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Nice : Un projet d'école musulmane au cœur d'une polémique

Un projet d'école musulmane à Nice suscite la polémique. Une association liée à l'imam de la mosquée En-Nour aurait présenté un projet de cabinet médical pour louer une villa.

Nicolas Martin
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Nicolas Martin

Journaliste spécialisé dans l'analyse des politiques publiques et des débats de société en France. Nicolas décrypte les enjeux juridiques et sociaux qui animent la vie politique française, avec un focus sur les questions de laïcité et de libertés publiques.

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Nice : Un projet d'école musulmane au cœur d'une polémique

Une controverse a éclaté dans le quartier du Parc-Impérial à Nice concernant la location d'une villa historique, le Mas des Cigales. Une nouvelle association, liée à l'imam de la mosquée En-Nour, est soupçonnée d'avoir dissimulé son intention d'y créer une école pour l'enseignement de l'arabe et du Coran en présentant officiellement un projet de cabinet médical.

Ce projet émerge dans un contexte de tensions internes à la mosquée En-Nour, impliquant des accusations de mauvaise gestion financière et la fermeture soudaine de ses cours qui accueillaient près de 400 élèves.

Points Clés

  • Une association nouvellement créée, l'Institut linguistique Victor-Hugo (ILVH), cherche à louer la villa le Mas des Cigales à Nice.
  • Le président de l'ILVH est un proche de l'imam de la mosquée En-Nour, et son avocat en est le vice-président.
  • Des enregistrements audio suggèrent que le projet réel est une école, mais qu'un projet de cabinet médical a été présenté au propriétaire.
  • Ce projet intervient sur fond de conflit financier au sein de la mosquée En-Nour et de l'arrêt de ses cours d'arabe.
  • Les revenus générés par les cours, estimés à 150 000 euros par an, sont au centre des tensions.

Contexte de tensions à la mosquée En-Nour

L'affaire trouve ses racines dans la situation de la mosquée En-Nour, située dans la plaine du Var. Depuis près d'une décennie, son institut dispensait des cours de langue arabe et de Coran à environ 400 élèves, principalement des enfants et des femmes, les mercredis et week-ends.

À la mi-juin, ces cours ont été brusquement interrompus. Les salles de classe ont été vidées de leur mobilier, à la surprise générale des familles et du nouveau président de l'association socio-culturelle et cultuelle de Nice-La Plaine, Adil Echaoui.

Cette interruption est survenue alors qu'un conflit ouvert opposait M. Echaoui à l'imam Mahmoud Benzamia. Le président de l'association dénonce depuis plusieurs mois des « anomalies comptables » et accuse l'imam d'avoir retiré plus de 126 000 euros en espèces de son bureau sans fournir de justification.

Création d'une nouvelle structure

Peu de temps après la fin des cours à l'institut En-Nour, une nouvelle entité a été formée. L'Institut linguistique Victor-Hugo (ILVH) a été officiellement déclaré en préfecture le 30 juin.

Bien que le nom de l'imam Mahmoud Benzamia n'apparaisse pas dans les statuts officiels, les liens avec lui sont directs. Le président de l'ILVH est le docteur Hazem Mawazini, membre du conseil d'administration de l'association de la mosquée et un proche de l'imam. Le poste de vice-président est occupé par Maître Ouassini Mebarek, qui est également l'avocat de M. Benzamia.

L'objet officiel de l'association

Selon sa déclaration en préfecture, l'Institut linguistique Victor-Hugo a pour mission « d'assurer l'enseignement des langues et des cultures et la réception d'élèves et d'adultes ». C'est dans ce cadre que l'association a commencé à chercher de nouveaux locaux.

La villa du Parc-Impérial au centre du projet

L'attention de l'ILVH s'est portée sur une bâtisse emblématique du quartier du Parc-Impérial : le Mas des Cigales. Cette villa de plus de 300 m², située avenue Paul-Arène, abritait autrefois le siège du district de football de la Côte d'Azur.

Mise en vente pour plus de 2 millions d'euros, la propriété a d'abord fait l'objet d'une tentative d'achat par l'association, mais les négociations ont échoué. L'ILVH est alors revenu vers le propriétaire avec une proposition de location.

Une stratégie de dissimulation présumée

C'est à ce stade que la controverse prend forme. Lors d'une réunion avec des parents d'élèves, le docteur Mawazini aurait expliqué la stratégie adoptée pour sécuriser le bail. Dans un enregistrement audio obtenu par la presse, il déclare : « L'islam n'est pas le bienvenu à Nice. Le propriétaire n'a pas voulu [d'une école coranique]. J'ai accepté cette mission : c'est moi et mes collègues médecins qui allons prendre cette location. »

« Apparemment, on va signer cette semaine », a-t-il ajouté lors de cette réunion, laissant entendre que le projet de cabinet médical était une façade pour obtenir l'accord du propriétaire réticent à l'idée d'une école religieuse.

Cette démarche suggère que le véritable objectif a été volontairement caché pour contourner d'éventuels préjugés ou refus.

Des explications divergentes et des enjeux financiers

Interrogé sur ces déclarations, l'avocat et vice-président de l'association, Maître Ouassini Mebarek, a fourni une version différente. Il a affirmé que l'idée du cabinet médical était une ancienne piste abandonnée.

« Aujourd'hui, on veut faire une vraie école, une école privée comme les écoles catholiques ou juives privées », a-t-il précisé. Selon lui, ce projet répondrait au souhait du propriétaire saoudien des murs de la mosquée En-Nour, qui voudrait séparer le lieu de culte du lieu d'enseignement afin de libérer de l'espace dans la mosquée et de mettre fin aux prières de rue.

Un enjeu financier majeur

Le président de l'association historique de la mosquée En-Nour, Adil Echaoui, avance une autre motivation. Selon lui, la création de cette nouvelle école vise principalement à détourner une importante source de revenus. Il estime que les frais de scolarité représentent une « manne financière » d'environ 150 000 euros par an, qui échapperait ainsi à l'association qu'il dirige.

Cette nouvelle structure éducative, si elle voit le jour, pourrait donc avoir des conséquences financières directes sur l'association originelle de la mosquée. Contacté pour obtenir sa version des faits, le docteur Hazem Mawazini n'a pas répondu aux sollicitations. Le propriétaire du Mas des Cigales n'a pas non plus pu être joint pour commenter la situation.