La réhabilitation de l'abbaye de Roseland à Nice est au cœur d'un différend entre la Ville, propriétaire actuelle, et le Conseil départemental des Alpes-Maritimes, futur acquéreur. La municipalité exprime son impatience face à des délais qu'elle juge trop longs pour la transformation du site en institut de recherche sur le climat, tandis que le Département assure respecter le calendrier contractuel.
Ce débat met en lumière les tensions entre les deux collectivités sur la gestion d'un projet majeur pour le patrimoine niçois, impliquant un investissement total de 14 millions d'euros.
Points Clés
- La Ville de Nice critique la lenteur du Département dans le projet de réhabilitation de l'abbaye de Roseland.
- Le Département affirme suivre les échéances fixées dans la promesse de vente signée en juin 2025.
- Le projet vise à créer un institut de recherche sur le climat, pour un coût total de 14 millions d'euros (4 millions d'achat, 10 millions de travaux).
- Des divergences apparaissent sur le calendrier final (2028 vs 2032) et l'accès du bâtiment au public.
Un calendrier contesté par la municipalité
La Ville de Nice, par la voix de Monique Bailet, adjointe au maire pour le territoire Nice Ouest, a publiquement fait part de ses préoccupations. Selon elle, le rythme d'avancement du projet de réhabilitation de l'abbaye de Roseland n'est pas conforme aux annonces initiales.
« L’instruction du projet de réhabilitation de l’abbaye de Roseland doit être accélérée », a déclaré Monique Bailet lors d'une conférence de presse le 6 octobre 2025. Elle souligne une inquiétude grandissante face à l'allongement des délais. L'élue met en avant un décalage entre les différentes annonces.
« Eric Ciotti disait que les travaux seraient achevés en 2028, puis, Charles Anges Ginesy a évoqué la date de 2032 dans la presse. »
Cette incertitude sur la date de livraison du projet est une source majeure de friction. La municipalité s'inquiète également d'un changement dans la vocation du lieu. « En plus, il a déclaré que le bâtiment ne serait finalement pas ouvert au public. Ce n’est pas ce qui avait été présenté initialement », a ajouté Mme Bailet, pointant une modification substantielle par rapport au projet qui avait remporté l'appel à manifestation d'intérêt en décembre 2024.
Les étapes administratives en question
La critique de la Ville porte aussi sur la gestion des démarches administratives. Monique Bailet reproche au Département un manque de proactivité, notamment dans ses relations avec les services de l'État. « Le Département n’a toujours eu aucun contact avec la DRAC [Direction régionale des Affaires culturelle] », a-t-elle affirmé.
Pour la municipalité, les différentes phases d'instruction auraient dû être menées en parallèle pour gagner du temps. « Les différentes instructions devraient se faire de façon concomitante, d’autant que les contraintes étaient connues dès le départ », a-t-elle insisté. Selon elle, chaque candidat avait eu le temps nécessaire pour étudier en détail les contraintes liées à ce bâtiment classé monument historique.
Chronologie du Projet
- 1971 : La Ville de Nice devient propriétaire de l'abbaye.
- Décembre 2024 : Le Département des Alpes-Maritimes remporte l'appel à manifestation d'intérêt.
- Juin 2025 : Signature de la promesse de vente entre la Ville et le Département.
- Décembre 2026 : Date limite contractuelle pour la saisine de la DRAC par le Département.
- 2032 : Nouvelle date de fin des travaux évoquée par le président du Département.
La position du Conseil départemental
Face aux critiques de la Ville de Nice, le Conseil départemental des Alpes-Maritimes a fourni une réponse concise, s'en tenant strictement aux termes du contrat. La collectivité réfute toute idée de retard et se dit sereine quant au respect des échéances.
