Une trentaine d'enseignants de la filière professionnelle, soutenus par des étudiants, se sont rassemblés ce mardi 14 octobre 2025 sur la place Garibaldi à Nice. À l'appel de l'intersyndicale Éducation des Alpes-Maritimes, ils ont manifesté pour dénoncer les conséquences des réformes successives et demander des moyens supplémentaires pour leur secteur.
Au cœur des préoccupations se trouve la réforme du lycée professionnel et son impact sur le calendrier des examens, ainsi que sur la qualité de l'enseignement. Les manifestants réclament un retour à un calendrier scolaire plus cohérent et des investissements pour revaloriser une filière jugée essentielle pour l'avenir de nombreux jeunes.
Les points clés de la mobilisation
- Manifestation d'enseignants et d'étudiants à Nice pour défendre l'enseignement professionnel.
- Critique de la réforme du "parcours différencié" et de l'avancement des examens.
- Revendications pour le rétablissement des épreuves en fin d'année scolaire.
- Demandes de moyens supplémentaires : postes, classes et rénovation des locaux.
Une série de réformes contestées
Le rassemblement niçois s'inscrit dans un contexte de mécontentement croissant au sein de la communauté éducative des lycées professionnels. Selon les syndicats, la filière subit depuis une quinzaine d'années des réformes qui fragilisent son fonctionnement et la qualité de la formation dispensée aux élèves.
Emmanuelle Cazach, représentante syndicale présente lors du rassemblement, a souligné les effets de ces changements. "La voie professionnelle a connu de nombreuses réformes délétères depuis une quinzaine d’années", a-t-elle déclaré, pointant du doigt des décisions politiques qui, selon elle, ne tiennent pas compte des réalités du terrain.
L'impact du "parcours en Y"
La dernière réforme en date, instaurant un "parcours différencié" ou "parcours en Y", est particulièrement critiquée. Ce dispositif, mis en place l'année précédente, a profondément modifié l'organisation de la fin d'année scolaire pour les élèves de terminale.
Concrètement, les examens finaux ont été avancés de six semaines. Une fois les épreuves terminées, les élèves avaient le choix entre poursuivre des cours au sein de leur établissement ou effectuer une nouvelle période de stage en entreprise. Selon les enseignants, ce système a montré ses limites dès sa première année d'application.
Qu'est-ce que le parcours différencié ?
Le "parcours différencié", souvent appelé "parcours en Y", est une organisation de la fin de l'année de terminale en baccalauréat professionnel. Il vise à mieux préparer les élèves à leur avenir, qu'il s'agisse d'une insertion directe sur le marché du travail ou d'une poursuite d'études. Après des épreuves anticipées, les élèves choisissent une des deux branches du "Y" : un stage professionnalisant de six semaines pour ceux qui visent l'emploi, ou des cours renforcés pour ceux qui souhaitent intégrer l'enseignement supérieur.
Les remontées du terrain, partagées au niveau national, indiquent deux problèmes majeurs. D'une part, un absentéisme élevé a été constaté parmi les élèves ayant choisi de rester au lycée. D'autre part, beaucoup de ceux partis en stage ont préféré accepter un emploi avant même l'obtention de leur diplôme, quittant ainsi prématurément le système scolaire.
"Ce constat est général et des remontées ont été faites. L’Éducation nationale le sait. [...] Cela ne présente donc pas d’intérêt", a insisté Emmanuelle Cazach.
Des revendications claires pour l'avenir
Face à cette situation, les enseignants mobilisés à Nice ont formulé des demandes précises. La principale revendication concerne le calendrier des examens. Bien que l'Éducation nationale ait légèrement ajusté le tir pour l'année en cours en repoussant les épreuves de deux semaines, le corps enseignant juge cette mesure insuffisante.
"Il en reste toujours quatre que l’on estime perdues alors que l’on pourrait les mettre à profit pour mieux étudier le programme", explique Emmanuelle Cazach. La demande est donc simple : le rétablissement des examens sur la seconde quinzaine de juin, comme c'était le cas avant la réforme.
Selon les syndicats, les quatre semaines de cours perdues en fin d'année représentent près de 10% du temps d'enseignement annuel, un temps précieux pour la consolidation des acquis et la préparation à l'insertion professionnelle ou aux études supérieures.
Plus de moyens pour la filière
Au-delà du calendrier, les manifestants alertent sur le manque de moyens alloués à l'enseignement professionnel. Leurs revendications portent sur plusieurs aspects structurels :
- L'ouverture de nouvelles classes en CAP et en baccalauréat professionnel pour répondre à la demande et éviter la surcharge des effectifs.
- La création de postes d'enseignants pour assurer un encadrement de qualité et lutter contre le non-remplacement des départs.
- La rénovation urgente du bâti scolaire, et plus particulièrement des ateliers professionnels, souvent vétustes et inadaptés aux nouvelles normes et technologies des métiers.
Ces demandes visent à améliorer les conditions d'apprentissage des élèves, mais aussi les conditions de travail des personnels. "Il faut aussi redonner de l’attractivité au métier d’enseignant qui souffre d’une perte de sens", a ajouté Emmanuelle Cazach, évoquant une crise des vocations qui touche particulièrement sa filière.
Le soutien des étudiants
Le mouvement a reçu le soutien de plusieurs organisations étudiantes. Quelques jeunes étaient présents sur la place Garibaldi pour manifester aux côtés de leurs professeurs, conscients que les problématiques soulevées ont un impact direct sur leur propre parcours.
Quentin Voirin, porte-parole du Front populaire étudiant, a pris la parole pour expliquer les raisons de ce soutien. Il a insisté sur la légitimité des revendications enseignantes et leurs conséquences pour les lycéens.
"Leurs demandes sont légitimes et importantes pour nous parce que ça impacte l’accès aux études supérieures", a-t-il affirmé.
Pour les étudiants, la dévalorisation de la voie professionnelle et la réduction du temps d'enseignement peuvent constituer des freins importants pour ceux qui ambitionnent de poursuivre leurs études, notamment en Brevet de Technicien Supérieur (BTS). Un programme scolaire affaibli et une préparation moins solide peuvent en effet compliquer leur réussite dans l'enseignement supérieur.
Cette convergence des luttes entre enseignants et élèves met en lumière une inquiétude partagée pour l'avenir d'un secteur éducatif qui forme chaque année des milliers de jeunes à des métiers essentiels pour l'économie locale et nationale.