Un vaste réseau de désinformation, piloté depuis la Russie et la Chine, a créé des centaines de faux sites d'actualité locale en France. Utilisant l'intelligence artificielle, cette opération vise à manipuler l'opinion publique à l'approche des élections municipales de 2026, selon un rapport d'une société de cybersécurité américaine.
L'enquête, menée par Insikt Group, révèle que ces plateformes imitent l'apparence de la presse régionale pour diffuser des contenus pro-russes et anti-occidentaux, en se concentrant sur des thèmes comme l'immigration et le soutien à l'Ukraine.
Points Clés
- Un réseau russe nommé CopyCop a créé au moins 141 faux sites d'information en France entre février et juin 2025.
- Ces sites utilisent l'IA pour générer des articles et copier le style de la presse quotidienne régionale (PQR), un média de confiance pour les Français.
- L'objectif est d'influencer les électeurs avant les élections municipales de mars 2026.
- Les contenus visent à amplifier les divisions politiques, à saper le soutien à l'Ukraine et à présenter le gouvernement français de manière négative.
- Un groupe chinois, RedNovember, est également impliqué dans des activités de cyber-espionnage ciblant des secteurs gouvernementaux français.
Une Opération de Désinformation à Grande Échelle
Des sites aux noms familiers comme actubretagne.fr ou lejournalnormand.fr apparaissent en ligne, mais leur contenu est loin d'être celui de véritables médias locaux. Derrière ces façades se cache une opération sophistiquée de manipulation de l'information, conçue pour infiltrer le débat public français.
Selon une enquête approfondie de la société de cybersécurité Insikt Group, publiée en septembre 2025, la France est une cible prioritaire pour des réseaux d'influence étrangers. Le rapport de 30 pages met en lumière une stratégie visant à déstabiliser l'opinion avant les élections municipales de mars 2026.
Ces faux médias sont générés en masse par des intelligences artificielles et des robots. Ils mélangent des articles authentiques, souvent copiés sur des sites d'information fiables, avec des contenus de propagande ciblés pour semer la méfiance et la confusion.
La Presse Régionale Comme Vecteur d'Influence
Les créateurs de ces sites ont identifié la presse quotidienne régionale (PQR) comme un canal de diffusion idéal. La PQR bénéficie d'un niveau de confiance élevé auprès du public français, bien plus que les médias nationaux. En imitant son apparence, ses couleurs et ses rubriques, les opérateurs cherchent à tromper les lecteurs.
Cette stratégie est particulièrement pertinente dans le contexte des élections municipales. D'après l'Insee, le taux de participation à ces scrutins se situe généralement entre 40 % et 60 %, ce qui rend l'électorat potentiellement plus sensible aux campagnes d'influence ciblées.
Pourquoi cibler les élections municipales ?
Les élections locales sont souvent perçues comme moins importantes que les scrutins nationaux, ce qui entraîne une participation plus faible. Les électeurs indécis peuvent être plus facilement influencés par des informations locales, même si elles sont fausses. De plus, exploiter les tensions locales, notamment sur des sujets comme la sécurité ou l'immigration, est une tactique efficace pour polariser le débat.
Le Réseau Russe CopyCop à la Manœuvre
L'enquête d'Insikt Group pointe directement du doigt un réseau russe connu sous le nom de CopyCop (ou Storm-1516). Ce groupe serait responsable de la création de plus de 300 nouveaux sites web dans le monde depuis le début de l'année 2025, avec une concentration particulière sur les États-Unis, le Canada et la France.
Entre février et juin 2025, pas moins de 141 nouveaux sites imitant des médias français ont été enregistrés par ce réseau. L'objectif est clair : saturer les résultats de recherche et les réseaux sociaux avec des informations biaisées.
Chiffres Clés de l'Opération
- 141 : Le nombre de faux sites français créés par CopyCop en cinq mois.
- Plus de 300 : Le nombre total de sites créés par le réseau dans le monde depuis début 2025.
- Mars 2026 : L'échéance électorale ciblée par cette campagne de désinformation.
Le Washington Post a rapporté que CopyCop serait probablement dirigé par John Mark Dougan, un citoyen américain résidant à Moscou. Ce dernier aurait déjà été impliqué dans des opérations de désinformation lors de l'élection présidentielle américaine de 2024, avec le soutien présumé des services de renseignement militaire russes.
L'objectif principal est de saper le soutien à l'Ukraine en exacerbant la fragmentation politique dans les pays occidentaux qui soutiennent le pays.
Extrait du rapport d'Insikt Group
Des Contenus Générés par IA pour Inonder le Web
Pour produire du contenu à une telle échelle, le réseau s'appuie sur des « modèles linguistiques larges (LLM) auto-hébergés et non censurés ». Ces intelligences artificielles génèrent des articles sur des thèmes pro-russes et anti-occidentaux.
Les sujets abordés sont variés :
- Au niveau local : Les articles montent en épingle des faits divers, en particulier ceux liés à l'immigration, pour créer un sentiment d'insécurité.
- Au niveau national : Le gouvernement français est souvent dépeint comme corrompu et autoritaire.
- Au niveau international : La propagande vise à justifier l'invasion de l'Ukraine et à présenter l'Occident comme étant en déclin inévitable.
Malgré leur apparence parfois professionnelle, ces sites contiennent de nombreuses erreurs de traduction, des informations factuellement incorrectes et des signatures d'auteurs fictifs, introuvables en ligne. En juillet 2025, le réseau a même tenté d'enregistrer le nom de domaine tvfrance2.fr pour usurper l'identité du service public France Télévisions.
La Menace Chinoise en Complément
Le rapport d'Insikt Group ne se limite pas à la menace russe. Il documente également les activités d'un groupe de cyber-espionnage soutenu par l'État chinois, nommé RedNovember. Ce groupe cible principalement les secteurs de la défense et du gouvernement en France et dans d'autres pays occidentaux.
Bien que leurs méthodes diffèrent, les acteurs chinois et russes semblent travailler de manière coordonnée pour promouvoir des récits qui servent leurs intérêts géopolitiques communs. Leurs plateformes diffusent des contenus favorables à Pékin et à Moscou, sans aucune transparence éditoriale ni responsabilité.
L'objectif final de ces opérations est de « empoisonner les résultats de recherche », rendant de plus en plus difficile pour le citoyen moyen de distinguer les informations fiables de la propagande. Cette guerre informationnelle représente un défi majeur pour la démocratie à l'ère numérique.