Dans une déclaration officielle, le Département rappelle les termes de l'accord : « La promesse de vente signée entre la Ville de Nice et le Département date du 18 juin 2025 avec un versement de 200 000 euros à la Ville. »
Le communiqué précise ensuite le cadre temporel des obligations contractuelles. Il y est stipulé que le contrat « précise contractuellement et par écrit les délais prévus pour les différentes phases de l’opération ». Concernant le point soulevé sur la DRAC, la réponse est claire : la saisine « doit intervenir avant le 18 décembre 2026, soit dans plus d’un an, avec un projet définitif et un permis de construire accordé ».
Cette position suggère que le Département utilise le temps qui lui est alloué pour affiner son projet avant de le soumettre aux autorités compétentes, une approche qui contraste avec le souhait d'accélération de la Ville.
Un investissement départemental majeur
Le projet de l'abbaye de Roseland représente un engagement financier important pour le Département. L'acquisition du bâtiment s'élève à 4 millions d'euros. À cette somme s'ajoute un budget prévisionnel de 10 millions d'euros pour les travaux de réhabilitation et de transformation en institut de recherche sur le climat. Le coût total de l'opération est donc estimé à 14 millions d'euros.
La perspective des résidents et le contexte politique
Le débat sur les délais de réhabilitation de l'abbaye a également impliqué les habitants du quartier. Des membres de conseils syndicaux des sept immeubles voisins, représentant environ 690 logements, ont exprimé leur point de vue.
De manière générale, les résidents se montrent satisfaits du projet porté par le Département. « Le projet du Département nous convient. Nous ne souhaitions pas que l’abbaye de Roseland soit vendue à un promoteur pour faire des logements », a déclaré l'un d'eux. Cette option aurait, selon eux, posé des problèmes insolubles en matière d'accès et de stationnement dans un secteur déjà dense.
Cependant, leur perception des délais diffère de celle de la municipalité. Thibault Delhez, l'un des représentants des résidents, a tempéré les critiques : « Si la promesse de vente a été signée mi-juin 2025, il n’est pas choquant que les travaux n’aient pas encore commencé ». Cette prise de position a été notée par la mairie, qui a souligné son passé politique en tant que candidat pour Debout la France aux élections législatives de 2024.
L'entretien du patrimoine par la Ville
Face aux interrogations sur l'état actuel de l'édifice, Monique Bailet a tenu à rappeler les efforts consentis par la Ville de Nice pour sa préservation depuis son acquisition en 1971. Elle a détaillé les interventions menées sous la mandature de Christian Estrosi, débutée en 2008.
« Le maire a demandé la réalisation de travaux afin d’éviter sa détérioration », a-t-elle expliqué. Ces travaux incluent :
- La réfection complète de la toiture.
- La consolidation de la charpente.
- Le remplacement des menuiseries.
- Une intervention spécifique sur le cloître pour étayer la charpente et le mettre hors d'air avec des plexiglas.
L'investissement total de la municipalité pour ces mesures de conservation s'élève à 2 millions d'euros. Par cette énumération, la Ville entend montrer qu'elle a rempli son devoir de propriétaire en attendant la concrétisation du projet de cession.
Un projet d'avenir au cœur des tensions
Au-delà du différend sur le calendrier, le projet de transformation de l'abbaye de Roseland reste un enjeu stratégique. La création d'un institut de recherche sur le climat s'inscrit dans une volonté d'attirer des compétences scientifiques et de positionner le territoire sur les questions environnementales.
Le choix du Département s'est porté sur ce projet non seulement pour sa pertinence thématique mais aussi pour sa proposition financière, qui a permis de remporter l'appel à mise en concurrence. Le débat actuel entre la Ville et le Département illustre la complexité des grands projets d'urbanisme, où les calendriers politiques, les contraintes administratives et les attentes des citoyens doivent s'aligner.
L'issue de ce différend déterminera le rythme auquel ce site historique, classé et longtemps inoccupé, pourra entamer sa nouvelle vie au service de la recherche et de la connaissance sur les défis climatiques.