La police municipale de Saint-Laurent-du-Var, une commune limitrophe de Nice, est au cœur d'une vive polémique. Des accusations internes de racisme et de brutalité ont déclenché une crise, entraînant la révocation d'un agent et une forte réaction du maire, Joseph Segura, qui dénonce une manœuvre politique.
Cette affaire complexe, qui mêle accusations graves, enquêtes administratives et tensions politiques, met en lumière les difficultés internes d'un service public essentiel et soulève des questions sur le climat de travail au sein des forces de l'ordre locales.
Points Clés de l'Affaire
- Un policier municipal a été révoqué après avoir dénoncé des faits présumés de racisme et de violences de la part de ses collègues.
- La municipalité a mené deux enquêtes administratives qui n'ont pas établi les faits de racisme mais ont caractérisé un "harcèlement d'ambiance" de la part de l'agent lanceur d'alerte.
- Le maire, Joseph Segura, défend fermement ses équipes et dénonce une "instrumentalisation politique" menée par son opposant, Patrick Villardry.
- L'agent révoqué a déposé un recours devant le tribunal administratif pour contester sa sanction.
- L'affaire a créé un climat de travail très tendu au sein du service, nécessitant un soutien psychologique pour plusieurs agents.
Au cœur de la tourmente : des accusations explosives
Tout a commencé par des signalements internes. Un agent de la police municipale de Saint-Laurent-du-Var, qui compte une quarantaine de membres, a alerté sa hiérarchie sur des comportements qu'il jugeait inacceptables. Il a notamment fait état de propos racistes et discriminatoires tenus par certains de ses collègues.
L'accusation la plus grave concerne une intervention survenue en janvier 2025. L'agent a dénoncé ce qu'il a qualifié de "passage à tabac" d'un individu menotté à l'arrière d'un véhicule de police. Cet événement a été le point de cristallisation des tensions qui couvaient au sein du service.
Le contexte de l'interpellation
Selon la version de la mairie, l'individu présenté comme une "victime" est une personne "connue très défavorablement des services de police". Il aurait agressé deux femmes dans le parc d'activité de la ville avant l'arrivée des forces de l'ordre. Lors de son interpellation, il aurait outragé et tenté de frapper les agents avant de commettre des dégradations au commissariat.
Ces allégations ont rapidement circulé, créant un climat de suspicion et de malaise au sein de la police municipale et alertant les responsables de la ville.
La réponse de la municipalité : enquêtes et sanctions
Face à la gravité des accusations, la municipalité a réagi en diligentant deux enquêtes administratives distinctes, confiées à un cabinet externe spécialisé pour garantir leur indépendance. La première portait sur les allégations de racisme et de brutalité, tandis que la seconde se penchait sur des alertes de harcèlement visant l'agent lanceur d'alerte lui-même.
Les conclusions de ces enquêtes ont pris une direction inattendue. Selon le maire Joseph Segura, "les accusations de racisme n'ont pas pu être matériellement établies". En revanche, l'enquête a mis en évidence une situation différente.
"Un harcèlement d'ambiance a été caractérisé, dans un climat de tension suscité par plusieurs dénonciations avec une intention de nuire à certains collègues", a déclaré Joseph Segura lors d'une conférence de presse.
À la suite de ces rapports, un conseil de discipline a été convoqué. La décision a été radicale : l'agent lanceur d'alerte, fort de vingt ans de service, a été révoqué. La raison principale invoquée est le "harcèlement d'ambiance".
Les sanctions prononcées
- Révocation : L'agent ayant dénoncé les faits de racisme et de violence.
- Mise à pied de deux mois : Un second policier pour sa participation au "harcèlement d'ambiance".
- Avertissement : L'agent initialement mis en cause pour les violences lors de l'interpellation.
L'avocat de la ville, Maître Louis Gadd, a confirmé que le policier révoqué a "déposé un recours au tribunal administratif de Nice pour contester sa révocation". La justice devra donc trancher sur la légalité de cette décision.
Un conflit sur fond de rivalité politique
Le maire Joseph Segura ne cache pas sa conviction : cette affaire est utilisée à des fins politiques. Il pointe directement du doigt son ancien adjoint et actuel opposant, Patrick Villardry, qui se positionne pour les élections municipales de 2026.
"Assez, trop d’approximations, d’insinuations jetées au visage d’un service public. Je refuse que le mensonge s’installe", a martelé le maire, qui assure lui-même la tutelle de la police municipale en l'absence d'adjoint à la sécurité.
Il suggère un lien direct entre l'opposant et l'agent révoqué. "Nous le verrons peut-être prochainement dans les compositions de listes, mais nous observons déjà que ces deux personnes sont très proches sur les réseaux", a-t-il insinué.
De son côté, Patrick Villardry rejette fermement ces accusations. Il affirme agir dans son rôle d'élu de l'opposition. Contacté, il se défend :
"Le maire est acculé, donc il me traite de menteur. Je n’ai rien contre la police municipale, j’en ai moi-même été le chef par le passé. J'ai simplement posé une question au conseil municipal suite à la révocation de ce policier. C’est un agent que je connais bien, qui a été exemplaire et qui a énoncé une vérité."
L'opposant conteste également la composition du conseil de discipline, affirmant que "le maire a choisi les élus présents" au lieu d'un tirage au sort réglementaire. Ce point pourrait devenir un élément clé dans la procédure administrative à venir.
Un service public sous haute tension
Au-delà des joutes politiques et des procédures judiciaires, cette affaire a laissé des traces profondes au sein de la police municipale de Saint-Laurent-du-Var. Le directeur du service, Olivier, décrit une atmosphère devenue invivable ces dernières semaines.
"L’ambiance était vraiment très compliquée, à tel point que de nombreux policiers ont demandé à voir un psychologue car cela devenait trop oppressant pour eux. Avec des conséquences sur leurs familles", a-t-il confié.
Selon lui, depuis que les sanctions ont été prononcées, "l'ambiance est à nouveau bonne". Cependant, la situation reste fragile, l'affaire étant désormais entre les mains de la justice.
Le maire Joseph Segura, qui dit avoir lui-même reçu des menaces téléphoniques en lien avec ce dossier, a conclu en apportant un soutien sans faille à ses agents. "Ce sont des hommes et des femmes, en première ligne, qui interviennent souvent dans des conditions difficiles, qui méritent respect et soutien. Qu’on arrête d’en faire des punching-balls médiatiques", a-t-il déclaré, espérant clore un chapitre particulièrement difficile pour sa commune.





