Le tribunal administratif de Nice a rendu une décision majeure le 21 octobre 2025, annulant quatre contrats d'exploitation pour des établissements sur la célèbre plage des Sablettes à Menton. Cette intervention judiciaire fait suite à des irrégularités constatées dans la procédure d'attribution menée par la commune.
Les contrats, signés le 23 mai 2024 pour une durée de douze ans, sont désormais résiliés, plongeant l'avenir de plusieurs lots balnéaires dans l'incertitude. La décision met en lumière des failles importantes dans le processus de sélection des exploitants, soulevées par le préfet des Alpes-Maritimes.
L'essentiel de la décision
- Le tribunal administratif de Nice a annulé quatre des cinq sous-traités d'exploitation de la plage des Sablettes.
- La décision, datée du 21 octobre 2025, fait suite à un recours du préfet des Alpes-Maritimes.
- Plusieurs irrégularités dans la procédure de sélection des candidats ont été jugées suffisamment graves pour justifier la résiliation.
- Un cinquième contrat, concernant le lot 4, a été validé par le tribunal.
Des irrégularités au cœur de la procédure
La décision du tribunal administratif repose sur une analyse minutieuse de la procédure de mise en concurrence lancée par la commune de Menton. Saisi par le préfet dans le cadre de son contrôle de légalité, le juge a identifié plusieurs manquements graves qui ont vicié l'attribution de quatre lots spécifiques.
Les contrats concernés sont ceux des lots 3, 5/6, 7 et 8. Pour ces derniers, le tribunal a estimé que les règles fondamentales de la commande publique n'avaient pas été respectées. Les offres des candidats n'auraient pas été évaluées de manière équitable et transparente.
Les motifs précis de l'annulation
Le jugement détaille une série de problèmes dans le processus d'évaluation des candidatures. Ces failles, jugées impossibles à régulariser a posteriori, ont directement conduit à la résiliation des contrats.
Parmi les principaux griefs retenus par la justice, on trouve :
- L'absence de hiérarchisation des critères d'attribution : La commune n'aurait pas clairement défini l'importance relative de chaque critère, empêchant une évaluation objective.
- La confusion entre critères et sous-critères : Cette ambiguïté a pu rendre l'analyse des offres confuse et peu rigoureuse.
- Un défaut d'évaluation effective : Le tribunal a constaté que les offres n'avaient pas été réellement notées sur la base des critères annoncés.
- L'absence de classement final : Aucune classification claire des offres en fonction de leurs résultats n'a été produite, ce qui est une étape essentielle de toute procédure de sélection.
Un cas particulier
Pour l'un des lots, le tribunal a également relevé qu'une offre incomplète avait été admise de manière irrégulière dans la compétition, faussant ainsi la concurrence dès le départ.
Le rôle du contrôle de légalité
Cette affaire illustre parfaitement le mécanisme du contrôle de légalité exercé par les services de l'État. Le préfet des Alpes-Maritimes, en tant que représentant de l'État dans le département, a la responsabilité de veiller à ce que les actes des collectivités locales, comme les contrats publics, respectent la loi.
C'est en vertu de cette mission que le préfet a déposé plusieurs déférés préfectoraux devant le tribunal administratif. Il estimait que la procédure de sélection des exploitants pour la plage des Sablettes ne garantissait pas l'égalité de traitement des candidats et la transparence requises.
Qu'est-ce qu'un déféré préfectoral ?
Le déféré préfectoral est l'outil juridique qui permet au préfet de demander au juge administratif d'annuler une décision d'une collectivité locale (commune, département, région) qu'il juge illégale. C'est un pilier du contrôle de l'État sur les actions des administrations locales.
L'intervention du préfet a donc été déterminante. En suspendant d'abord l'exécution des contrats en référé, puis en obtenant leur annulation sur le fond, son action a permis de sanctionner des manquements jugés substantiels par la justice administrative.
Un contrat épargné par la décision
Toutefois, la décision du tribunal n'est pas une annulation en bloc. Un cinquième sous-traité, celui concernant le lot 4, a été maintenu. Le recours du préfet visant ce contrat spécifique a été rejeté.
Le tribunal a considéré que, pour ce lot, l'analyse de la candidature de la société attributaire avait été menée correctement. Contrairement à ce que soutenait le préfet, les juges ont estimé que les capacités financières, techniques et professionnelles de l'entreprise avaient été suffisamment vérifiées et jugées adéquates par la commune.
Cette distinction montre que le tribunal a procédé à un examen au cas par cas pour chaque contrat, plutôt qu'à une annulation systématique. La validité de la procédure pour le lot 4 a été reconnue, contrastant avec les défaillances constatées pour les autres.
Quelles conséquences pour la plage des Sablettes ?
La résiliation de ces contrats, qui devaient courir sur une longue période de douze ans, ouvre une phase d'incertitude pour l'exploitation de la plage des Sablettes, un lieu emblématique et très fréquenté de Menton.
La commune va devoir rapidement prendre des mesures. La solution la plus probable est le lancement d'une nouvelle procédure de mise en concurrence pour les lots 3, 5/6, 7 et 8. Cette fois, la municipalité devra s'assurer de respecter scrupuleusement les règles de la commande publique pour éviter un nouveau revers judiciaire.
Cette situation pourrait entraîner des retards dans l'exploitation des établissements concernés, avec un impact potentiel sur l'offre touristique de la ville pour les saisons à venir. Les exploitants dont les contrats ont été annulés se retrouvent également dans une situation complexe, après avoir potentiellement engagé des investissements.
Ce dossier rappelle l'importance de la rigueur dans la gestion des contrats publics, en particulier lorsqu'il s'agit de l'exploitation d'un domaine public aussi stratégique que le littoral. La vigilance des services de l'État et l'indépendance de la justice administrative sont des garanties essentielles pour assurer le respect du droit et l'équité entre les acteurs économiques.