À l'approche de l'inauguration de l'extension de la promenade du Paillon à Nice, une vaste campagne de communication a été lancée par la municipalité. Cette initiative, survenant à cinq mois des élections municipales, suscite de vives critiques de la part de l'opposition, qui y voit une opération de campagne électorale financée par des fonds publics.
Prévue pour le samedi 18 octobre 2025, l'ouverture de cette nouvelle section de huit hectares de verdure est annoncée sur de multiples supports à travers la ville. La mairie défend une communication institutionnelle légitime, tandis que ses détracteurs dénoncent une utilisation des ressources de la collectivité à des fins politiques.
Points Clés
- Une campagne de communication d'envergure est déployée pour l'inauguration de la nouvelle promenade du Paillon à Nice.
- L'opposition municipale accuse le maire, Christian Estrosi, d'utiliser des fonds publics pour sa campagne électorale, à cinq mois du scrutin de mars 2026.
- La mairie affirme que les dépenses s'inscrivent dans le budget de communication annuel et utilisent les supports existants de la ville.
- La controverse soulève des questions sur le cadre légal de la communication des collectivités en période préélectorale.
Une campagne promotionnelle omniprésente
Les habitants et visiteurs de Nice ne peuvent pas manquer l'information. Des affiches sur les panneaux publicitaires, des annonces sur les écrans du tramway et une présence marquée sur internet proclament l'ouverture imminente de la deuxième phase de la promenade du Paillon. Cette nouvelle section ajoute huit hectares d'espaces verts au cœur de la ville, un projet majeur pour la municipalité.
Cependant, l'ampleur de cette campagne publicitaire, dix ans après l'ouverture du premier tronçon, soulève des interrogations. Le calendrier est particulièrement scruté : l'événement a lieu seulement cinq mois avant les élections municipales prévues pour mars 2026, ce qui alimente les soupçons de l'opposition.
Les critiques de l'opposition
Plusieurs figures de l'opposition niçoise ont publiquement exprimé leur mécontentement. Julien Picot, secrétaire départemental du Parti communiste français, a dénoncé dans un communiqué ce qu'il qualifie d'utilisation des fonds publics au service des intérêts politiques d'une seule personne.
« Une fois de plus, l'espace public, la communication institutionnelle et les fonds publics sont utilisés pour servir les intérêts politiques d’un seul homme », a-t-il déclaré, critiquant une « dérive électoraliste inacceptable ».
Robert Injey, membre du collectif citoyen Viva!, a qualifié le dispositif de « hallucinant » et de « débauche de moyens ». Il s'interroge sur l'ampleur des dépenses engagées pour l'inauguration d'un jardin public.
Un projet à 100 millions d'euros
Le coût de l'extension de la promenade du Paillon est estimé à 100 millions d'euros. Ce montant ne prend pas en compte les coûts additionnels liés à la démolition de l'ancien Théâtre National de Nice (TNN) et du palais des congrès Acropolis, qui ont été détruits pour laisser place à cet espace vert.
La réponse du maire et de la municipalité
Face à ces accusations, le maire de Nice, Christian Estrosi, a défendu la démarche de la ville. Il a expliqué que la campagne de communication s'appuie principalement sur les supports appartenant déjà à la collectivité, ce qui permettrait de maîtriser les coûts.
« On utilise notre tramway, nos propres panneaux Decaux, nos palissades de chantier… », a-t-il précisé. Le maire assure que le coût de cette inauguration ne dépassera pas celui de la première phase, sans toutefois fournir de chiffres précis. Il a également souligné que le budget alloué à l'événement est intégré dans l'enveloppe annuelle de la communication de la Ville de Nice.
Sur un plan plus personnel, Christian Estrosi a mis en avant son implication dans ce projet, le décrivant comme le dossier auquel il a consacré le plus de temps. Il a exprimé son souhait de créer un « grand moment de partage » pour les Niçois autour de cette réalisation.
Le cadre juridique de la communication en période électorale
La situation à Nice met en lumière la complexité de la réglementation encadrant la communication des collectivités territoriales à l'approche d'une élection. La loi française impose des règles strictes durant la période préélectorale, qui a débuté le 1er septembre 2025.
Que dit la loi ?
Le Code électoral interdit aux personnes morales, y compris les collectivités, d'apporter leur concours à une campagne électorale. Concrètement, cela signifie qu'aucun moyen matériel, financier ou humain de la collectivité ne doit être utilisé pour promouvoir la candidature d'un élu sortant. La communication doit rester neutre et informative.
La difficulté réside dans la distinction entre une communication institutionnelle légitime et une promotion électorale déguisée. Selon Alexandra Aderno, avocate spécialisée en droit électoral, « il n’y a aucune définition dans la loi et la jurisprudence. C’est à l’appréciation du juge ».
Une frontière difficile à tracer
Un maire a le droit de continuer à inaugurer des projets et à informer les citoyens sur les actions de la municipalité. L'essentiel est que cette communication soit effectuée de manière neutre, sans message politique explicite. Les affiches pour l'inauguration de la coulée verte semblent respecter ces critères formels : elles ne contiennent ni slogan de campagne, ni photo du maire, ni logo de son parti.
Cependant, l'opposition estime que l'intensité et la répétition du message constituent en soi un acte de campagne. Le non-respect de ces règles peut entraîner l'annulation du scrutin si un recours est déposé et si le juge estime que la manœuvre a pu altérer la sincérité du vote, notamment en cas de faible écart de voix entre les candidats.
Un débat politique au-delà des aspects légaux
Au-delà de la stricte conformité juridique, la controverse est avant tout politique. Pour l'opposition, cette campagne d'inauguration en grande pompe est une manière pour le maire sortant de mettre en avant son bilan juste avant une échéance électorale cruciale.
Robert Injey va plus loin en suggérant une réforme du Code électoral. Il estime qu'il est « urgent de changer le code électoral pour en finir avec ces inaugurations, à vocation électoraliste, à 5 mois d’un scrutin ». Cette proposition vise à clarifier les règles pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l'avenir.
La polémique met en évidence la tension permanente entre la nécessité pour une municipalité de communiquer sur ses réalisations et le risque que cette communication soit perçue comme un avantage indu pour l'équipe en place. L'inauguration de ce nouvel espace vert, attendu par de nombreux Niçois, se retrouve ainsi au cœur d'un débat politique intense, préfigurant les thèmes qui animeront la campagne municipale à venir.