Le tribunal administratif de Nice a reconnu la responsabilité du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Nice dans une affaire de violation du secret médical. L'établissement a été condamné à indemniser une de ses agentes dont le dossier médical personnel a été consulté sans autorisation par des collègues, qui ont ainsi appris sa fausse couche.
Les points clés
- Le CHU de Nice a été jugé responsable d'une faute engageant sa responsabilité.
- Deux employés ont accédé sans motif professionnel au dossier médical d'une collègue.
- La victime a obtenu une indemnisation de 3 000 euros pour préjudice moral.
- Cette décision rappelle l'obligation stricte des établissements de santé de protéger les données de leurs patients, y compris de leurs propres employés.
Une épreuve personnelle rendue publique
L'affaire trouve son origine en 2018, lorsqu'une agente administrative employée au CHU de Nice entreprend un parcours de Procréation Médicalement Assistée (PMA) au sein même de l'établissement. Elle suit un protocole de fécondation in vitro (FIV) avec un tiers donneur dans le service de gynécologie de l'hôpital.
Le 16 mai 2019, elle vit un drame personnel en faisant une fausse couche et en perdant les jumeaux qu'elle attendait. Souhaitant garder cette épreuve douloureuse privée, elle choisit de ne pas en parler sur son lieu de travail.
La découverte de la violation de confidentialité
Quelques mois plus tard, en janvier 2020, son souhait de discrétion est brisé. L'agente apprend que deux de ses collègues sont au courant de sa fausse couche. Ces personnes n'appartiennent pas au service de gynécologie et n'avaient aucune raison professionnelle de connaître cette information.
Face à cette situation, la direction du CHU a diligenté une enquête administrative interne. L'objectif était d'identifier les personnes ayant pu consulter son dossier médical de manière illégitime.
Le cadre légal du secret médical
Le Code de la santé publique est très clair : toute personne prise en charge par un professionnel ou un établissement de santé a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant. Obtenir ces informations de manière frauduleuse est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Les conclusions de l'enquête interne
Les investigations menées par l'hôpital ont confirmé les craintes de l'employée. Le rapport d'enquête a établi que deux membres du personnel administratif, extérieurs au service concerné, avaient bien consulté son dossier médical sans aucun motif professionnel valable.
Suite à ces conclusions, l'enquête a simplement préconisé qu'un « rappel à l'ordre » soit adressé aux deux agents fautifs. Une sanction jugée insuffisante par la victime.
Le parcours judiciaire pour obtenir réparation
Forte des résultats de l'enquête, l'agente a déposé une demande d'indemnisation auprès du CHU de Nice. Cependant, en 2022, l'hôpital a rejeté sa demande, estimant ne pas avoir commis de « violation du secret médical ».
Déterminée à faire reconnaître son préjudice, elle a alors saisi le tribunal administratif de Nice, réclamant la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral. Son avocate, Maître Audrey Guillotin, a plaidé que « la responsabilité du CHU [...] est engagée pour faute dès lors qu’il n’a pas garanti son droit à la protection des données personnelles ».
Chronologie de l'affaire
- 2018 : Début du parcours de PMA de l'agente au CHU.
- Mai 2019 : Fausse couche et perte de ses jumeaux.
- Janvier 2020 : Découverte de la fuite d'information.
- 2022 : Rejet de la demande d'indemnisation par le CHU.
- Septembre 2024 : Le tribunal administratif condamne le CHU.
La décision du tribunal administratif
Dans un jugement rendu public récemment, le tribunal administratif de Nice a donné raison à la plaignante. Les juges ont estimé que la consultation non autorisée du dossier médical constituait une faute.
« La faute ainsi commise [...] n’est pas dépourvue de tout lien avec le service et est de nature à engager la responsabilité de l’établissement », a statué le tribunal.
La juridiction a souligné que le préjudice subi était une conséquence directe de la divulgation d'une information que l'agente souhaitait garder confidentielle. Le fait qu'elle n'ait pas partagé cette épreuve avec ses collègues a été un élément déterminant.
En conséquence, le CHU de Nice a été condamné à verser 3 000 euros à son employée pour le préjudice moral subi. L'établissement devra également lui rembourser ses frais de justice à hauteur de 1 500 euros. Cette décision réaffirme l'obligation fondamentale pour les hôpitaux de garantir la sécurité et la confidentialité des données de tous les patients, sans exception.





