Face à des routes saturées et un réseau ferroviaire jugé insuffisant, les fédérations patronales de Monaco et de la Côte d'Azur remettent sur la table le projet d'une ligne de métro souterraine reliant Nice à Vintimille en passant par la Principauté. Cette initiative, destinée à faciliter les trajets quotidiens de milliers de salariés, se heurte cependant à la prudence des gouvernements français et monégasque, préoccupés par le coût estimé à 4 milliards d'euros et la complexité administrative d'un tel chantier.
Points Clés
- Le patronat de Monaco et des Alpes-Maritimes propose la création d'un métro souterrain entre Nice et Vintimille.
- L'objectif principal est de résoudre les problèmes de transport pour les dizaines de milliers de salariés qui se rendent chaque jour à Monaco.
- Le projet est estimé à environ 4 milliards d'euros, un chiffre qui suscite des réserves de la part des autorités publiques.
- Les gouvernements français et monégasque privilégient pour l'instant une approche basée sur l'amélioration des infrastructures existantes, notamment le réseau ferroviaire.
Une solution radicale face à des transports saturés
La Fédération des entreprises monégasques (Fedem) a récemment relancé le débat sur la mobilité transfrontalière. Son président, Philippe Ortelli, dresse un constat sévère de la situation actuelle, évoquant des "routes saturées pour venir en Principauté" et un "transport ferroviaire chaotique".
Selon lui, les difficultés de transport et le manque de logements abordables dans les communes voisines ont des conséquences directes sur le quotidien des employés et sur l'économie. "Nos salariés galèrent au quotidien pour venir à Monaco", a-t-il déclaré, qualifiant la situation d'"absurdité économique, écologique, humaine".
Le vivier de main-d'œuvre de la Principauté
Les chiffres illustrent l'ampleur du défi. Chaque jour, des dizaines de milliers de personnes traversent la frontière pour travailler à Monaco. Le principal bassin de main-d'œuvre se situe dans la région de Nice, où résident 17 000 salariés monégasques, ainsi que du côté italien.
Pour Henri Leizé, vice-président de la Fedem, les infrastructures actuelles sont dépassées. "Nos infrastructures actuelles ne correspondent plus aux besoins, ni à ceux du futur", explique-t-il. Il souligne que les solutions alternatives comme le transport maritime ou le télétravail ne peuvent résoudre entièrement le problème.
Un problème d'attractivité pour tout le territoire
Au-delà de Monaco, c'est l'ensemble de la Côte d'Azur qui est concerné. Les difficultés de déplacement et de logement constituent un frein majeur au recrutement, affectant la compétitivité des entreprises locales.
Le soutien du patronat azuréen
L'Union pour l'entreprise des Alpes-Maritimes (UPE06) partage entièrement cette analyse. Son nouveau président, Franck Cannata, estime que ce projet de métro est indispensable pour l'attractivité du territoire. "Ce métro, il le faut", affirme-t-il sans détour.
Il met en avant une statistique alarmante : 77 % des entreprises locales ont déjà été confrontées au refus d'un candidat pour un poste en raison des difficultés liées au logement ou à la mobilité. Pour lui, "les actifs sont les grands oubliés" des politiques d'aménagement actuelles.
"Quand on habite Antibes et qu'on travaille à Carros, bon courage pour le trajet ! Et pourtant, il n’y a que 20 km…"
Franck Cannata voit même ce projet comme une première étape. Il envisage à terme une extension du réseau vers l'ouest pour mieux desservir le bassin d'emploi des Alpes-Maritimes, et suggère également que la ligne pourrait servir au transport de marchandises.
La prudence des gouvernements
Si le projet séduit le monde économique, les pouvoirs publics affichent une position beaucoup plus réservée. Christophe Mirmand, le ministre d'État monégasque, reconnaît la gravité du problème de mobilité mais n'a pas encore fait de ce projet une priorité, privilégiant l'amélioration du réseau ferroviaire existant.
Le gouvernement monégasque est conscient qu'il ne peut porter seul un projet dont l'essentiel des infrastructures se situerait en territoire français.
Des obstacles financiers et administratifs
Du côté français, le ministre des Transports, Philippe Tabarot, s'est montré encore plus direct. Il a exprimé ses doutes quant à la faisabilité du projet "dans le cadre financier actuel". Il a également pointé du doigt la complexité des procédures administratives en France pour des chantiers de cette envergure.
Le ministre a clairement indiqué qu'il croyait davantage à "un ensemble de solutions qu'à un grand projet qui réglerait tous les problèmes". Il cite notamment le développement du ferroviaire et la création de parkings relais aux abords de la Principauté comme des pistes plus réalistes à court et moyen terme.
Un coût estimé à 4 milliards d'euros
Selon Philippe Ortelli, des études préliminaires menées par deux grands groupes français ont estimé le coût de construction à environ 1 milliard d'euros pour 10 kilomètres de tunnel équipé. Le budget total du projet est ainsi évalué à environ 4 milliards d'euros.
Quel avenir pour le projet ?
Malgré le coût colossal et les réticences politiques, les promoteurs du projet restent optimistes. Philippe Ortelli estime que le financement n'est pas un obstacle insurmontable. "Ce qui est important, c’est de lancer des études sérieuses pour que l’on puisse ensuite lever des fonds, lever de la dette, lever des subventions européennes car nous sommes sur trois pays", argumente-t-il.
Pour les chefs d'entreprise, l'inaction n'est plus une option. Ils appellent les pouvoirs publics à engager des études de faisabilité approfondies pour évaluer précisément les coûts, les bénéfices et le tracé potentiel de cette ligne de métro. Le débat est désormais ouvert pour savoir si ce "serpent de mer" deviendra enfin une réalité pour les transports de la Côte d'Azur.