La ville de Nice est au cœur d'un débat politique et sociétal suite à l'approbation d'une subvention de 15 000 euros pour l'organisation du festival chrétien « 1 000 raisons de croire ». L'opposition municipale dénonce une atteinte au principe de laïcité, tandis que le maire Christian Estrosi défend son soutien à toutes les communautés religieuses.
Prévu du 4 au 12 octobre 2025, cet événement, porté par des figures proches des milieux catholiques traditionalistes, soulève des questions sur le financement public d'activités à caractère religieux et sur la vision de la laïcité appliquée par la municipalité.
Les points clés de l'affaire
- Une subvention de 15 000 euros a été votée par le conseil municipal de Nice pour le festival « 1 000 raisons de croire ».
- L'opposition, menée par l'élue écologiste Juliette Chesnel-Le Roux, critique une aide au « prosélytisme religieux », contraire à la loi de 1905.
- Le maire Christian Estrosi assume son soutien et le compare à l'aide apportée aux communautés juive et musulmane pour leurs fêtes.
- Les organisateurs du festival sont connus pour leur engagement dans des projets d'évangélisation à grande échelle.
Une aide financière au cœur des tensions
Le débat a éclaté lors du conseil municipal du 1er octobre 2025. À l'ordre du jour figurait le vote d'une subvention de 15 000 euros destinée à l'association « Festival 1 000 raisons de croire ». Cet événement, présenté comme un rassemblement culturel chrétien, doit se dérouler sur plusieurs sites emblématiques de la ville, notamment le port, des églises et le Centre Universitaire Méditerranéen.
Le programme annoncé inclut des concerts, des conférences et des temps d'échange. L'objectif affiché par les organisateurs est d'« évoquer toute la richesse de ce que le Christianisme a offert au monde ». Cependant, la nature de l'événement et son financement public ont immédiatement suscité une vive opposition.
La critique de l'opposition écologiste
La voix de la contestation a été portée par Juliette Chesnel-Le Roux, élue municipale du groupe Les Écologistes et candidate déclarée aux élections municipales de 2026. Elle a fermement dénoncé ce qu'elle qualifie de financement public d'une initiative de prosélytisme.
« L’association dénommée ‘‘Festival 1 000 raisons de croire’’, certes enregistrée en février dernier sous l'intitulé ‘‘Arts du spectacle vivant’’, montre sans ambiguïté un programme qui est clairement du prosélytisme religieux », a-t-elle déclaré en séance.
Invoquant le principe de séparation des Églises et de l'État, elle a rappelé les fondements de la loi de 1905. Pour l'élue, cette subvention contrevient à l'esprit de la laïcité qui impose la neutralité de la puissance publique en matière religieuse. Son groupe a donc voté contre la délibération, qui a néanmoins été adoptée par la majorité municipale.
La défense du maire Christian Estrosi
Face aux critiques, le maire de Nice, Christian Estrosi, a défendu sa décision avec assurance. Il a balayé les arguments de l'opposition en affirmant son soutien à l'événement, non sans une pointe d'ironie. « Moi, j’ai 10 000 raisons de croire », a-t-il lancé en réponse au nom du festival.
Pour justifier sa position, le maire a mis en avant une politique d'équité envers les différentes communautés religieuses de sa ville. Il a rappelé son soutien constant à d'autres cultes lors de leurs célébrations majeures.
Un soutien multiconfessionnel revendiqué
Christian Estrosi a cité deux exemples précis pour illustrer sa démarche :
- Communauté juive : La mairie accompagne l'installation du chandelier géant pour la fête d'Hanoucca.
- Communauté musulmane : La municipalité met le palais Nikaïa à disposition pour la célébration de l'Aïd al-Fitr, qui marque la fin du ramadan.
Se disant « fier » d'accueillir le festival « 1 000 raisons de croire », il positionne cette aide financière comme la suite logique de son engagement à permettre à chaque culte d'exister et de célébrer ses traditions dans l'espace public niçois. Cette vision, cependant, est loin de faire l'unanimité et relance le débat sur l'interprétation de la laïcité.
Laïcité : un principe à interprétations multiples
La loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État est un pilier de la République française. Son article 2 stipule que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Toutefois, la jurisprudence a précisé que les collectivités peuvent soutenir des activités culturelles organisées par des associations religieuses, à condition que ces activités ne soient pas exclusivement cultuelles et qu'elles présentent un intérêt local. C'est sur cette distinction que se cristallise le débat niçois : le festival est-il un événement culturel ou une manifestation cultuelle et de prosélytisme ?
Qui sont les organisateurs du festival ?
Un autre aspect du dossier qui alimente la controverse concerne le profil des organisateurs. L'événement est porté par Frédéric Bard et Olivier Bonnassies. Ce dernier est une figure bien connue des milieux catholiques et médiatiques.
Selon des informations du journal Le Monde, Olivier Bonnassies est un entrepreneur proche du frère de l'homme d'affaires Vincent Bolloré. Il est co-auteur du livre à succès « Dieu, la science, les preuves » et est impliqué dans plusieurs projets médiatiques visant à diffuser la foi chrétienne. Ces initiatives sont souvent décrites comme s'inscrivant dans un « vaste plan d’évangélisation ».
Cette information, soulignée par l'opposition lors du conseil municipal, renforce les craintes que le festival ne soit pas un simple événement culturel mais bien une opération de communication religieuse de grande ampleur, financée en partie par des fonds publics.
Un enjeu politique local
Au-delà de la question de la laïcité, cette polémique s'inscrit dans un contexte politique local tendu, à moins de deux ans des prochaines élections municipales. Pour l'opposition, cette affaire est une occasion de critiquer la gestion du maire et sa conception des relations avec les communautés religieuses.
Pour la majorité, il s'agit de démontrer une ouverture et un soutien à toutes les composantes de la société niçoise. Le débat sur le festival « 1 000 raisons de croire » dépasse donc le simple cadre d'une subvention pour devenir un marqueur idéologique et politique dans le paysage niçois.