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Chikungunya à Antibes : plus de 100 cas, les autorités en alerte

Avec 103 cas recensés, Antibes est devenu le principal foyer de chikungunya en France métropolitaine. Les autorités sanitaires ont lancé des opérations de démoustication et de sensibilisation pour con

Marion Dubois
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Marion Dubois

Journaliste spécialisée dans les questions de santé publique, les épidémies et les politiques sanitaires. Marion Dubois couvre les alertes sanitaires et décrypte les enjeux liés aux maladies infectieuses et à leur prévention.

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Chikungunya à Antibes : plus de 100 cas, les autorités en alerte

La ville d'Antibes, sur la Côte d'Azur, est devenue le principal foyer de chikungunya en France métropolitaine, avec 103 cas officiellement recensés sur un total national de 570. Face à cette situation qualifiée d'"exceptionnelle" par les autorités sanitaires, des mesures de démoustication et de sensibilisation sont activement déployées pour contenir la propagation du virus, transmis par le moustique-tigre.

Alors que les opérations se multiplient, l'inquiétude grandit parmi les habitants, qui reçoivent des alertes sanitaires par SMS. Les autorités, tout en se voulant rassurantes, appellent à la vigilance et à la coopération de tous pour éliminer les gîtes larvaires, majoritairement situés sur des propriétés privées.

Les points essentiels

  • Antibes est le principal foyer de chikungunya en France métropolitaine avec 103 cas confirmés.
  • Des opérations de démoustication à grande échelle sont en cours pour contrôler la population de moustiques-tigres.
  • Les autorités sanitaires insistent sur l'importance de la coopération des résidents pour éliminer les points d'eau stagnante.
  • Les symptômes incluent fièvre et douleurs articulaires, qui peuvent devenir chroniques chez 20 % des personnes infectées.

Une concentration de cas inédite en métropole

La situation à Antibes est sans précédent pour la France métropolitaine. Jamais auparavant un nombre aussi élevé de cas de chikungunya n'avait été enregistré dans une seule localité. Sur les 570 cas recensés au niveau national, 103 proviennent de ce foyer antibois.

Lors d'un point presse, Olivier Brahic, directeur adjoint de l'Agence Régionale de Santé (ARS) Paca, a tenu à clarifier la situation. Il a parlé d'une "situation exceptionnelle" mais a précisé qu'il ne s'agissait "pas d'une épidémie". Cette distinction vise à éviter la panique tout en soulignant la nécessité d'une vigilance accrue.

Jusqu'à présent, la France métropolitaine ne comptabilisait que quelques dizaines de cas par an pour cette maladie, principalement associée aux climats tropicaux. L'installation durable du moustique-tigre (Aedes albopictus) dans la région, favorisée par le changement climatique, a créé les conditions propices à cette transmission locale.

La riposte sanitaire s'organise sur le terrain

Face à cette flambée de cas, les autorités sanitaires ont rapidement mis en place une stratégie de lutte. Quinze opérations de démoustication ont déjà été menées dans les quartiers touchés. Une nouvelle intervention de grande envergure est prévue pour traiter une zone de 11 kilomètres au nord de la ville.

Sensibiliser pour mieux protéger

La prévention est une arme essentielle. Des associations mandatées par l'ARS parcourent les lieux publics, comme les abords des supermarchés, pour distribuer des brochures d'information. "Notre but, c'est justement de ne pas les apeurer", explique Carole Legrand, infirmière participant à l'opération. "Au contraire, c'est de leur donner les bons gestes à faire (...), éliminer ce moustique, les larves aussi dans tout ce qui est coupelles, réservoirs d'eau".

La coopération des habitants est jugée indispensable. Selon les estimations, 60 à 70 % des gîtes larvaires se trouvent dans des propriétés privées : jardins, balcons, terrasses. Les agents de démoustication doivent donc obtenir l'accord des résidents pour intervenir, ce qui représente parfois un défi.

"On n'a pas peur, mais effectivement on est vigilant", assure Olivier Brahic de l'ARS, soulignant l'enjeu collectif de la lutte.

Certains habitants expriment des craintes quant à l'impact environnemental des insecticides. Le maire d'Antibes, Jean Leonetti, également médecin, a précisé que le produit utilisé est validé par les autorités sanitaires et est "inoffensif" pour les autres insectes comme les abeilles ou les papillons.

Symptômes et inquiétudes des habitants

La connaissance des symptômes du chikungunya reste limitée au sein de la population. Alice Borel, médecin à l'ARS, rappelle les principaux signes : "principalement de la fièvre et des douleurs articulaires".

D'où vient le nom "chikungunya" ?

Le terme "chikungunya" provient de la langue makonde, parlée en Afrique australe. Il signifie littéralement "celui qui marche courbé", en référence aux douleurs articulaires intenses qui obligent les malades à se voûter.

Ces douleurs peuvent être particulièrement invalidantes. "Chez 20% des personnes touchées elles deviennent chroniques, c'est-à-dire qu'elles peuvent perdurer de plusieurs semaines à plusieurs années selon les cas", précise le Dr Borel. Il n'existe aucun traitement spécifique contre le virus ; seuls des antidouleurs peuvent soulager les symptômes.

Le vécu des résidents

Dans les quartiers résidentiels d'Antibes, l'ambiance est à la préoccupation. Sabrina Marra, une habitante, confie sa crainte, notamment pour son mari fragilisé par une autre pathologie. "On a quand même peur", dit-elle. Son mari, bien que rassuré par les opérations de démoustication, reste prudent.

L'envoi d'un SMS d'"ALERTE SANITAIRE" par les autorités a également suscité des réactions. Serge Hamon, 74 ans, raconte : "Quand j'ai reçu le SMS, c'était perturbant, parce que j'ai été piqué (...) par un moustique. Je me suis dit : est-ce qu'il va m'arriver quelque chose ?".

Un risque sanitaire à ne pas sous-estimer

Le maire Jean Leonetti rappelle que "la mortalité du chikungunya est bien inférieure à celle de la grippe". Il incite néanmoins toute personne présentant des symptômes suspects à consulter un médecin. Un diagnostic rapide permet non seulement d'assurer un suivi médical adéquat, mais aussi de signaler le cas aux autorités pour organiser rapidement une démoustication autour du domicile du patient et ainsi briser la chaîne de transmission.

Cette flambée de chikungunya à Antibes met en lumière la nouvelle réalité sanitaire induite par le changement climatique en Europe. La présence du moustique-tigre rend désormais possible la transmission locale de maladies vectorielles telles que la dengue, le zika et le chikungunya, obligeant les autorités et les citoyens à adapter leurs comportements et leurs stratégies de prévention.