La gestion des navires de croisière sur la Côte d'Azur est au cœur d'un conflit grandissant. D'un côté, la Métropole Nice-Côte d'Azur et la ville de Cannes souhaitent imposer des règles environnementales plus strictes. De l'autre, l'État intervient avec un cadre réglementaire jugé insuffisant par les élus locaux, provoquant la colère des maires et l'inquiétude des professionnels du secteur maritime.
L'essentiel de l'information
- La Métropole Nice-Côte d'Azur a voté une augmentation de la taxe par passager pour les navires de croisière, effective en 2026.
- L'État a imposé ses propres règles, moins contraignantes, qui prévalent sur les décisions locales.
- Les maires de Nice et de Cannes critiquent vivement une décision qu'ils jugent irrespectueuse du travail local.
- Les professionnels du secteur maritime dénoncent un manque de dialogue et envisagent des recours juridiques.
Nice durcit le ton avec une nouvelle taxe
Le conseil de la Métropole Nice-Côte d'Azur a récemment approuvé une mesure destinée à réguler l'impact environnemental du tourisme de croisière. À partir de janvier 2026, une nouvelle grille tarifaire pour la redevance par passager entrera en vigueur, basée sur le principe du "pollueur-payeur".
Concrètement, la taxe sera modulée en fonction de la taille, de l'âge et du niveau de pollution de chaque navire. Les paquebots les plus anciens et les moins respectueux de l'environnement paieront une contribution plus élevée, tandis que les navires plus petits et plus modernes bénéficieront de tarifs plus avantageux.
Objectif : financer la transition écologique
Selon Christian Estrosi, maire de Nice et président de la Métropole, les revenus générés par cette taxe seront réinvestis dans des projets structurants. Ils serviront notamment à financer la consolidation des infrastructures portuaires, comme la digue du port de Nice, et à accélérer la transition écologique, en particulier via l'électrification des quais pour permettre aux navires de se brancher et de couper leurs moteurs lors des escales.
L'objectif affiché par la métropole est double : dissuader les navires les plus polluants de faire escale et favoriser un tourisme plus durable. La collectivité souhaite attirer des bateaux plus vertueux, capables de séjourner plus longtemps et de mieux soutenir l'économie locale.
L'intervention de l'État change la donne
Malgré les ambitions locales, l'État a décidé d'imposer son propre cadre réglementaire pour l'ensemble des ports des Alpes-Maritimes. Le préfet, Laurent Hottiaux, a confirmé que les restrictions souhaitées par Nice et Cannes ne seraient pas appliquées telles quelles. C'est un arrêté interpréfectoral, signé le 9 décembre, qui fixe désormais les règles du jeu.
Les nouvelles règles de l'État
- Limite de passagers : Une moyenne annuelle de 2000 passagers débarqués par jour d'escale est instaurée.
- Plafond exceptionnel : Ce chiffre peut monter à 3000 passagers par jour de manière exceptionnelle, à condition de respecter la moyenne annuelle.
- Nombre de navires : Un seul navire de plus de 1300 personnes est autorisé par jour et par zone de mouillage.
Ces mesures, bien que visant à limiter la surfréquentation, sont jugées "totalement insuffisantes" par Christian Estrosi. Le maire de Nice estime que ce cadre ne répond pas aux enjeux écologiques et économiques de son territoire.
La colère des élus locaux
La décision de l'État a provoqué une vive réaction de la part des élus locaux, qui se sentent dépossédés de leurs prérogatives. David Lisnard, le maire de Cannes, a qualifié la méthode de "scandaleuse et irrespectueuse".
"C'est méprisant pour le travail local. Les Cannois savent mieux ce qu’il faut pour Cannes que le préfet", a-t-il déclaré, soulignant le sentiment d'une décision imposée depuis Paris sans concertation suffisante.
Ce sentiment est partagé à Nice, où l'on regrette que les efforts pour construire une politique touristique plus durable soient freinés par une réglementation nationale jugée trop légère. Les deux maires dénoncent une centralisation excessive qui ignore les spécificités et les volontés locales.
Les professionnels du port expriment leur inquiétude
Le secteur maritime est également monté au créneau, mais pour des raisons différentes. L'Union Maritime 06 (UM 06), qui représente les acteurs économiques du port, a exprimé sa "préoccupation" face à ce qu'elle perçoit comme des "décisions unilatérales".
Les professionnels critiquent une "absence persistante de dialogue" avec la métropole. En signe de protestation, ils ont refusé de participer au conseil portuaire du 2 décembre. Ils s'inquiètent de l'impact économique de la nouvelle taxe et de la politique d'accueil des navires, qui, selon eux, fragilise leur activité.
Face à cette situation, l'UM 06 a prévenu qu'elle "se réserve le droit d’engager d’éventuels recours" contre des mesures qu'elle estime préjudiciables. La rupture semble consommée entre les acteurs économiques et les pouvoirs publics locaux, ajoutant une couche de complexité à un dossier déjà tendu.
Entre les ambitions écologiques des municipalités, l'intervention régulatrice de l'État et les craintes économiques des professionnels, l'avenir du tourisme de croisière sur la Côte d'Azur s'annonce comme un sujet de vifs débats pour les mois à venir.





