Une série de survols de drones non identifiés au-dessus de plusieurs aéroports européens, notamment en Allemagne et en Belgique, a récemment provoqué des perturbations significatives du trafic aérien. Ces incidents soulèvent des questions cruciales sur la sécurité des infrastructures aéroportuaires et les moyens de défense disponibles face à cette menace émergente.
Pour comprendre les enjeux et les solutions technologiques, nous avons interrogé Erwan Grimaud, expert monégasque en drones et fondateur de la société MC Clic. Il décrypte les risques réels et les parades possibles, de la détection à la neutralisation.
Points Clés
- Plusieurs aéroports européens ont subi des perturbations dues à des survols de drones non autorisés.
- Même un petit drone de 250 grammes peut causer des dommages importants à un avion en vol.
- Des technologies de détection et de neutralisation existent, mais leur déploiement soulève des questions de sécurité.
- Selon les experts, l'interruption temporaire du trafic reste souvent la réponse la plus sûre et la plus proportionnée.
Une menace nouvelle pour la sécurité aérienne
Ces dernières semaines, le ciel de plusieurs pays européens a été le théâtre d'incursions de drones. Des incidents ont été signalés en Pologne, en Roumanie, en Lituanie et au Danemark. Plus récemment, l'Allemagne et la Belgique ont également été touchées, entraînant des interruptions temporaires du trafic aérien par mesure de précaution.
Erwan Grimaud, qui collabore avec des entités militaires et des géants de l'industrie comme Thales, explique que la détection de ces engins est la première étape cruciale. « Le fait que le trafic ait été interrompu prouve que les drones ont bien été détectés », assure-t-il. « La France est loin d'être en retard en matière de systèmes de détection. »
Le risque aviaire : la menace historique
Avant l'émergence des drones, la principale menace de collision pour les avions était le risque aviaire. Erwan Grimaud rappelle que ce danger reste la préoccupation numéro un en aéronautique. Pour y faire face, l'industrie a développé des technologies de pointe, comme des radars capables de repérer des oiseaux aussi petits que des colibris, et a même recours à des « canons à poulets » pour tester la résistance des réacteurs d'avion lors d'impacts.
La question se pose désormais pour les « oiseaux mécaniques ». Un drone, même de petite taille, représente un danger non négligeable. « Même un petit jouet d'enfant d'à peine 250 grammes est susceptible de faire de gros dégâts », prévient l'expert, tout en relativisant la probabilité d'une collision directe grâce aux systèmes de surveillance actuels.
Les différentes catégories de drones et leurs capacités
La nature de la menace dépend fortement du type de drone utilisé. Pour l'heure, aucune information officielle n'a été communiquée sur les modèles impliqués dans les récents survols en Europe, une donnée jugée sensible.
Drones à voilure tournante vs. voilure fixe
Il existe deux grandes familles de drones :
- Les drones à voilure tournante (quadricoptères) : Ce sont les modèles les plus courants sur le marché grand public. Leur autonomie est généralement limitée, n'excédant pas 20 à 30 minutes de vol.
- Les drones à voilure fixe (type avion) : Ces engins peuvent parcourir de plus grandes distances et ont une autonomie bien supérieure. Ils s'apparentent davantage à des avions sans pilote et relèvent d'une autre catégorie de menace.
Le coût de la technologie embarquée
La sophistication d'un drone peut varier considérablement, influençant sa capacité à résister aux contre-mesures. « Le prix d'une puce GPS peut aller de 5 euros pour les plus bas de gamme jusqu'à 5 000 voire 30 000 euros pour celles nettement plus sophistiquées qui sont capables de résister aux systèmes de brouillage », précise Erwan Grimaud.
Cette distinction est essentielle pour évaluer l'origine et l'intention derrière un survol. Un drone à faible autonomie a probablement été lancé depuis une zone proche de l'aéroport, tandis qu'un modèle à voilure fixe pourrait provenir de beaucoup plus loin.
L'arsenal des contre-mesures disponibles
Face à une incursion de drone, les autorités disposent d'un éventail de solutions, allant du brouillage à la destruction. Chaque méthode présente des avantages et des inconvénients, surtout lorsqu'elle est utilisée à proximité d'une zone urbaine et d'un aéroport actif.
Les techniques de brouillage
Le brouillage vise à perturber les signaux de communication ou de navigation du drone. L'une des techniques est le brouillage GPS, qui empêche le drone de se localiser. Cependant, cette méthode n'est pas sélective. « Elle ne brouille évidemment pas que le GPS des drones. Celui des avions aussi, même si un avion peut continuer à voler sans GPS », souligne l'expert.
« Il existe aussi des fusils de brouillage, dont est notamment équipée la gendarmerie, mais encore faut-il viser la bonne fréquence. » - Erwan Grimaud, fondateur de MC Clic
Une autre technique plus sophistiquée est le spoofing. Elle consiste à créer une fausse constellation de satellites virtuels depuis le sol pour tromper le drone sur sa position réelle et le dérouter. Cette technologie est principalement réservée au secteur de la Défense.
Les méthodes destructives
La neutralisation physique du drone est l'option la plus radicale. Elle implique l'utilisation d'armes spécifiques pour abattre l'engin. « Je sais que l'armée de l'air française a mis au point une munition spéciale de calibre 12 », explique Erwan Grimaud. « Les Américains aussi, d'ailleurs. Ces munitions déploient parfois des filets antidrones. »
Cependant, l'utilisation de telles méthodes au-dessus d'une zone peuplée comme les environs de l'aéroport de Nice pose d'importants problèmes de sécurité liés aux tirs et à la chute des débris.
Quelle est la réponse la plus adaptée ?
Si les technologies pour contrer les drones existent, leur mise en œuvre doit être soigneusement pesée. Erwan Grimaud invite à une réflexion sur la proportionnalité de la réponse par rapport au risque réel.
Pour lui, la décision d'interrompre le trafic aérien, bien que contraignante, reste la solution la plus prudente et la plus adaptée dans le contexte actuel. « C'est le principe de précaution qui s'applique. On préfère dérouter les avions le temps que la menace s'éloigne », analyse-t-il. Cette approche permet d'attendre que le drone, souvent limité par sa batterie, quitte la zone de lui-même.
L'expert conclut en s'interrogeant sur la pertinence d'une escalade des moyens de défense. « Faut-il vraiment mettre en œuvre des méthodes destructives compte tenu du risque réel ? Jusqu'à preuve du contraire, nous ne sommes pas en guerre », rappelle-t-il. La gestion de la menace des drones semble donc, pour l'instant, privilégier la prudence et la sécurité passive plutôt qu'une confrontation active et potentiellement dangereuse dans le ciel civil.





