Pendant près de trois ans, une propriétaire de Menton a vécu un véritable calvaire alors qu'un squatteur occupait illégalement son appartement. Expulsé fin 2024, l'occupant a laissé derrière lui un logement dévasté et une facture de plusieurs dizaines de milliers d'euros, plongeant la propriétaire dans une profonde détresse financière et psychologique.
Sabrina Di Donato, âgée de 55 ans, raconte son long combat contre un système administratif et judiciaire qui, selon elle, l'a laissée sans ressources face à une situation insoutenable.
Les points clés de l'affaire
- Une propriétaire privée de son appartement à Menton pendant trois ans.
- Une perte financière totale estimée à 65 000 euros, incluant les loyers impayés et les réparations.
- Des procédures judiciaires longues et complexes qui ont aggravé la situation.
- Un appartement retrouvé dans un état de délabrement avancé après l'expulsion.
L'origine du squat : une location qui a mal tourné
L'histoire commence en 2011 lorsque Sabrina Di Donato achète un appartement à Menton, dans les Alpes-Maritimes. Quelques années plus tard, en 2017, elle déménage à Nice et décide de mettre son bien en location par l'intermédiaire d'une agence immobilière locale.
Tout se déroule normalement jusqu'en 2021. À cette date, le bail est transféré au fils du locataire initial. C'est à ce moment précis que les problèmes surgissent. Les paiements de loyer cessent complètement, marquant le début d'une longue et pénible épreuve pour Sabrina.
Malgré ses démarches immédiates, incluant le recours à un avocat et le dépôt de plusieurs plaintes, la situation s'enlise. L'occupant reste dans les lieux sans verser le moindre centime, transformant une simple location en une occupation illégale prolongée.
Une spirale financière et personnelle dévastatrice
L'absence de revenus locatifs pendant trois ans a eu des conséquences dramatiques sur la situation financière de Sabrina. Elle devait continuer à rembourser le crédit immobilier de son appartement de Menton sans percevoir les loyers qui devaient couvrir cette charge.
La situation s'est encore aggravée en 2022 lorsqu'elle s'est séparée de son compagnon, avec qui elle louait un logement à Nice. En raison de son statut de propriétaire à Menton, elle n'a pas pu conserver l'appartement niçois. « Légalement, c'est impossible puisque j'étais propriétaire d'un bien immobilier alors que mon conjoint, non », explique-t-elle.
Cette situation l'a laissée sans domicile fixe. « Je me suis retrouvée à la rue », se souvient-elle avec émotion. Pendant une quinzaine de jours, elle a dû trouver des solutions d'hébergement d'urgence avant de pouvoir se reloger à Nice, alors même que son propre appartement était toujours occupé illégalement.
Un coût total de 65 000 euros
Selon les calculs de Sabrina Di Donato, l'ensemble de cette affaire lui a coûté environ 65 000 euros. Ce montant inclut les loyers impayés sur trois ans, les frais de justice, et le coût des réparations de l'appartement saccagé.
Un long combat judiciaire pour l'expulsion
Le parcours judiciaire pour récupérer son bien a été un véritable chemin de croix pour Sabrina. Les procédures d'expulsion, lancées auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes, n'ont cessé de s'étirer en longueur.
« Le procès a été renvoyé trois fois au tribunal puisque le squatteur ne se présentait jamais », témoigne-t-elle. Frustrée par l'inertie des institutions, elle a multiplié les démarches. « J'ai envoyé des dizaines de mails à la préfecture, au parquet, mais rien. »
Face à ce blocage, elle a fait appel à un nouvel avocat, Me Doukhan, qui a adopté une stratégie différente. L'avocat parisien a attaqué la préfecture des Alpes-Maritimes en responsabilité. Cette procédure vise à engager la responsabilité de l'État lorsque celui-ci ne prête pas le concours de la force publique pour exécuter une décision de justice d'expulsion.
« Sa procédure a pris un temps fou. Ça a tardé plus que de raison », confirme Me Doukhan. « Si l'expulsion n'est pas constatée, c'est aux services de l'État de prendre en charge le loyer de la victime de squat au motif de préjudice. »
Cette action a finalement débloqué la situation. L'expulsion a été réalisée dans un délai de deux mois, en août 2024, mettant fin à trois années d'occupation illégale.
Un appartement saccagé et un lourd traumatisme
La fin de l'occupation n'a pas marqué la fin du cauchemar pour Sabrina. Lorsqu'elle a enfin pu retourner dans son appartement, elle a découvert une scène de désolation. Le logement était, selon ses propres termes, « invivable ».
L'étendue des dégâts
La liste des dégradations est longue et accablante :
- La porte d'entrée a été cassée.
- Du mobilier a été volé.
- Des détritus et de la nourriture pour pigeons étaient répandus dans toutes les pièces.
- Les murs, les sols et les installations étaient gravement endommagés.
Le coût total des réparations a été estimé à près de 20 000 euros. Après des mois de travaux intensifs, financés sur ses fonds propres, Sabrina a finalement pu relouer son appartement en décembre 2024.
Un sentiment d'abandon par la justice
Au-delà des pertes financières, cette épreuve a laissé des cicatrices psychologiques profondes. Sabrina exprime un sentiment de « colère, d'injustice et de rage », affirmant que la justice l'a « abandonnée ». Elle a dû sacrifier sa vie sociale pendant deux ans, faute de moyens financiers.
« Pour moi, le cauchemar continue », soupire-t-elle, encore marquée par le traumatisme. Cet appartement, qu'elle avait initialement prévu d'habiter pour sa retraite, est devenu un lieu qu'elle ne souhaite plus jamais revoir. Aujourd'hui, elle aspire à une vie plus simple, « perdue dans les montagnes, loin du monde extérieur ».
« Je n'ai pas eu de vie sociale pendant deux ans parce que je n'avais plus d'argent. Vis-à-vis des gens, on est des perdants, ils ne comprennent pas comment on se laisse faire… Je suis très forte, mais je me suis demandée si je ne devais pas tout abandonner. »
Son histoire met en lumière les difficultés extrêmes rencontrées par certains propriétaires face au squat, un phénomène qui combine lenteurs administratives, vides juridiques et conséquences humaines souvent dramatiques.