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Attentat de Nice : l'enquête sur la sécurité face à une audience cruciale

La justice se penche le 1er octobre 2025 sur l'enquête concernant la sécurité lors de l'attentat de Nice en 2016. Les victimes attendent des réponses.

Antoine Perrault
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Antoine Perrault

Journaliste spécialisé dans les affaires judiciaires et la criminalité financière. Antoine Perrault couvre les grands procès et les enquêtes complexes, décryptant les rouages de la justice pour le grand public.

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Attentat de Nice : l'enquête sur la sécurité face à une audience cruciale

La chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence examinera, le 1er octobre 2025, les demandes des victimes de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice. Cette audience est déterminante pour l'avenir de l'enquête sur les failles présumées du dispositif de sécurité sur la promenade des Anglais, un dossier distinct du volet terroriste qui a fait 86 morts.

Près de dix ans après le drame, les familles et les survivants attendent toujours des réponses précises sur les mesures mises en place ce soir-là. Ils espèrent que cette nouvelle étape judiciaire permettra de relancer une instruction qu'ils jugent trop lente.

Les points essentiels

  • Une audience clé se tiendra le 1er octobre 2025 pour statuer sur des demandes d'enquête des victimes.
  • L'enquête vise à déterminer les responsabilités dans le dispositif de sécurité du 14 juillet 2016.
  • Les avocats des parties civiles demandent des vérifications sur les effectifs policiers et le matériel anti-intrusion.
  • Quatre anciens responsables, dont Christian Estrosi et Philippe Pradal, ont le statut de témoin assisté.

Une justice en quête de vérité

Le 1er octobre 2025, les avocats représentant les associations de victimes, dont Promenade des Anges et Mémorial des Anges, plaideront devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Leur objectif est de faire annuler le rejet de nombreuses demandes d'actes d'enquête qu'ils avaient formulées en janvier et mai 2023.

Ces demandes visent à obtenir des informations concrètes et détaillées sur l'organisation de la sécurité. « Je veux savoir concrètement quel était le dispositif policier ce soir-là », a insisté Me Virginie Le Roy, avocate des associations. Elle réclame des documents précis pour établir la vérité.

Des questions précises sans réponses

Les parties civiles cherchent à obtenir des éléments factuels pour comprendre les événements. Leurs demandes portent sur des points spécifiques :

  • Les effectifs réels : Combien de policiers étaient présents sur la promenade des Anglais ?
  • Le positionnement : Où étaient-ils situés exactement et à quelles heures ?
  • L'équipement : De quel armement et matériel de protection disposaient-ils ?

Une attention particulière est portée au point d'entrée du camion-bélier. Selon les premiers éléments, seuls deux policiers municipaux étaient postés à cet endroit, sans aucun dispositif physique anti-intrusion comme des plots en béton ou un véhicule barrant la route.

Le poids des responsabilités politiques

Cette enquête, ouverte en 2017 pour « mise en danger de la vie d’autrui », a été depuis instruite pour « homicides et blessures involontaires ». Cependant, à ce jour, aucune personne n'a été mise en examen dans ce volet.

Quatre décideurs de l'époque, ainsi que la Ville de Nice en tant que personne morale, ont été placés sous le statut de témoin assisté. Ce statut intermédiaire indique qu'il existe des indices rendant leur mise en examen possible, mais qu'ils ne sont pas jugés suffisants à ce stade.

Les personnes sous statut de témoin assisté

Le statut de témoin assisté concerne des personnalités clés dans l'organisation de l'événement :

  • Philippe Pradal, maire de Nice au moment des faits.
  • Christian Estrosi, alors premier adjoint délégué à la Sécurité.
  • Adolphe Colrat, préfet des Alpes-Maritimes en 2016.
  • François-Xavier Lauch, son directeur de cabinet à l'époque.

Leurs auditions et les documents relatifs aux réunions préparatoires sont au cœur des demandes des victimes. Selon Me David Rebibou, avocat niçois, il est essentiel de « se concentrer sur les réunions préparatoires de la Prom' Party afin de savoir si l’éventualité d’un attentat au véhicule-bélier avait été envisagée ».

Le témoignage de l'ancien maire

Un moment clé du procès terroriste a été la déposition de Philippe Pradal. L'ancien maire avait déclaré devant la cour d’assises spéciale que, rétrospectivement, « une organisation différente aurait pu, aurait dû être envisagée ».

« Dire que tout a fonctionné serait une insulte à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie, à la mémoire des victimes. »
- Philippe Pradal, ancien maire de Nice, lors du procès terroriste.

Pour Me Mélissa Merceret, avocate de plusieurs victimes, cette déclaration constitue un « aveu » qui pourrait caractériser le délit d'homicides et blessures involontaires. Elle a demandé le versement de cette déposition au dossier d'instruction, une requête qui sera examinée lors de l'audience d'octobre.

Une attente insupportable pour les victimes

L'enquête sur la sécurité a été dépaysée à Marseille en octobre 2023 pour garantir l'impartialité de la justice. Cependant, depuis cette date, les progrès ont été minimes, nourrissant un sentiment d'abandon chez les familles.

Une instruction qui stagne

Depuis son transfert à Marseille, le seul acte majeur réalisé par la magistrate en charge est un déplacement sur les lieux de l'attentat durant l'été 2024. Pour les victimes, ce rythme est bien trop lent, près d'une décennie après le drame.

Célia Viale, membre de l'association Promenade des Anges qui a perdu sa mère dans l'attentat, exprime ce sentiment d'impatience. « Les victimes ont besoin de savoir. Certaines tournent en boucle sur ce sujet, c’est important pour elles », souligne-t-elle. « On a le sentiment que la justice freine des quatre fers. »

Anne et Philippe Murris, fondateurs de Mémorial des Anges et parents de Camille, décédée le 14 juillet, partagent cette frustration. Ils ont écrit à la juge d'instruction en septembre 2025 pour demander une rencontre afin d'être informés des avancées du dossier.

L'audience du 1er octobre est donc perçue par beaucoup comme celle de la « dernière chance » pour obtenir la vérité. La décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence déterminera si l'enquête peut enfin explorer toutes les zones d'ombre du dispositif de sécurité et, potentiellement, mener à un procès correctionnel pour établir les responsabilités.