Politique11 vues5 min de lecture

Privatisation de l'aéroport de Nice contestée en justice

Un syndicat de compagnies aériennes conteste la privatisation de l'aéroport de Nice devant le Conseil d'État, craignant une hausse des taxes. La rapporteure publique a recommandé le rejet du recours.

Arnaud Lambert
Par
Arnaud Lambert

Journaliste spécialisé dans le droit public et les politiques réglementaires. Arnaud Lambert couvre les décisions des hautes juridictions administratives et analyse les enjeux liés aux privatisations et aux services publics.

Profil de l'auteur
Privatisation de l'aéroport de Nice contestée en justice

La légalité de la privatisation de l'aéroport Nice-Côte d'Azur a été examinée par le Conseil d'État à Paris. Un syndicat de compagnies aériennes, le SCARA, a déposé un recours pour faire annuler le décret autorisant la vente de 60% des parts de l'État, craignant une future augmentation des redevances aéroportuaires. Cependant, la rapporteure publique a recommandé le rejet de cette demande, jugeant les craintes prématurées et le lien de causalité non établi.

Points Clés de l'affaire

  • Le Syndicat des Compagnies Aériennes Autonomes (SCARA) a saisi le Conseil d'État pour contester la privatisation de l'aéroport de Nice.
  • Le syndicat redoute une hausse des taxes aéroportuaires suite au transfert de 60% du capital de l'État au secteur privé.
  • La rapporteure publique a conclu que le décret attaqué ne justifiait pas en lui-même une telle augmentation et a préconisé le rejet du recours.
  • La décision finale du Conseil d'État est attendue dans les prochaines semaines.

Un bras de fer juridique devant la plus haute juridiction

Le dossier de la privatisation de l'aéroport Nice-Côte d'Azur a été porté devant la plus haute juridiction administrative française. Le Syndicat des Compagnies Aériennes Autonomes (SCARA), qui représente plusieurs transporteurs dont un basé à Nice, a initié une procédure pour obtenir l'annulation d'un acte réglementaire majeur.

Le texte au cœur du litige est le décret du 7 mars 2016. C'est ce document qui a officiellement autorisé le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de la Côte d'Azur. Cette privatisation s'inscrit dans le cadre d'une loi d'août 2015 permettant à l'État de céder ses participations dans plusieurs aéroports régionaux.

La crainte principale : une envolée des coûts pour les compagnies

La principale motivation du SCARA est d'ordre économique. Le syndicat exprime une inquiétude claire : la gestion par un acteur privé, dont l'objectif premier est la rentabilité, pourrait entraîner une augmentation significative des redevances aéroportuaires. Ces redevances sont les frais que les compagnies aériennes paient pour l'utilisation des pistes, des terminaux et d'autres services aéroportuaires.

Une telle hausse impacterait directement les coûts d'exploitation des compagnies, ce qui pourrait se répercuter sur le prix des billets pour les passagers ou réduire la rentabilité des lignes desservant la Côte d'Azur.

Le contexte de la privatisation des aéroports français

La vente des parts de l'État dans les aéroports de Nice et de Lyon en 2016 s'inscrivait dans une politique plus large visant à réduire la dette publique. L'État a cédé ses 60% de parts dans la société Aéroports de la Côte d'Azur à un consortium italo-français, Azzurra. Cette opération a rapporté plus de 1,2 milliard d'euros au budget de l'État.

L'analyse de la rapporteure publique du Conseil d'État

Lors de l'audience, les arguments du syndicat ont été minutieusement examinés par la rapporteure publique, Suzanne von Coester. Son rôle est d'analyser le dossier en toute indépendance et de proposer une solution juridique au Conseil d'État, qui reste libre de suivre ou non ses conclusions.

L'analyse de la magistrate a été défavorable à la requête du SCARA. Elle a soulevé une question juridique fondamentale : l'intérêt à agir du syndicat. Pour contester une décision administrative, le requérant doit prouver qu'elle lui cause un préjudice direct et certain.

"En quoi l’intérêt de ce syndicat peut-il être affecté par la cession du capital ?" a interrogé la rapporteure publique, résumant ainsi le cœur de son argumentation.

Des arguments jugés prématurés

Selon Suzanne von Coester, les craintes d'une hausse des tarifs sont, à ce stade, hypothétiques. Elle a souligné que le décret contesté se contente d'autoriser la cession des parts de l'État. Il ne modifie en rien le cadre réglementaire qui régit la fixation des redevances aéroportuaires.

Elle a précisé que ce cadre est strict et contrôlé par une autorité indépendante, l'Autorité de Supervision Indépendante des redevances aéroportuaires (ASI), qui doit valider toute évolution tarifaire. Le simple changement d'actionnaire ne donne pas automatiquement le droit au nouvel opérateur d'augmenter ses prix de manière arbitraire.

Le rôle du Rapporteur Public

Au sein du Conseil d'État, le rapporteur public n'est ni un avocat, ni un procureur. C'est un membre de la juridiction qui expose publiquement son analyse du droit applicable au litige et propose une solution. Ses conclusions, bien que non contraignantes, sont très souvent suivies par la formation de jugement.

Les autres points soulevés lors de l'audience

Le SCARA a également évoqué la crainte qu'un propriétaire privé cherche à maximiser le trafic aérien au détriment de l'environnement et des riverains, une préoccupation partagée par de nombreuses associations locales. Cependant, la rapporteure publique a écarté cet argument en rappelant que les projets d'augmentation du trafic étaient déjà envisagés bien avant la privatisation.

Elle a insisté sur le fait que la cession du capital n'était pas la cause directe d'une éventuelle augmentation du trafic. Les décisions en matière de développement aéroportuaire restent encadrées par des procédures réglementaires distinctes, incluant des études d'impact et des consultations publiques.

  • Argument du SCARA : La privatisation entraînera une hausse des redevances.
  • Réponse de la rapporteure : Le décret n'implique pas d'augmentation automatique ; les tarifs restent régulés.
  • Argument du SCARA : Le nouvel actionnaire va pousser à une croissance du trafic.
  • Réponse de la rapporteure : Le projet de croissance du trafic préexistait à la vente.

Quelle issue pour cette procédure ?

En conclusion de son analyse, Suzanne von Coester a formellement demandé au Conseil d'État de rejeter la requête du SCARA. Elle estime que les motifs invoqués par le syndicat ne sont pas suffisants pour justifier l'annulation du décret de privatisation.

L'argumentation est considérée comme prématurée, car aucun préjudice concret n'a encore été constaté. La simple crainte d'une décision future défavorable ne suffit généralement pas à faire annuler un acte administratif.

La décision finale appartient désormais à la formation de jugement du Conseil d'État. Les juges vont délibérer dans les semaines à venir avant de rendre leur arrêt. Bien qu'ils ne soient pas tenus de suivre l'avis de la rapporteure publique, ses conclusions sont souvent un indicateur fiable de la décision à venir. L'issue de ce dossier sera suivie de près par l'ensemble du secteur aérien français.