judiciaire qui a duré près de cinq ans. L'affaire soulève des questions sur la réglementation des appellations et les difficultés rencontrées par les petits artisans face aux normes administratives.
L'origine du litige : une appellation non conforme
L'affaire a débuté suite à des contrôles menés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). L'administration reprochait à Alexandre Gallet, un ancien caviste niçois passionné, d'avoir commercialisé sa création, le « Tue-Diable », sous l'étiquette de « rhum niçois ».
Le succès initial de cette boisson, d'abord partagée avec des amis puis vendue dans sa boutique, a attiré l'attention des services de l'État. Le problème ne résidait pas dans la qualité du produit, mais dans son titre alcoométrique volumique (TAV).
Qu'est-ce que l'appellation « rhum » ?
La législation européenne est très stricte concernant la dénomination des boissons spiritueuses. Pour être légalement qualifié de « rhum », un produit doit présenter un titre alcoométrique volumique minimal de 37,5 %. Cette règle vise à protéger les consommateurs et à garantir une standardisation de la qualité et des caractéristiques des produits sur le marché.
Le « Tue-Diable » d'Alexandre Gallet affichait un TAV inférieur à ce seuil réglementaire. En conséquence, l'utilisation du terme « rhum » sur l'étiquetage a été jugée comme une tromperie potentielle pour le consommateur, même si l'intention de l'artisan n'était pas de frauder mais de décrire sa création de manière familière.
Une procédure administrative devenue judiciaire
Avant que l'affaire ne soit portée devant les tribunaux, la DGCCRF a suivi la procédure administrative habituelle. Des injonctions ont été adressées à Alexandre Gallet à deux reprises, en 2020 puis en 2021, lui demandant de modifier ses étiquettes pour se conformer à la réglementation.
Cependant, la période coïncidait avec la pandémie de Covid-19, une période complexe pour de nombreux petits commerçants. Selon la défense, ces circonstances exceptionnelles ont contribué au retard pris par l'artisan pour appliquer les modifications demandées. Ce délai dans l'exécution des injonctions a finalement conduit au renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel pour « tromperie sur la nature d’une marchandise » et « inexécution d’une injonction ».
Les missions de la DGCCRF
La DGCCRF est un service de l'État chargé de plusieurs missions essentielles :
- Protéger les consommateurs contre les fraudes et les pratiques commerciales trompeuses.
- Assurer le respect des règles de la concurrence entre les entreprises.
- Veiller à la sécurité des produits et des services mis sur le marché.
Ses agents réalisent des contrôles réguliers dans tous les secteurs d'activité pour garantir un fonctionnement loyal du marché.
La judiciarisation de ce qui semblait être un manquement administratif a été l'un des points centraux des débats. La défense a constamment plaidé que cette affaire relevait davantage d'une sanction administrative que d'une procédure pénale, arguant de la disproportion des moyens engagés.
Un verdict mesuré après des réquisitions sévères
Lors de l'audience du 15 septembre, le ministère public avait pris l'affaire très au sérieux. Le procureur avait requis une peine de quatre mois de prison avec sursis à l'encontre d'Alexandre Gallet, une réquisition jugée particulièrement sévère par l'avocat de la défense, Maître David Rebibou.
Finalement, le tribunal correctionnel de Nice a opté pour une sanction bien plus modérée. Ce vendredi, il a condamné l'ancien caviste à une amende de 3 000 euros, intégralement assortie du sursis. Cela signifie que M. Gallet n'aura pas à payer cette somme, sauf en cas de nouvelle condamnation dans un délai défini par la loi.
« Le tribunal a donné toute sa mesure à ce dossier, qui n’aurait jamais dû se retrouver devant un tribunal correctionnel ! Cela sanctionne une infraction formelle. On aurait pu lui donner un simple avertissement administratif. »
Cette décision est perçue comme une reconnaissance par le tribunal du caractère principalement formel de l'infraction. La peine est symbolique et vient clore un chapitre long et éprouvant pour le créateur niçois.
L'avenir du « Tue-Diable »
Malgré les cinq années de procédure qui, selon ses dires, ont « mis à mal sa société », Alexandre Gallet se montre résolument optimiste. Il a rapidement réagi à la décision de justice en rassurant sa clientèle et en confirmant la poursuite de son activité.
« Il fallait qu’ils nous mettent une peine. Elle n’est que symbolique », a-t-il déclaré, préférant voir le verre à moitié plein. « Ça a été beaucoup de désagréments pendant cinq ans. Mais je tiens à rassurer mes clients : tout va bien et on continue ! »
L'étiquetage du « Tue-Diable » a bien sûr été modifié pour se conformer à la loi. La boisson est désormais commercialisée sous l'appellation correcte de « boisson spiritueuse », sans référence au terme « rhum ». Cet épisode illustre les défis que peuvent rencontrer les artisans et créateurs locaux face à un cadre réglementaire parfois complexe, mais il démontre aussi la résilience d'un entrepreneur attaché à son produit et à son savoir-faire.