Le tribunal d'instance de Nice a ordonné le placement sous administration judiciaire de la mosquée En Nour, située dans l'ouest de la ville. Cette décision, rendue le mercredi 15 octobre 2025, fait suite à une demande du président de l'association gérant le lieu de culte, qui s'inquiétait de l'opacité des comptes et de graves tensions internes.
La gestion de l'association socioculturelle et cultuelle de Nice-La Plaine est désormais confiée à la société Xavier Huertas et associés, qui aura pour mission de clarifier la situation financière dans un contexte particulièrement conflictuel.
Points Clés de l'Affaire
- Le tribunal a nommé un administrateur judiciaire pour gérer la mosquée En Nour.
- La décision a été motivée par des accusations d'opacité financière et de mauvaise gestion.
- La découverte de 126 000 euros en espèces dans le bureau de l'imam est au cœur du conflit.
- Le président de l'association, Adil Echaoui, a dénoncé des menaces de mort à son encontre.
Un Conflit Interne Mène à une Décision de Justice
La situation à la mosquée En Nour était devenue intenable depuis plusieurs mois. Des conflits profonds opposaient la direction de l'association, menée par son président Adil Echaoui, et l'imam Mahmoud Benzamia, soutenu par certains administrateurs. Face à ce qu'il décrit comme une impossibilité de faire fonctionner normalement l'association, M. Echaoui a saisi la justice.
Lors d'une audience tenue le 7 octobre 2025, il a formellement demandé la nomination d'un administrateur judiciaire. Son objectif était de faire intervenir un tiers neutre et qualifié pour examiner la gestion et rétablir un fonctionnement transparent. Le tribunal a jugé sa demande recevable et fondée.
Des Menaces Graves et un Climat Délétère
La situation a dépassé le simple cadre d'un désaccord de gestion. Selon son avocat, Me Cédric Bianchi, Adel Echaoui et sa famille ont fait l'objet de menaces physiques et de menaces de mort. Ces intimidations l'ont empêché de se rendre physiquement à la mosquée, paralysant de fait son rôle de président.
Ce climat de tension extrême a été un argument décisif pour la juge, qui a conclu que le fonctionnement normal de l'association était « rigoureusement impossible » dans les conditions actuelles. L'intervention d'un administrateur externe est apparue comme la seule solution viable pour apaiser la situation.
Des Accusations d'Opacité Financière
Le cœur du litige repose sur de sérieuses préoccupations concernant la gestion financière de la mosquée. Me Cédric Bianchi a exposé au tribunal plusieurs points d'inquiétude majeurs qui suggèrent un manque de traçabilité sur des sommes importantes.
Les principaux griefs soulevés par le président de l'association incluent :
- Des revenus locatifs non documentés : L'association possède un restaurant et une douzaine de parkings mis en location, mais les montants des loyers perçus ne seraient pas clairement inscrits dans les comptes.
- Des dons non tracés : Le flux des dons des fidèles, une source de revenus essentielle pour un lieu de culte, manquerait de transparence, rendant difficile de savoir où va l'argent.
- Des mouvements financiers suspects : L'avocat a également mentionné « deux petits chèques de 600 euros » dont l'origine reste inexpliquée.
126 000 Euros en Espèces
L'élément déclencheur de la procédure a été la découverte de 126 000 euros en liquide dans le coffre-fort du bureau de l'imam, Mahmoud Benzamia. Cette somme considérable en espèces, non justifiée par des documents comptables clairs, a immédiatement soulevé des soupçons.
Un Signalement à Tracfin
La découverte de cette importante somme d'argent liquide a entraîné une conséquence administrative majeure. Selon l'avocat de M. Echaoui, un signalement a été effectué auprès de Tracfin, la cellule française de renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins.
Qu'est-ce que Tracfin ?
Tracfin est un service du ministère de l'Économie et des Finances chargé de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Les banques et autres organismes ont l'obligation de lui signaler toute opération financière qui leur paraît suspecte. Un signalement ne signifie pas une culpabilité, mais il déclenche une enquête pour vérifier l'origine et la destination des fonds.
Me Bianchi a insisté sur ce point, déclarant devant le tribunal : « On parle de centaines de milliers d'euros sur lesquelles on n’a aucune traçabilité ». Cette affirmation souligne l'ampleur des doutes qui pèsent sur la gestion financière de la mosquée.
La Défense Rejette les Accusations
Face à ces graves allégations, la défense de l'imam Mahmoud Benzamia et de l'administrateur Ouassini Mebarek a tenté de minimiser les faits. Leur avocat, Me Benoît Nordmann, a plaidé que la procédure visait principalement à « jeter le trouble » sur ses clients.
« Ces 126 000 euros, ce n’est pas de l’argent suspect, c’est le denier du culte. »
L'avocat a soutenu que la somme en espèces provenait simplement des dons des fidèles. Il a remis en question la solidité des accusations d'irrégularités. « On parle de détournements. Mais de quels détournements ? Est-ce qu’il y a une plainte ? », a-t-il demandé, suggérant l'absence de procédure pénale formelle à ce stade.
Me Nordmann a également émis des doutes sur la réalité du signalement à Tracfin, demandant si une preuve existait et si ses clients avaient été convoqués par un quelconque service d'enquête. Ses arguments n'ont cependant pas suffi à convaincre la présidente du tribunal.
Les Conséquences Immédiates de la Décision
La décision du tribunal est une ordonnance de référé, ce qui signifie qu'elle est exécutoire à titre provisoire. Concrètement, l'administrateur judiciaire, le cabinet Xavier Huertas et associés, va prendre ses fonctions sans délai, même si la partie adverse décide de faire appel.
La mission de l'administrateur sera multiple :
- Prendre le contrôle de la gestion courante de l'association.
- Examiner en détail les comptes et les flux financiers des dernières années.
- Clarifier l'origine des 126 000 euros et des autres revenus de la mosquée.
- Rétablir un fonctionnement transparent et conforme aux statuts de l'association.
Cette mise sous tutelle est une mesure forte qui vise à protéger l'association et à garantir que les fonds des fidèles sont utilisés correctement. La durée de la mission de l'administrateur n'a pas été précisée, mais elle se poursuivra jusqu'à ce que la situation soit assainie. Sollicités par la presse le 15 octobre, l'imam Mahmoud Benzamia et Me Ouassini Mebarek n'ont pas souhaité s'exprimer.