À Toulon, une exposition poignante met en lumière le parcours d'Alpha-Boubacar Barry, un jeune Guinéen de 16 ans. Arrivé en France en tant que mineur non accompagné, il utilise aujourd'hui le dessin pour raconter son exil, un périple marqué par la violence et la perte, mais aussi par un formidable espoir.
Son exposition, intitulée "De l’enfer aux projecteurs", retrace son voyage depuis son village natal en Guinée jusqu'à son arrivée en Europe. C'est un témoignage artistique qui transforme une expérience traumatisante en un message de résilience et de reconstruction.
Un départ forcé dans un contexte de violence
Le voyage d'Alpha a commencé bien avant la traversée de la Méditerranée. Originaire de Kindia, en Guinée, il a perdu son père très jeune. Rejeté par la nouvelle famille de sa mère, il s'est retrouvé à vivre dans la rue alors qu'il n'était qu'un adolescent.
Sa vie a basculé lors d'une manifestation contre le régime militaire. Pris dans des tirs, il a vu quatre de ses amis mourir et a lui-même été gravement blessé à la jambe. Cet événement a convaincu sa mère qu'il n'était plus en sécurité.
Le statut de Mineur Non Accompagné (MNA)
Un Mineur Non Accompagné (MNA) est un jeune de moins de 18 ans qui se trouve en dehors de son pays d'origine sans être accompagné d'un titulaire de l'autorité parentale. En France, ces jeunes sont protégés et pris en charge par les services de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) du département où ils se trouvent.
Ne pouvant l'accueillir, elle l'a confié à son oncle, Amadou, avec une seule consigne : ne pas le laisser dormir dehors. C'est avec cet oncle qu'Alpha a entamé un long et périlleux voyage, sans savoir au départ quelle en serait la destination finale.
La traversée du désert et de la mer
Le périple d'Alpha et de son oncle les a menés à travers plusieurs pays africains. Ils ont quitté la Guinée pour le Mali, puis ont traversé l'Algérie et le Niger pour atteindre la Libye, avant d'arriver en Tunisie. Alpha se souvient d'un chemin semé de dangers et d'images terribles.
"J'ai commencé à comprendre ce que nous faisions, mais quand je posais des questions, mon oncle me disait seulement d’avancer", confie-t-il. Il a vu des familles entières, des bébés, et a croisé les corps de ceux qui n'avaient pas survécu à la traversée du désert.
Ce n'est qu'en Tunisie que son oncle lui a révélé leur objectif : rejoindre l'Italie. La dernière étape était la traversée de la Méditerranée.
"Personne ne nous a prévenus que nous allions monter dans un bateau à soixante !"
Alpha se souvient de sa peur et de son refus initial d'embarquer. Forcé de monter, il a été blessé à la cheville. Le voyage s'est déroulé dans des conditions effroyables, sa plaie baignant dans un mélange d'eau de mer et de carburant.
Le naufrage et la perte
Le drame a atteint son paroxysme lorsque leur bateau pneumatique a chaviré en pleine nuit. "Il faisait noir, je n’entendais que des cris", raconte Alpha. De nombreuses personnes se sont noyées cette nuit-là, y compris son oncle Amadou, son seul protecteur.
Resté accroché à l'épave jusqu'au lever du jour, Alpha a finalement été secouru par la marine italienne et conduit à Lampedusa. Son arrivée en Europe n'a pas été la libération espérée. Placé en centre de rétention, il a décidé de s'enfuir seul pour continuer sa route vers la France.
Une nouvelle vie à Toulon grâce à l'art
Après avoir traversé l'Italie et franchi la frontière, Alpha a été pris en charge en France à l'automne 2023. D'abord à Nice, puis à Toulon, il est désormais suivi par l'Aide sociale à l'enfance du Var. Il est scolarisé en classe de première "vente" au lycée professionnel de Claret.
Du traumatisme à l'expression
Incapable de verbaliser son expérience, Alpha a commencé à écrire et à dessiner. Ce qui était au départ une thérapie personnelle est devenu un projet artistique structuré. Il a présenté ses dessins pour la première fois lors de l'épreuve orale de son brevet, racontant publiquement son histoire.
Son art est devenu un moyen de se libérer des images qui le hantaient et de donner une voix à ceux qui ne peuvent pas raconter leur histoire. "Je viens d’un endroit où on ne parle pas de vivre, mais de survivre. Mais en France, j’ai découvert que ma vie a un sens", explique-t-il.
Son projet a été récompensé par le prix "Ose tes idées", qui lui a octroyé une bourse de 1 500 euros. Avec cette somme, il a lancé sa propre marque de vêtements, baptisée "BAB".
- Projet artistique : Une exposition de ses dessins à Toulon.
- Reconnaissance : Lauréat du prix "Ose tes idées".
- Entrepreneuriat : Création de sa marque de vêtements "BAB".
- Ambition : Fonder une association d'aide humanitaire.
Aujourd'hui, malgré les cicatrices du passé, Alpha regarde vers l'avenir avec détermination. Il souhaite que sa réussite soit un hommage à son oncle Amadou et à tous ceux qui ont perdu la vie en quête d'un avenir meilleur. "Mon histoire n’est pas plus grande qu’une autre et la souffrance n’est pas un concours", dit-il avec humilité. Son parcours est un puissant rappel de la force de l'esprit humain face à l'adversité.





