Michel Comboul, fils du cofondateur de Nice-Matin, a incarné une période charnière pour le quotidien azuréen. De journaliste à président-directeur général, son parcours est indissociable de la transition du journal d'une entreprise familiale à une filiale de grands groupes de presse nationaux, une transformation marquée par des conflits d'actionnaires et des décisions stratégiques controversées.
Son mandat, qui a débuté en 1998, a scellé la fin d'une époque d'indépendance pour Nice-Matin, ouvrant la voie à une nouvelle ère de gestion capitalistique dont les répercussions se sont fait sentir pendant des années.
Les débuts d'un héritier dans le journalisme
Né le 26 juillet 1946, Michel Comboul a grandi dans l'ombre du journalisme. Son père, Raymond Comboul, était une figure de la Résistance et l'un des cofondateurs du quotidien Nice-Matin. Dès son plus jeune âge, il est initié aux rouages de l'entreprise, de l'effervescence de l'imprimerie à l'atmosphère studieuse de la rédaction.
Après avoir obtenu une maîtrise d'histoire, il rejoint naturellement le journal en 1970. Sa carrière progresse rapidement : il est nommé chef d'agence à Cannes en 1978, puis prend la direction de l'agence de Nice au début des années 1980. Il occupera par la suite plusieurs postes clés, notamment à la tête des informations générales et de l'édition corse, avant de devenir rédacteur en chef adjoint.
Un actionnaire influent
Au-delà de son rôle de journaliste, Michel Comboul était un acteur majeur du capital de l'entreprise. Suite au décès de son père en 1978, la famille Comboul détenait plus de 20 % des parts du journal, ce qui lui conférait un poids considérable dans les décisions stratégiques et les luttes de pouvoir internes.
La guerre des actionnaires et l'arrivée d'Hachette
Les années 1990 marquent un tournant décisif pour Nice-Matin, avec une lutte de pouvoir intense entre les actionnaires historiques. Le conflit éclate véritablement en 1994, lorsque Michel Bavastro, alors figure forte du journal, mène des opérations financières qui modifient l'équilibre du capital.
Une bataille financière acharnée
En avril 1994, Michel Bavastro acquiert des actions auprès de porteurs minoritaires à des prix variant entre 8 000 et 25 000 francs l'unité. Quelques mois plus tard, en novembre, il en revend une partie au Groupe Havas pour 45 000 francs par action. Cette manœuvre, perçue comme une tentative de prise de contrôle en catimini, provoque la colère des autres actionnaires.
Michel Comboul décide de riposter. Pour contrer l'influence grandissante du clan Bavastro, il se tourne vers un acteur majeur de la presse nationale : Jean-Luc Lagardère, dirigeant du groupe Hachette. Ce dernier lui fait une offre bien plus attractive, proposant 60 000 francs par action.
« Cette opération réalisée en catimini modifiait les équilibres et lésait les autres actionnaires. Pour faire contrepoids, je suis allé voir Jean-Luc Lagardère », expliquait Michel Comboul pour justifier sa démarche.
Cependant, la vente à Hachette est bloquée par le conseil d'administration, présidé par Michel Bavastro lui-même, qui alerte les salariés sur le risque de voir le journal perdre son indépendance au profit d'un groupe parisien.
La prise de contrôle par Hachette
Le conflit s'apaise temporairement en octobre 1996 avec la démission de Michel Bavastro, remplacé par son fils Gérard. Michel Comboul est alors nommé vice-président. Mais le destin bascule lorsque la maladie de Gérard Bavastro pousse son père à céder finalement ses parts à Hachette, l'acteur qu'il avait si longtemps combattu.
Le 5 février 1998, le groupe Hachette prend officiellement le contrôle de Nice-Matin. Cette prise de pouvoir est rendue possible grâce au soutien décisif de Michel Comboul, qui échange ses propres actions contre des titres du groupe Lagardère. Cinq jours après le décès de Gérard Bavastro en mars 1998, Michel Comboul est élu président-directeur général, avec le soutien des représentants du personnel qui voyaient en lui un rempart contre un dirigeant parisien déconnecté des réalités locales.
Le soutien des salariés
À l'époque, Nice-Matin était une Société anonyme à participation ouvrière (Sapo). Les salariés, via la Coopérative de main-d'œuvre, détenaient des actions et disposaient de trois représentants au conseil d'administration. Leur soutien a été crucial dans la nomination de Michel Comboul, considéré comme « le moins mauvais successeur possible ».
Un mandat marqué par des choix stratégiques contestés
Une fois à la tête de l'entreprise, Michel Comboul a supervisé plusieurs opérations financières qui ont suscité des inquiétudes en interne. Bien qu'il ait affirmé avoir bénéficié d'une grande liberté de gestion de la part de l'actionnaire, ses décisions ont laissé des traces durables.
Le rachat de Var-Matin
L'une des opérations les plus critiquées fut le rachat de Var-matin par Nice-Matin. Le montage a soulevé des questions : Nice-Matin, désormais propriété du groupe Hachette, rachetait Var-matin au même groupe Hachette pour la somme de 164 millions de francs. Cette transaction a eu pour effet d'assécher les réserves financières de Nice-Matin.
Michel Comboul a toujours défendu cette opération, affirmant que l'investissement avait été rentabilisé par la revalorisation ultérieure de la société. Cependant, pour de nombreux observateurs et salariés, l'opération a été perçue comme une manière pour l'actionnaire de récupérer des liquidités au détriment de sa nouvelle filiale.
La création de Corse-Presse
En 1999, une autre décision a semé le trouble : la création de Corse-Presse, une entité détenue à parts égales par Nice-Matin et La Provence (autre journal du groupe). Or, la valeur de Corse-Matin, l'édition de Nice-Matin sur l'île, était estimée à quatre fois celle de son homologue marseillais, La Corse. Cette fusion a été perçue comme un désavantage stratégique pour le journal niçois.
La fin d'une ère et un héritage ambivalent
Le véritable changement de cap intervient après le décès de Jean-Luc Lagardère en mars 2003. Son fils, Arnaud, adopte une stratégie axée sur une rentabilité financière élevée, exigeant des marges à deux chiffres, un objectif jugé irréaliste dans le secteur de la presse quotidienne régionale.
Face à cette nouvelle pression, des rumeurs de cession commencent à circuler. Michel Comboul œuvre personnellement pour une vente au Groupe Hersant Média (GHM), un groupe de presse à tradition familiale qui lui semblait plus proche de la culture de Nice-Matin. La vente se concrétise, mais l'histoire se terminera mal pour GHM quelques années plus tard.
Michel Comboul, lui, ne verra pas la fin de cette aventure. Après plusieurs semaines de tensions avec le nouvel actionnaire, il est révoqué le 31 janvier 2008. Son départ marque la fin d'un chapitre de près de soixante ans d'histoire familiale liée au journal.
Aujourd'hui, son héritage reste complexe. A-t-il été le dernier défenseur de l'identité de Nice-Matin face aux appétits des grands groupes, ou celui qui leur a ouvert la porte pour servir ses propres intérêts ? Figure de transition entre deux mondes, il demeure un personnage central de l'histoire de la presse sur la Côte d'Azur.