Un projet de métro reliant Nice à Vintimille, via Monaco, suscite de vifs débats sur la Côte d'Azur et au-delà des frontières. Soutenue avec ferveur par les milieux économiques monégasques, l'idée se heurte aux réserves des autorités politiques en France, en Principauté et en Italie, qui privilégient pour l'heure la modernisation du réseau ferroviaire existant.
Les points clés
- Les chefs d'entreprise de Monaco jugent le projet de métro "urgent" pour la mobilité transfrontalière.
- Les gouvernements français, monégasque et italien donnent la priorité à l'amélioration des lignes de TER actuelles.
- Le coût élevé, les délais de réalisation et l'absence de coordination internationale sont les principaux freins.
- Des alternatives, comme la création d'une zone économique spéciale, sont également envisagées.
Un projet soutenu par le monde économique
L'idée d'une liaison souterraine rapide entre la capitale azuréenne et la ville frontalière italienne n'est pas nouvelle, mais elle a récemment été remise à l'ordre du jour par les patrons monégasques. Pour eux, un tel projet changerait radicalement la donne pour les dizaines de milliers de travailleurs frontaliers qui se rendent chaque jour en Principauté.
Ils estiment qu'un métro serait la seule solution durable pour désengorger un axe routier et ferroviaire saturé, réduire la pollution et améliorer significativement la qualité de vie des navetteurs. Cette vision d'un transport de masse moderne est présentée comme un investissement essentiel pour l'avenir économique de la région.
Un contexte de mobilité complexe
Chaque jour, plus de 40 000 salariés français et italiens se rendent à Monaco pour travailler. Le réseau de transport actuel, composé de l'autoroute A8 et d'une seule ligne de chemin de fer, est régulièrement congestionné, entraînant des retards importants et une forte pollution atmosphérique.
Des fractures politiques à tous les niveaux
Malgré l'enthousiasme du secteur privé, le projet peine à convaincre les décideurs politiques. À Monaco même, une divergence de vues est apparue. Le gouvernement princier préfère se concentrer sur des solutions à court et moyen termes, comme le renforcement des lignes de bus et l'optimisation du rail.
En revanche, certains conseillers nationaux monégasques insistent sur la nécessité d'explorer cette option de "transport de masse" et réclament au minimum le lancement d'une étude de faisabilité pour évaluer concrètement la viabilité et les coûts d'un tel chantier.
Désaccords en Région Sud
En France, le sujet divise également au sein du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Renaud Muselier, le président de la Région, s'oppose au projet, réaffirmant sa confiance dans le potentiel du réseau TER, bien que celui-ci soit souvent critiqué par les usagers.
À l'inverse, Alexandra Masson, députée du Rassemblement national, a exprimé son soutien à l'idée d'un métro. Elle demande la réalisation d'un audit complet pour obtenir une vision claire des enjeux et des possibilités avant de prendre une décision définitive.
Un chantier aux coûts et délais incertains
Les opposants au projet soulignent plusieurs obstacles majeurs. Le premier est d'ordre financier, la France faisant face à des contraintes budgétaires importantes. Le deuxième est technique et administratif, car un tel chantier nécessiterait une structure de maîtrise d'ouvrage internationale complexe à mettre en place entre les trois pays concernés. Enfin, les délais de réalisation se compteraient en plusieurs décennies.
La priorité donnée à l'amélioration du rail existant
Face à ce projet jugé pharaonique par beaucoup, la tendance actuelle est à la pragmatique. Les autorités françaises, monégasques et italiennes semblent s'accorder sur une stratégie commune : investir massivement dans la modernisation des infrastructures ferroviaires déjà en place.
Le ministre français des Transports, Philippe Tabarot, ne considère pas le métro comme une priorité. L'accent est mis sur le développement du futur Service express régional métropolitain (SERM) et sur la modernisation des systèmes de gestion du trafic pour fluidifier la circulation des trains.
Le Conseil interrégional transfrontalier des maires craint une "attente extrêmement longue, avec une détérioration progressive" du réseau actuel si les efforts se concentraient uniquement sur le métro.
De nouvelles rames TER sont également attendues pour 2027-2028 afin d'augmenter la capacité et le confort sur la ligne. Côté italien, la position est similaire. Les élus et les syndicats transfrontaliers jugent plus judicieux d'investir pour rendre la ligne Nice-Vintimille plus performante et technologiquement avancée, plutôt que d'attendre un métro hypothétique.
Une alternative économique sur la table
Au milieu de ce débat sur les infrastructures, une autre proposition, d'ordre économique, a été avancée par Éric Ciotti. Le chef de l'Union des droites pour la République propose une approche différente pour résoudre le problème des déplacements pendulaires.
Son idée consiste à créer une "zone franche" dans la Plaine du Var, qui serait régie par le droit du travail, fiscal et social monégasque. L'objectif serait d'inciter des entreprises de la Principauté à s'installer sur le territoire français, rapprochant ainsi les emplois des lieux de résidence des travailleurs.
Selon lui, cette solution serait bien moins coûteuse et plus rapide à mettre en œuvre que la construction d'un métro. Une manière de déplacer les emplois plutôt que les personnes, qui ajoute une nouvelle dimension à un débat sur la mobilité loin d'être clos.





